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Laryngologie

Publié le 11 oct 2015Lecture 8 min

La papillomatose laryngée

L. SANTINI, A. PAGANELLI, A. LAGIER, N. FAKHRY, A. GIOVANNI, Service d’ORL et de Chirurgie cervico-faciale, CHU de la Timone, Marseille

La papillomatose laryngée est une pathologie rare, d’origine virale, liée à une infection par une des souches des Human papillomavirus (HPV). Si elle est dans l’immense majorité des cas bénigne, la chronicité et la récurrence de la pathologie en font sa gravité et la papillomatose laryngée est responsable d’une altération de la qualité de vie des patients(1-3).

Le terme anglais de « Recurrent respiratory papillomatosis » est particulièrement éloquent. Il n’est pas constaté au niveau du larynx la même modification épidémiologique que dans l’oropharynx, où l’HPV est à l’origine d’une augmentation importante des carcinomes épidermoïdes chez le sujet non alcoolo-tabagique. Le traitement de la papillomatose laryngée reste essentiellement la chirurgie endoscopique d’ablation des touffes papillomateuses, et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) a récemment rappelé les règles de prescription du cidofovir, qui était utilisé par de nombreuses équipes, excluant explicitement son utilisation en injection intralésionnelle(4).   Épidémiologie et mode de transmission La papillomatose laryngée est la forme la plus fréquente des papillomatoses respiratoires (plus de 90 %). Elle survient plus fréquemment chez l’enfant avant l’âge de 5 ans, mais peut être diagnostiquée à tout âge, avec un deuxième pic de fréquence entre 20 et 40 ans. L’agent infectieux en cause est le Human papillomavirus (HPV), en particulier le HPV-6 et le HPV-11 à l’origine de plus de 90 % des cas(1,5-7). L’histoire naturelle de la pathologie est très variable allant de la résolution spontanée des lésions à des lésions sévères multirécidivantes(6). Le risque de transformation maligne en carcinome épidermoïde varie de 1,6 à 6 % selon les séries de la littérature(3,8,9). Les facteurs de risque en sont la sévérité de la papillomatose, l’extension des lésions, le tabagisme et le reflux gastro-œsophagien(6). Le mode de transmission n’est pas clairement établi(1,7,10). Le réservoir de l’HPV étant principalement le tractus anogénital, la transmission sexuelle est suspectée chez l’adulte. La papillomatose laryngée surviendrait chez des adultes ayant de nombreux partenaires sexuels et ayant des pratiques sexuelles orogénitales plus fréquentes que les personnes saines. Cependant, une possible réactivation de l’infection à HPV acquise à la naissance pourrait expliquer certaines formes de l’adulte. Chez l’enfant, la papillomatose laryngée pourrait être  liée à une contagion mère-enfant lors d’un accouchement par voie basse (transmission verticale), bien que le développement soit inconstant et que certaines formes soient décrites chez des enfants dont les mères ne sont pas infectées.   Mode de découverte et diagnostic Le mode de découverte est le plus souvent une symptomatologie à type de dysphonie ou de dyspnée laryngée(7). Le diagnostic est suspecté macroscopiquement lors de l’examen endoscopique (figure 1) devant la présence d’une ou de plusieurs lésions d’aspect souvent caractéristique et confirmé histologiquement par la mise en évidence d’une hyperplasie papillomatose hyperkératosique. La présence d’agents infectieux est objectivée par la présence de koïlocytes(11). Figure 1. Laryngoscopie en suspension : papillomatose touchant les tiers moyens des deux cordes vocales. 1 : corde vocale gauche ; 2 : corde vocale droite ; 3 : lésion papillomateuse ; 4 : commissure antérieure.   Traitement chirurgical Il n’existe à l’heure actuelle ni traitement curatif, ni traitement préventif validé. Lors du diagnostic, une endoscopie à visée histologique est toujours nécessaire car il n’est pas possible d’éliminer formellement le diagnostic différentiel de cancer de la corde vocale sur le simple examen en laryngoscopie indirecte, et ce quel que soit le procédé (nasofibroscopie, épipharyngoscopie, etc.). Le traitement chirurgical endoscopique a pour principal objectif de maintenir une filière respiratoire perméable et/ou d’améliorer la qualité vocale. Il est la méthode thérapeutique de choix(3,10) et permet de libérer la filière respiratoire sans cependant prévenir des récidives. Plusieurs techniques ont été décrites : résection en microchirurgie, vaporisation au laser CO2, microdébrideur, etc. Il n’existe aucune étude comparative entre les différents traitements ; le choix est donc essentiellement conditionné par les habitudes de l’équipe. Pour ses tenants, le traitement par laser CO2 semble être celui permettant une exérèse précise, peu hémorragique et le moins pourvoyeur de séquelles cicatricielles(3). Les utilisateurs du microdébrideur (utilisé à très faible vitesse, de l’ordre de 400 tours/min) avancent cependant les mêmes arguments (figure 2 A et B).   Figure 2. A : exérèse des lésions au microdébrideur. B : résultat après exérèse au microdébrideur. 1 : corde vocale gauche ; 2 : corde vocale droite ; 3 : lésion papillomateuse ; 4 : commissure antérieure ; 5 : microdébrideur ; 6 : base d’implantation de la lésion papillomateuse après exérèse.   Les risques des traitements chirurgicaux sont dominés par le risque de récidive nécessitant des interventions itératives, ainsi que par les séquelles potentielles des chirurgies répétées comme la sténose laryngée(12). Ce risque doit être pris en compte, d’autant plus que le risque de récurrence ne dépend pas réellement de la qualité de l’exérèse : même après résection satisfaisante, l’HPV reste présent au niveau des cordes vocales et l’apparition d’une récidive correspond à une réactivation des phénomènes hyperplasiques dont on ne connaît pas les mécanismes(7). C’est sur cette base que de nombreuses équipes avaient mis beaucoup d’espoir dans les traitements locaux par antiviraux.   Traitement médical Les injections locales de cidofovir (Vistide®), analogue de la cytosine, sont actuellement controversées. Si depuis 1998, plusieurs études ont été consacrées à l’utilisation locale de ce produit, avec un accent mis sur l’amélioration de la sévérité des lésions et sur la minimisation du risque de récidives(13-15), il n’existe cependant aucune étude d’un niveau de preuve satisfaisant avec une large cohorte traitée de façon randomisée. L’efficacité du cidofovir en injection intralésionnelle est décrite sur de petites cohortes après de multiples injections (au minimum 6 par patient) et en association avec une exérèse chirurgicale(16-19). L’absence d’étude comparative entre traitement antiviral et traitement chirurgical exclusif rend difficile l’interprétation de ces résultats. De plus, les effets secondaires (néphropathie tubulaire, neutropénie, hépatotoxicité, diarrhée, augmentation du risque de tumeur maligne) en ont limité les indications, bien qu’ils soient essentiellement décrits en cas d’utilisation systémique(16). Wierzbicka et coll. ont décrit un cas de diarrhée, un cas de neutropénie et deux cas d’hépatotoxicité sur une cohorte de 32 patients traités par injections intralésionnelles(18). Les incertitudes sur le risque carcinologique, fortement décrit chez l’animal, demeurent à l’heure actuelle(18,20). À cet égard, l’ANSM a publié récemment une note qui déconseille formellement l’utilisation du cidofovir dans cette indication(4). Toute injection réalisée se fera alors « hors AMM » et le praticien ainsi que le pharmacien doivent être sensibilisés quant au risque médico-légal pris dans ce cadre. Dans la mesure où cette note de l’ANSM existe et en cas de survenue d’effets secondaires du cidofovir, ce serait au praticien de démontrer qu’il ne disposait d’aucune alternative thérapeutique pour le patient traité. Des recommandations particulières, liées au risque de transformation maligne, ont également été décrites(21): le cidofovir ne doit pas être utilisé lorsqu’il existe des signes de dysplasie en anatomopathologie,et le patient doit être informé sur les risques du traitement, notamment carcinologique. D’autres thérapeutiques adjuvantes, comme l’interferon α, ont été proposées. Leur utilisation n’est actuellement pas validée. Il en est de même de certains traitements à visée antimitotique, tels que le bévacizumab (Avastin®). La place de la vaccination n’est pas encore définie, recommandée, ni validée. Le vaccin contre les génotypes 6, 11, 16, 18 de l’HPV (Gardasil®) permettrait de retarder la survenue des récidives et, à grande échelle, de diminuer l’incidence de la pathologie dans les années à venir(22,23). La radiothérapie, longtemps utilisée, n’a actuellement plus de place dans la prise en charge thérapeutique des papillomatoses laryngées. Si elle permet un contrôle satisfaisant des lésions, elle majore le risque de dégénérescence maligne(24).    Surveillance H. H. Dedo et coll.(3) ont proposé une classification de l’état de contrôle de la maladie, permettant d’adapter la surveillance, qui doit dans tous les cas être poursuivie à vie : – « rémission » : pas de lésion papillomateuse visible lors de l’examen laryngoscopique au moins 2 mois après le dernier traitement ; – « stérilisation » : pas de lésion papillomateuse 3 ans après le dernier traitement ; – « guérison » : pas de lésion papillomateuse 5 ans après le dernier traitement. Il existe à ce stade toujours un risque de récidive, évalué à 1 ou 2 %. La surveillance doit être poursuivie de façon annuelle par un examen du larynx en nasofibroscopie.   Conclusion La papillomatose laryngée représente une réelle problématique thérapeutique, puisqu’aucun traitement curatif n’existe actuellement. Le traitement chirurgical, consistant en l’exérèse des lésions, semble être le meilleur compromis entre les risques et les bénéfices des thérapeutiques existantes. Le traitement préventif avec la vaccination anti-HPV pourrait permettre de diminuer l’incidence de la pathologie dans les années à venir.

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