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Œil

Publié le 17 sep 2020Lecture 6 min

Œil rouge : infection ou allergie ?

Sophie STÉPHAN, Service du Pr Cochereau, Fondation ophtalmologique A. de Rothschild

L’œil est rouge dès que se manifeste une inflammation oculaire. Les étiologies infectieuses et allergiques sont les plus fréquentes et leur distinction est surtout clinique ; l’interrogatoire et l’examen clinique précis prennent alors tout leur sens.

Quand un œil est rouge, il s’agit souvent de la conjonctive qui est le tissu transparent de la surface de l’œil, bulbaire ou palpébrale du fait de la densité du réseau lymphatique et l’importance cellules immunocompétentes. Caractéristiques cliniques de l'inflammation conjonctiviale Les symptômes souvent rencontrés sont aspécifiques, avec larmoiement, sensation de gêne de surface de type prurit, brûlure, sensation de corps étranger. La rougeur est au premier plan de manière diffuse ou plus sectorielle avec parfois des formes hémorragiques (pétéchies). Un œdème s’y associe palpébral, ou bulbaire (appelé chémosis) (figure 1). Il peut y avoir également des sécrétions dont l’aspect clair évoque plutôt une allergie (figure 2) ou une infection virale alors que son aspect purulent évoquera volontiers une infection bactérienne. Figure 1. Chémosis. Figure 2. Sécrétions filandreuses de conjonctivite allergique. Il est recommandé de soulever la paupière supérieure à la recherche de pseudomembranes par accumulation d’exsudats inflammatoires de l’épithélium conjonctival typiques de la conjonctivite virale épidémique. La présence de follicules (lésions surélevées de la conjonctive entourées par un vaisseau) (figure 3) évoque volontiers une conjonctivite virale alors que les papilles (centrées par un vaisseau) (figure 4) sont plutôt rencontrées dans les conjonctivites allergiques. Figure 3. Follicules conjonctivales évocateurs de conjonctivite virale. Figure 4. Papilles conjonctivales évocatrices d’allergie. Arguments en faveur d'une conjonctivite infectieuse Les arguments à rechercher sont les suivants : le mode d’installation brutale ; la notion de contage ; le contexte infectieux ORL ; les facteurs de risque d’immunodépression ; la présence d’une adénopathie ; l’atteinte unilatérale ; l’absence de rythme saisonnier, l’absence d’antécédents d’atopie, de conjonctivite papillaire. Les conjonctivites bactériennes sont globalement rares chez l’adulte mais fréquentes chez l’enfant. Les bactéries les plus fréquentes de l’adulte sont le staphylocoque doré puis le Staphylococcus epidermidis et le pneumocoque. Chez le nouveau-né, il faut penser aux Chlamydia trachomatis et au gonocoque à la première semaine de vie, alors que chez le jeune enfant c’est l’Hemophilus qui est le plus fréquent avec une atteinte ORL souvent associée et une conjonctivite hémorragique. Les investigations ne sont pas pratiquées en routine. Seules les conjonctivites très purulentes doivent être prélevées à la recherche de Chlamydia et gonocoque qui requièrent une combinaison d’antibiotiques topiques et par voie générale. Le traitement des conjonctivites infectieuses a fait l’objet de recommandations par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, 2004 ; tableau) : un traitement antibiotique local ne fait qu’accélérer la guérison de la conjonctivite mais n’est pas plus efficace que le sérum physiologique après 8 jours. Il diminuerait cependant la durée de contagiosité. L’antibiothérapie n’est indiquée qu’en cas de signes de gravité ou de facteurs de risque. En l’absence de signe de gravité, un lavage au sérum physiologique, associé à un collyre antiseptique est suffisant. Cas particulier de la conjonctivite à adénovirus Elle survient sous la forme d’épidémies le plus souvent avec atteinte unilatérale puis bilatéralisation (figure 5) en 3 à 7 jours. La conjonctivite est folliculaire et très inflammatoire (les patients ont les yeux très rouges) avec parfois des pétéchies ou pseudomembranes (figure 6). La présence d’une adénopathie prétragienne ou sous-maxillaire est pathognomonique. Figure 5. Rougeur conjonctivale de conjonctivite à adénovirus. Figure 6. Pseudomembranes compliquant une conjonctivite à adénovirus. Les enjeux sont le très haut risque de contagiosité et l’atteinte cornéenne qui peut se compliquer de baisse de l’acuité visuelle (figure 7). À la phase aiguë, le traitement est symptomatique et il se limite à des lavages oculaires au sérum physiologique, éventuellement associé à un antiseptique local. En cas d’inflammation importante, un anti-inflammatoire non stéroïdien local peut être utile. Les antibiotiques ne sont pas conseillés en l’absence de surinfection bactérienne qui est en pratique rare, et exposent à des risques d’allergie et de toxicité locale. Les traitements antiherpétiques n’ont pas montré d’efficacité mais sont parfois utilisés pour réduire la durée des symptômes. La prescription de collyres cortisonés est très discutée en cas de forme inflammatoire. En effet, des modèles animaux montrent que ces derniers favoriseraient le portage chronique du virus. Figure 7. Kératite nummulaire compliquant une conjonctivite à adénovirus. À retenir  La plupart des cas de conjonctivite infectieuse guérit en 5 jours sans traitement. Les antibiotiques sont à réserver aux patients fragiles (se référer aux recommandations de l’Afssaps ; tableau). Une baisse d’acuité visuelle doit faire craindre une atteinte cornéenne et nécessite un avis spécialisé par un ophtalmologue. Arguments en faveur d'une conjonctivite allergique L’atopie est une prédisposition génétique à développer une réponse à des allergènes environnementaux. L’atteinte ORL est la plus fréquente affectant 20 % de la population. Le prurit, surtout palpébral, le terrain atopique, la périodicité des troubles et l’installation plus insidieuse permettent d’évoquer l’allergie. Les formes cliniques rencontrées sont : la conjonctivite allergique aiguë : réaction anaphylactique aiguë en rapport avec l’allergène sensibilisant. La clinique est bruyante avec une atteinte souvent bilatérale, un prurit intense, un oedème palpébral (figure 8) et un chémosis. L’évolution est rapidement favorable après éviction du facteur déclenchant ; la conjonctivite allergique saisonnière : il s’agit de la forme la plus fréquente, printanière souvent liée aux pollens graminées avec des symptômes associés ORL et bronchiques ; la conjonctivite allergique perannuelle : les symptômes sont présents toute l’année avec une recrudescence printanière, souvent par allergie aux poussières. Le prurit est au second plan ; la kératoconjonctivite vernale (KCV) : elle touche souvent le jeune garçon. La présence de papilles géantes sous-palpébrales est très évocatrice (figure 9). La gravité de l’atteinte dépend de l’atteinte cornéenne (figure 10) ; la kératoconjonctivite atopique (KCa) : qui se manifeste par un eczéma palpébral (figure 11) chez les patients aux antécédents de dermatite atopique. Le risque est également l’atteinte cornéenne. Figure 8. Œdème palpébral bilatéral d’une conjonctivite allergique aiguë. Figure 9. Papilles géantes sous-palpébrales (kératoconjonctivite vernale). Figure 10. Plaque vernale compliquant une kératoconjonctivite vernale. Figure 11. Eczéma palpébral et kératoconjonctivite atopique. Les examens complémentaires cutanés peuvent être prescrits pour identifier l’allergène responsable des symptômes (pour l’allergie immédiate). Les tests de provocation conjonctivale sont indispensables avant toute désensibilisation chez les patients avec polysensibilisation attestée par les tests cutanés. Les grandes lignes de prise en charge des conjonctivites allergiques passent par l’éviction de l’allergène, les lavages oculaires, les antihistaminiques H1, antidégranulants mastocytaires, et les anti-inflammatoires stéroïdiens. Penser aux diagnostics différentiels Il faut savoir remettre en cause la suspicion d’allergie ou d’infection devant une conjonctivite chronique. Les diagnostics à rechercher avant tout dans ces cas sont la conjonctivite fibrosante des maladies bulleuses auto-immune (figure 12), ou la dilatation épisclérale en tête de méduse des fistules carotido-caverneuses (figure 13). Figure 12. Conjonctivite chronique fibrosante (présence de symblépharons) suspecte de maladie bulleuse auto-immune. Figure 13. Dilatation des vaisseaux épiscléraux en « tête de méduse » d’une fistule carotido-caverneuse indirecte. Un dernier piège de l’ophtalmologue, moins grave est la conjonctivite chronique folliculaire unilatérale de l’enfant liée à la présence de Molluscum contagiosum (figure 14). Figure 14. Molluscum contagiosum sur le bord libre du tiers interne de la paupière supérieure gauche. En pratique, on retiendra  • Les conjonctivites sont le plus souvent d’origine infectieuse ou allergique. • La clinique oriente le diagnostic. • Elles nécessitent le plus souvent un traitement symptomatique seul. • En cas de baisse d’acuité visuelle ou de formes traînantes, l’avis de l’ophtalmologue est conseillé.

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