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Asthme

Publié le 06 juil 2015Lecture 15 min

Quoi de neuf dans le GINA 2014 ?

R. SCHRIJVERS*,**, A. MIRELA CHIRIAC*, P. DEMOLY*, *Hôpital Arnaud de Villeneuve, Centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, **Universitair Ziekenhuis Leuven, Louvain (Belgique)

L'asthme est un problème mondial de santé touchant près de 300 millions de personnes(1). Les praticiens gérant l’asthme, sont confrontés à différents problèmes en fonction du contexte, de l’environnement, du système local de santé et de l’accès aux ressources. Le rapport Global Initiative for Asthma (GINA) sur la stratégie de prise en charge de l’asthme, a d’abord été lancé en 1993 par le National Heart, Lung and Blood Institute et l’Organisation mondiale de la santé. Au cours de la dernière décennie, il a été mis à jour annuellement sur la base d’une revue semestrielle de la littérature. Cette année, une révision majeure a été lancée à l’occasion de la Journée mondiale de l’asthme (6 mai 2014), organisée pour sensibiliser au « fardeau » et au poids que représente l’asthme et pour se concentrer à nouveau sur le contrôle de cette pathologie(2).
Le rapport GINA 2014 est lancé à un moment de transition dans notre compréhension du spectre et de l’hétérogénéité de cette maladie chronique des voies respiratoires, avec l’émergence de concepts tels que les « phénotypes » et leurs substrats physiopathologiques, les « endotypes » dans l’asthme(3). Pour combler l’écart entre les recommandations, souvent très structurées et parfois trop étroites, et les difficultés rencontrées dans la pratique, le GINA 2014 essaie d’utiliser suffisamment de tables et de diagrammes. Des experts de plus de 30 pays ont travaillé sur ce projet pour en améliorer la clarté, la pertinence et l’utilité. Cet article se veut un résumé des nouveautés apportées par le GINA 2014 par rapport aux éditions précédentes.

Quoi de neuf ?   Définition de l’asthme Une « nouvelle » définition de l’asthme est fournie, identifiant d’abord son hétérogénéité, puis ses principales caractéristiques tels que les symptômes variables et la limitation variable des débits d’air expiratoire. Pour mémoire, le GINA 2012 définissait l’asthme d’abord comme une maladie inflammatoire chronique. Définition 2014 : « L’asthme est une maladie hétérogène, généralement caractérisée par une inflammation chronique des voies aériennes. Elle est définie par l’histoire clinique des symptômes respiratoires (tels que la respiration sifflante, l’essoufflement, l’oppression thoracique et la toux) qui varient au fil du temps et en intensité, et par la limitation variable du débit d’air expiratoire.» Les « phénotypes de l’asthme » tels que l’asthme allergique, l’asthme non allergique, l’asthme avec obstruction bronchique irréversible (fixée), l’asthme d’apparition tardive, l’asthme associé à l’obésité ne sont pas forcément corrélés à une pathophysiologie spécifique ou à des réponses à des traitements spécifiques. Ainsi, hyperréactivité bronchique et inflammation des voies respiratoires sont, selon le GINA 2014, habituellement présentes mais ni nécessaires, ni suffisantes pour faire le diagnostic.   Les différents paliers de traitement pour les patients de 6-11 ans, les adolescents et les adultes (encadré 3-5 GINA 2014).   Le diagnostic de l’asthme Environ 20 à 30 % de ce qu’on appelle les patients asthmatiques sont mal diagnostiqués(2). Le GINA 2014 propose d’utiliser des critères plus stricts et insiste sur l’importance de confirmer le diagnostic d’asthme pour minimiser les patients mal diagnostiqués (soit les faux positifs, soit les faux négatifs). Des conseils spécifiques ont été ajoutés pour confirmer le diagnostic dans des populations particulières, y compris les patients qui sont déjà sous traitement. Dans le GINA 2012, les mesures objectives indiquant la limitation expiratoire de débit d’air ou rapport de Tiffeneau (ratio du volume expiratoire maximal en une seconde [VEMS] et de la capacité vitale forcée [CVF]) pouvaient confirmer ou au moins augmenter la probabilité d’un diagnostic d’asthme chez les patients présentant des symptômes caractéristiques. Le GINA 2014 incite à documenter le diagnostic avant l’initiation du traitement (si possible) et donne des conseils pour le diagnostic si le patient reçoit déjà un traitement. Ce diagnostic est basé sur : – la présence des symptômes respiratoires caractéristiques ; – la preuve, au moins une fois, d’une limitation variable du débit d’air (VEMS/CVF < 0,75-0,80 pour les adultes ou < 0,90 pour les enfants) accompagnée d’une variabilité de la fonction respiratoire. Ce dernier point peut être (encadrés 1-2 GINA 2014) : – la réversibilité immédiate du VEMS après bêta-2 mimétiques à courte durée d’action (B2CA) (adultes, VEMS > 200 ml et 12 % de la valeur initiale ; enfants : VEMS > 12 % de la valeur initiale) ; – une amélioration après un traitement d’essai pendant 4 semaines, en dehors des épisodes infectieux (adultes, VEMS > 200 ml et 12 % de la valeur de base) ; – une variation du débit expiratoire de pointe (DEP) mesurée pendant 2 semaines (variation moyenne du DEP > 10 % pour les adultes et > 13 % pour les enfants); – un test de provocation d’exercice positif (une chute > 10 % et 200 ml du VEMS pour les adultes ou > 12 % du VEMS ou > 15 % du DEP pour les enfants); – une variation excessive sur différentes visites (et en dehors des épisodes infectieux pour les adultes mais pas nécessairement pour les enfants) est également inclue (VEMS > 12 % et 200 ml pour les adultes, et VEMS > 12 % ou DEP > 15 %), mais considérée comme ayant un apport plus fiable au diagnostic. Le rôle du test de l’hyperréactivité bronchique reste inchangé par rapport au GINA 2012. Ce test peut être utilisé pour exclure le diagnostic chez certains patients. Cependant, un résultat positif ne dit pasnécessairement qu’il y a de l’asthme. De même, comme dans le GINA 2012, le document ne conseille l’utilisation de la fraction d’oxyde nitrique dans l’air expiré (FENO) comme paramètre de diagnostic pour l’asthme, ni pour décider de commencer une thérapie par corticostéroïdes inhalés (CSI), ni pour le suivi des asthmes difficiles. L’accès au FENO est encore restreint à certains centres. Dans le document, le FENO joue un rôle éventuel pour les enfants de moins de 5 ans chez qui il pourrait prédire un diagnostic d’asthme. Ensuite, des stratégies sont proposées pour les situations cliniques où le diagnostic n’a jamais été confirmé et pour les patients prenant déjà un traitement de fond. Le GINA 2014 propose de monter ou de diminuer le traitement en fonction de la sévérité des symptômes initiaux, la fonction pulmonaire et le taux d’obstruction, suivi par des évaluations et des changements cycliques (encadrés 1-4 et 1-5 GINA 2014).   Évaluation du contrôle de l’asthme L’évaluation du contrôle de l’asthme se concentre sur « le contrôle des symptômes », – indiquant que l’asthme est bien contrôlé, partiellement contrôlé, non contrôlé ou en exacerbation, – ainsi que des « facteurs de risque d’une exacerbation » tels qu’un VEMS < 70 % de la valeur prédictive, des comorbidités, l’exposition à la fumée ou des allergènes, ≥1 exacerbation par an ou une mauvaise observance. Par conséquent, on parle par exemple d’un patient « avec un asthme bien contrôlé pour l’instant mais avec un risque d’une exacerbation à cause d’un tabagisme actif et d’une mauvaise observance ». Ces éléments sont déjà discutés dans les recommandations du GINA depuis 2006, mais ont été révisés et mis à jour pour inclure également des éléments associés au traitement tels que la technique d’inhalation, l’observance et les effets secondaires des médicaments, et aux comorbidités telles que la rhinite allergique, l’allergie alimentaire et l’eczéma pour obtenir une prise en charge plus holistique (encadrés 2-2 et 2-3 GINA 2014). Il est conseillé d’avoir une mesure de la fonction respiratoire (notamment le VEMS) au début du traitement et tous les 3 à 6 mois jusqu’à ce que le contrôle maximal soit obtenu, bien que la corrélation entre les valeurs et les symptômes chez les adultes et les enfants soit faible. Par la suite, des évaluations périodiques (ou bien pendant ou immédiatement après une éventuelle exacerbation autogérée) sont conseillées. Lorsque le patient est stable (contrôlé) avec une dose de traitement la plus faible, on peut alors quantifier et dénommer la sévérité de l’asthme. Le GINA 2014 propose d’utiliser le terme d’asthme « léger » si l’asthme est contrôlé par les paliers 1-2, « asthme modéré » pour le palier 3 et « asthme sévère » pour les paliers 4 ou 5.   La prise en charge de l’asthme Le protocole utilisant 5 paliers, permettant au clinicien d’avancer ou reculer avec des options de traitement, reste inchangé. Cependant, les traitements recommandés ont changé de manière significative (encadré 3-5 GINA 2014). Certains éléments sont surlignés (figure) : Les différents paliers de traitement pour les patients de 6-11 ans, les adolescents et les adultes (encadré 3-5 GINA 2014).   Le rôle des corticoïdes inhalés (CSI) dans le traitement est accentué, menant à l’inclusion des CSI à faible dose comme une possibilité de traitement à côté de l’utilisation de B2CA à la demande (palier 1). L’idée provient d’études qui montrent que l’inflammation des voies aériennes est souvent présente même dans la population de patients qui ne nécessitent qu’un traitement avec B2CA à la demande (palier 1). Les CSI peuvent donc être envisagés dès le palier 1 comme traitement de fond, sachant que peu d’études en ont évalué l’efficacité à longs termes, selon le GINA 2014. En diminuant le traitement par paliers, l’arrêt des CSI à faible dose n’est pas toujours recommandé et leur poursuite doit être considérée. Dans le palier 2, une faible dose de théophylline peut être ajoutée (pas recommandée pour les enfants < 12 ans dans aucun palier). Cependant, le GINA 2014 n’en recommande pas l’utilisation courante, compte tenu de l’éventuelle toxicité et de la faible efficacité dans l’asthme. L’utilisation d’une faible dose de CSI (budésonide ou béclométasone) et de formotérol dans une combinaison fixe en tant que traitement à la demande chez les patients prenant cette combinaison comme traitement de fond, a été ajoutée dans les paliers 3-5. Une faible dose de CSI/formotérol chez ces patients a entraîné une diminution du risque d’exacerbations chez des adultes et des adolescents par rapport à la thérapie à la demande avec B2CA(4,5). Bien que déjà utilisée dans la pratique quotidienne, cette pratique se retrouve maintenant dans les recommandations. Pour les enfants (6-11 ans) nécessitant de monter du palier 2 au palier 3, des CSI de dose moyenne sont recommandés plutôt que l’association de B2LA (résultant en un traitement d’une faible dose de CSI/B2LA)(6). La diminution du traitement par paliers peut être envisagée si les symptômes sont contrôlés pendant 3 mois et s’il n’y a qu’un faible risque pour une exacerbation. Une augmentation est proposée si les symptômes ne sont pas contrôlés, s’il existe des risques d’une exacerbation ou s’il y a une vraie exacerbation. Cependant, le GINA 2014 conseille premièrement de réévaluer de manière critique le diagnostic, d’évaluer la technique d’inhalation et l’observance. La gestion des paliers 4 (chez les enfants de 6-11 ans) et 5 (tous âges confondus) doit être confiée à un spécialiste. Les corticostéroïdes à faible dose par voie orale restent pour l’instant le traitement en cas de nécessité (palier 5), mais aussi la thermoplastie bronchique et l’omalizumab.   La prise en charge des facteurs de risque modifiables et des comorbidités sont également inclus dans la révision du GINA. Le rôle de l’éviction allergénique est toujours faiblement reconnu (en dehors de l’asthme professionnel et des allergies alimentaires). De plus, le rôle de l’immunothérapie allergénique (sublinguale ou sous-cutanée) reste peu élaboré et ce traitement n’est pas (encore) recommandé généralement, comme dans le GINA 2012. Le GINA 2014 met l’accent sur l’importance d’une explication claire et d’un accompagnement individualisé. Une formation à l’autosurveillance, un plan d’action écrit et des réévaluations régulières sont recommandés. Les sections portant sur la gestion des comorbidités et le traitement dans les populations particulières ont été révisées, restructurées et agrandies. La section « Mise à jour », par exemple, indique que l’allergie alimentaire peut également provoquer des symptômes d’asthme. Dans la gestion de l’asthme qui s’aggrave, le GINA 2014 met l’accent sur des plans d’action écrits parmi les autres prises en charge en première, deuxième ou troisième ligne.   L’asthme chez les enfants de moins de 5 ans Beaucoup d’enfants se présentent pendant leurs premières années de vie avec des sifflements, typiquement lors des infections virales des voies respiratoires supérieures. Faire la distinction avec une présentation initiale de l’asthme est difficile. Le GINA 2014 comprend une révision des recommandations de 2009 de la gestion de l’asthme chez les enfants de moins de 5 ans, incluant ainsi tous les groupes d’âge dans un seul document. Le diagnostic de l’asthme chez les plus jeunes ayant des antécédents de respiration sifflante, est considéré plus probable s’ils ont : – une respiration sifflante ou une toux qui se produit pendant l’exercice, en pleurant, en riant en l’absence d’une infection respiratoire apparente ; – des antécédents personnels d’autres maladies allergiques (eczéma, rhinite allergique, atopie) ou des antécédents familiaux d’asthme (premier degré) ; – une amélioration clinique pendant 2 à 3 mois de traitement avec une aggravation après arrêt. Pour le diagnostic, le GINA 2014 propose également l’utilisation des « outils de profil de risque » comme le Asthma Predictive Index (API ou mAPI pour la version modifiée) indiquant si un enfant de moins de 3 ans, ayant au moins quatre épisodes de sifflements par an et un facteur de risque majeur (une sensibilisation pour ≥1 pneumallergène(s) ou une histoire familiale d’eczéma ou de l’asthme) ou deux facteurs de risques mineurs (≥ 4 % d’éosinophilie, des sifflements en dehors des infections, une allergie alimentaire), développera un asthme plus tard(7,8). Le FENO peut être aussi utilisé, même si ce dernier n’est pas très accessible. La prise en charge pharmacologique de ce groupe d’âge est restée inchangée en principe, mais de manière similaire aux recommandations formulées dans les autres groupes d’âge, différents paliers ont aussi été proposé (4 paliers, encadré 6-5 GINA 2014) et cela est nouveau par rapport au GINA 2012. Dans le cadre de ces recommandations pour ces enfants, un chapitre sur la prévention primaire de l’asthme a été ajouté dans le GINA 2014.   Le chevauchement de l’asthme et de la BPCO Distinguer l’asthme de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) peut être problématique, surtout chez les fumeurs et les personnes âgées. Bien que l’asthme et la BPCO soient des entités cliniques différentes avec des traitements et des évolutions spécifiques, un diagnostic des deux maladies, l’asthme et la BPCO, a été rapporté chez 15-20 % des patients. De plus, les patients avec des symptômes communs sont relativement fréquents et sont généralement caractérisés par des exacerbations plus fréquentes, une baisse plus rapide de la fonction pulmonaire et une mortalité plus élevée. Par conséquent, le GINA 2014 comprend maintenant un nouveau chapitre décrivant une approche « syndromique » du diagnostic de ce qu’il appelle le syndrome de chevauchement de l’asthme et de la BPCO (Asthma COPD overlap syndrome ou ACOS, encadrés 5-2a et 5-2b GINA 2014). Il s’agit d’un projet conjoint du GINA et du Global initiative for obstructive lung disease (GOLD)(9). Les recommandations donnent un guide pour diagnostiquer l’ACOS et suggèrent un traitement, sachant qu’un suivi par un spécialiste est préféré. Lorsque pour l’asthme il existe une réversibilité pour l’obstruction respiratoire, cette dernière est plutôt fixe dans la BPCO (VEMS/CVF < 0,70). Cette obstruction dans la BPCO est généralement progressive et associée dans les voies respiratoires à des réactions inflammatoires chroniques aux particules nocives de la fumée de tabac. L’ACOS est généralement accompagné d’une obstruction respiratoire fixe, mais inclut également des éléments habituellement associés à l’asthme (comme une symptomatologie variable, une fonction respiratoire avec une certaine réversibilité) et d’autres généralement associés à la BPCO. L’ACOS est donc caractérisé par les points communs avec l’asthme et la BPCO. Le traitement initial devrait veiller à ce que les patients reçoivent un traitement adéquat contenant des CSI (et non seulement B2LA) pour toutes les caractéristiques de l’asthme. Pour les caractéristiques de la BPCO, ils devraient recevoir un traitement symptomatique avec suffisamment de bronchodilatateurs mais pas les CSI seuls.   Conclusion Le GINA 2014 peut être considéré comme une révision majeure des recommandations des précédents GINA. Bien que le document comprenne 148 pages, il est très structuré, composé de tableaux de synthèse et de diagrammes pour simplifier les recommandations et pour guider le lecteur à travers ce document. Un voyage qui vaut la peine d’être entrepris pour tous les médecins confrontés à des patients asthmatiques.

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