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ORL

Publié le 06 mai 2020Lecture 6 min

L’acouphène pulsatile - Partie II

Emmanuel HOUDART, Service de neuroradiologie, hôpital Lariboisière, Paris

Nous traiterons dans cette seconde partie de cette mise au point (cf. Partie I, OPA Pratique n°332-333 : https://www.opa-pratique.com/journal/article/006099-lacouphene-pulsatile...) des causes d’acouphène pulsatile qui ne sont pas en relation avec une sténose des sinus latéraux.

Les acouphènes pulsatiles veineux sans stéonse sinusienne  Certains acouphènes pulsatiles (AP) veineux ne sont pas déterminés par une sténose des sinus latéraux. Le bruit est ici lié à la transmission d’un flux veineux normal à la cochlée par l’intermédiaire des cellules mastoïdiennes. Ces causes sont reconnues en confrontant la séquence T1 gado avec le scanner des rochers, lequel analyse l’os et ses relations avec le sinus latéral. L’anévrisme du sinus latéral réalise une saillie de la paroi du sinus dans les cellules mastoïdiennes. Cette cause est traitable par voie endovasculaire par implantation de coils dans l’anévrisme. Une autre cause est représentée par le trajet d’une veine émissaire passant directement au contact d’une cellule mastoïdienne. Là encore, le traitement est endovasculaire par occlusion sélective de la veine émissaire à l’aide de coils. Enfin, la déhiscence du sinus latéral c’est-à-dire la perte de l’enveloppe osseuse met le sinus en contact avec les cellules mastoïdiennes. Le traitement est ici chirurgical et consiste en la réfection de la paroi osseuse manquante. Les acouphènes plusatiles artériels  Un AP est dit artériel lorsque perçu lors de la consultation, il est interrompu par la compression de la carotide commune homolatérale. Un AP artériel s’accompagne souvent d’un souffle audible à l’auscultation. La première cause d’AP artériel est la fistule artérioveineuse durale du sinus latéral. Il s’agit de communications artérioveineuses qui se développent à l’âge adulte dans la dure-mère du crâne et particulièrement celle constitutive de la paroi d’un sinus, en l’occurrence le sinus latéral. Le sang artériel à haute pression rejoint le système veineux du sinus latéral à basse pression et détermine des turbulences à ce niveau. L’auscultation du crâne retrouve un souffle continu à renforcement systolique maximal au niveau de la mastoïde du côté de l’AP. Le diagnostic est porté sur la séquence 3DTOF qui retrouve un hypersignal spontané des artères méningées et du sinus latéral (figure 1). Cette séquence suffit à faire le diagnostic et l’angiographie cérébrale conventionnelle n’est réalisée que pour préciser le pronostic neurologique de la fistule ou planifier la technique d’un éventuel traitement endovasculaire. Une fistule durale expose parfois à un risque neurologique central lorsque son drainage veineux reflue à partir du sinus latéral dans une veine corticale. Le traitement des fistules durales est presque exclusivement endovasculaire. L’embolisation peut être réalisée par voie artérielle, les communications artério-veineuses étant occluses par injection d’une solution gélifiante dans les artères méningées. Elle peut aussi être réalisée par voie veineuse en passant un microcathéter à contrecourant dans le sinus pour l’occlure à l’aide de coils. Figure 1. IRM séquence 3DTOF montrant l’hypersignal spontané des artères méningées et du sinus latéral droit (flèche blanche) dans une fistule artério-veineuse durale.   Les autres causes d’acouphène pulsatile artériel sont plus rares, mais doivent être recherchées notamment sur le temps artériel de l’angioscanner. La dissection carotidienne est une cause d’AP aigu, c’est-à-dire perçu depuis moins d’une semaine. L’AP est déterminé par l’accélération du sang en regard de la sténose artérielle qui est haut située, sur l’artère carotide interne sous pétreuse proche de la cochlée. La dissection artérielle aiguë est rarement un motif de consultation d’AP, car la dissection se manifeste plus volontiers par des hémicrânies ou un infarctus cérébral. En revanche, une dissection peut laisser une sténose séquellaire responsable d’un AP chronique. Une autre cause identifiée récemment est le diaphragme carotidien qui est une sorte de voile endoluminal d’intima qui se développe sur l’artère carotide sous-pétreuse. Cette cause se rencontre spécifiquement chez la femme aux alentours de la cinquantaine. Le diagnostic peut être suspecté sur l’angioscanner qui retrouve le plus souvent des stigmates de dysplasie fibro-musculaire. L’angiographie cérébrale conventionnelle confirme le diagnostic. Sténose séquellaire et diaphragme sont traitables par stenting carotidien. Les acouphènes plusatiles neutres  Un AP est dit neutre lorsque, perçu lors de la consultation, les manoeuvres de compression des vaisseaux du cou ne l’interrompent pas. Les causes otologiques sont largement dominantes dans ce groupe. La déhiscence du canal semi-circulaire supérieur, connue aussi sous le nom de syndrome de Minor se rencontre chez des patients au-delà de la cinquantaine. L’AP est fréquemment associé à un syndrome vestibulaire. La physiopathologie de l’AP serait la transmission de la pulsation du LCR à la périlymphe. Le diagnostic repose sur le scanner des rochers en coupes fines qui montre la disparition de la couverture osseuse du canal semi-circulaire supérieur (figure 2). Le traitement est chirurgical. L’otospongiose peut se révéler par un acouphène pulsatile. Elle est reconnue sur le scanner des rochers comme une hypodensité de l’os temporal entre vestibule et cochlée (figure 3). Le traitement est mal codifié et fait appel à la corticothérapie. Le paragangliome tympanique est parfois révélé par un AP neutre. Il est reconnu sur la séquence T1 gado écho de gradient sous la forme d’une masse prenant très fortement le produit de contraste. Figure 2. Scanner de l’os temporal en vue oblique montrant la déhiscence du canal semi-circulaire supérieur gauche qui n’est plus couvert d’os (flèche blanche). Figure 3. Scanner du rocher montrant un foyer d’otospongiose (flèche blanche) révélé par un acouphène pulsatile neutre gauche. Enfin, certaines causes vasculaires peuvent donner lieu à un AP neutre. En effet, la compression des vaisseaux du cou ne permet pas la compression de l’artère vertébrale et ne supprime donc pas les turbulences produites éventuellement par une pathologie siégeant dans cette artère. C’est le cas des fistules artério-veineuses vertébro-vertébrales spontanées ou post-traumatiques lorsque leur drainage veineux rejoint la région du golfe jugulaire. Dans ce cas cependant, l’auscultation de la région cervicale perçoit un souffle qui prédomine en région latéro-cervicale. L’angioscanner des troncs supra-aortiques permet le diagnostic qui est confirmé par l’angiographie conventionnelle. Le traitement de ces fistules artério-veineuses se fait par voie endovasculaire. Enfin, dans notre expérience, 15 % des AP ne reconnaissent pas de cause, et il s’agit toujours d’AP neutres. Il va sans dire que, quelle que soit la pathologie à l’origine de l’AP, lorsque celle-ci ne fait courir aucun risque vital au patient, le traitement n’est décidé que par ce dernier en fonction de la gêne occasionnée par le bruit et qu’il est le seul à ressentir. Les causes mythiques d'AP Il nous a semblé important de dire un mot des causes parfois évoquées dans le cadre de l’AP et qui ne sont jamais à l’origine de ce symptôme. Le conflit vasculonerveux entre une boucle artérielle et le paquet acousticofacial n’entraîne jamais d’AP, car un AP suppose la stimulation du récepteur sensoriel c’est-à-dire des cellules ciliées et que les axones du nerf cochléaire « n’entendent rien ». La persistance de l’artère stapédienne n’est jamais retrouvée dans notre expérience. Diagnostic différentiel de l'AP : l'acouphène rythmique Certains patients se plaignent d’un acouphène qui n’es t ni continu ni synchrone des battements cardiaques : l’acouphène rythmique. Les patients décrivent le son comme « un bruit de morse » ou « un cliquetis irrégulier ». Cet acouphène rythmique est dû à des cont ractions de certains muscles du palais et de la trompe d’Eustache. La cause est inconnue. Le traitement est mal codifié et fait appel aux anti comitiaux (lamotrigine notamment) et par foi s à des injec t ions de toxine botulique. Conclusion • L’AP doit être reconnu et distingué de l’acouphène continu : quelques secondes d’écoute du patient, l’imitation du son par le praticien peuvent tout changer dans la souffrance d’un patient. • Le patient doit être orienté vers un centre de neuroradiologie interventionnelle spécialisé dans la prise en charge de ce symptôme.

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