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ORL

Publié le 03 fév 2015Lecture 11 min

Prise en charge des sinusites frontales chroniques : une stratégie thérapeutique progressive et adaptée

E. REYT, CHU de Grenoble

En dépit des progrès techniques, de l’instrumentation et de l’amélioration des connaissances de la physiopathologie, la prise en charge des sinusites frontales chroniques reste toujours un défi pour l’oto-rhino-laryngologiste. Si les sinusites frontales chroniques n’ont pas de spécificité par rapport aux autres sinusites concernant leur étiologie bactérienne, la configuration anatomique du drainage des sinus frontaux est tout à fait particulière. Leur traitement médical est en général identique à celui des autres sinusites chroniques. Leur prise en charge chirurgicale nécessite une analyse étiopathogénique très précise pour proposer des techniques les moins invasives possibles.

Particularités anatomiques du drainage des sinus frontaux Le terme de canal naso-frontal n’est pas adapté car celui-ci n’existe pas dans la réalité. Le sinus frontal se draine au sein des cellules de l’ethmoïde antérieur. Ces cellules méatiques ou unciformiennes bordent en avant, en arrière et latéralement le « récessus » frontal, ce qui impose un trajet dépendant de leur degré de pneumatisation. L’infundibulum est la portion basse du sinus frontal se terminant en entonnoir dans le récessus. L’union entre les deux structures forme réellement l’ostium du sinus frontal, zone tout à fait virtuelle et assez mal définie. Le récessus peut avoir une forme et un trajet variés dépendant de l’anatomie et de la disposition des cellules méatiques répondant à la classification de Kuhn(1). L’analyse de leur disposition est primordiale pour décider des modalités chirurgicales de prise en charge de ces sinusites en cas d’échec du traitement médical. Le récessus frontal est bordé : – en avant par la paroi postérieure de l’agger nasi, dont l’ouverture est la clé d’accès au récessus par voie endoscopique endonasale ; – en arrière par la paroi antérieure de la bulle ethmoïdale, formant la partie postérieure et basse de la gouttière unci-bullaire dans le méat moyen ; – latéralement, en dehors de la lame papyracée. – latéralement, en dedans de la lame d’insertion antérieure et haute du cornet moyen ; – en haut, du toit ethmoïdal. La région de l’agger nasi est plus ou moins pneumatisée, en particulier vers le haut, pouvant former une empreinte plus ou moins importante en direction du sinus frontal. Les cellules ethmoïdales, au-dessus de l’agger nasi, dites « cellules unciformiennes antérieures », sont de véritables cellules frontales et peuvent être classées en cellules supraorbitaires, suprabullaires ou intersinusiennes. Leur forme et leur volume modifient profondément le trajet et la forme du récessus frontal et du sinus frontal lui-même. Chacune de ces cellules peuvent être confondues avec le sinus frontal lui-même en cas d’abord endoscopique de ce dernier. Ces particularités participent à la difficulté de cette chirurgie, pouvant donner l’illusion fausse de pénétrer dans le sinus frontal, et rendent indispensable une analyse préopératoire soigneuse des coupes sinusiennes dans les trois plans : coronal, axial et surtout sagittal de la tomodensitométrie dans ce cas de figure.   Figure 1. Drainage du sinus frontal.   Critères diagnostiques Il est important de souligner que la sinusite frontale chronique est rarement isolée. Le plus souvent, elle appartient à une pansinusite homolatérale ou une sinusite du complexe méatal antérieur. Il s’agit d’une sinusite évoluant depuis plus de 3 mois dont les symptômes sont peu spécifiques : céphalées frontales plus ou moins diffuses ; rhinorrhée antérieure et, surtout, postérieure, en général muqueuse ou mucopurulente ; obstruction nasale plus rare. Elle peut être dépistée à l’occasion de poussées aiguës, de réchauffement ou de l’apparition d’une mucocèle ou de complications orbitaires ou endocrâniennes. Il peut exister une asthénie plus ou moins importante. Lors de l’examen clinique, on s’attachera à rechercher : – la présence de liquide mucopurulent, de polypes ou de granulomes dans la région du méat moyen ; – un œdème et un érythème localisés au méat moyen. La présence sur la tomodensitométrie d’opacité en cadre ou complète du sinus frontal ou des sinus frontaux, associée ou non à une opacité du complexe ethmoïdal antérieur ou des autres sinus de la face, sont des critères diagnostiques essentiels.   Figure 2. Classification de Kuhn. Le bilan endoscopique Il est l’élément essentiel des investigations diagnostiques. Il devrait être conduit sans, puis après application de tampon de xylocaïne naphazolinée. On utilise soit un nasofibroscope suffisamment fin, soit un endoscope rigide de préférence angulé à 30°. Dans ces cas, la région du méat moyen et, en particulier, de la gouttière uncibullaire, sera soigneusement inspectée à la recherche d’œdème, de polypes, de liquide mucopurulent, comme le méat supérieur et le récessus sphéno-ethmoïdal. Un prélèvement peut être effectué avec un écouvillon ou une aspiration pour examen bactériologique direct et cultures. Chez un patient ayant déjà été opéré, on s’attachera à rechercher des synéchies entre la tête du cornet moyen, des cicatrices de la région uncibullaire, des granulomes ou des polypes.   Figure 3. A : agger nasi simple, bulle, classe 1 de Kuhn. B : classe 2 et 3 de Kuhn : cellules frontales orbitaires ou intersinusiennes. C : classe 4 de Kuhn.   Le bilan par imagerie Ses modalités reposent essentiellement sur la tomodensitométrie simple en coupes fines jointives sans injection des cavités rhinosinusiennes comprenant des coupes axiales et coronales. Des coupes sagittales de reconstruction seront nécessaires avant de proposer une indication chirurgicale quelle qu’elle soit, afin de détailler le trajet du récessus frontal. Ainsi, on peut détailler la largeur antéropostérieure de ce « canal nasofrontal » et ses délimitations par les cellules unciformiennes ou méatiques. L’analyse de la tomodensitométrie permet de détailler les empreintes particulières formées par des cellules frontales plus ou moins développées, qui peuvent être analysées comme une cause potentielle de l’évolution du confinement sinusien. Ainsi, Kuhn(1,2) a pu décrire plusieurs formes de ces anomalies aboutissant à la classification qu’il faut connaître avant de réaliser un acte chirurgical de la région du sinus frontal. La classe 1 est représentée par une élévation de l’agger nasi dans le plancher du sinus ; la classe 2 par des cellules frontales situées dans la région méatique antérieure au-dessus de l’agger nasi pouvant donner des empreintes supraorbitaires ou intersinusiennes ; la classe 4 est une cellule frontale complètement incluse dans le sinus frontal, mimant un dédoublement des parois de celui-ci. Les informations acquises par tomodensitométrie peuvent servir à préparer un geste chirurgical endoscopique assisté par ordinateur ou navigation sinusienne qui, dans le cas d’une chirurgie endoscopie endonasale du sinus frontal, est un outil qui s’avère très utile pour améliorer le geste de reperméabilisation (drainage et ventilation) de ces sinus. En effet, ce type de système est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’une reprise chirurgicale après échec d’une intervention précédente.   Figure 4. Suites opératoires frontoméaticotomie (Draf II).   Prise en charge médicale des sinusites frontales chroniques Il n’existe pas de traitement spécifique des localisations frontales. Le traitement est celui de toutes les sinusites chroniques mucopurulentes. Il repose sur une antibiothérapie prolongée d’un minimum de 12 jours, avec une excellente pénétration tissulaire à large spectre, actif sur les germes habituellement rencontrés. Ils sont sensiblement différents de ceux responsables des sinusites aiguës. Ce sont principalement le staphylocoque doré, le staphylocoque coagulase – Haemophilus influenzae, plus rarement des germes de la région digestive E. coli, Pseudomonas, germes anaérobies. C’est la raison pour laquelle on peut recommander de guider la thérapeutique par un prélèvement bactériologique réalisé au méat moyen, dont l’analyse des cultures et l’antibiogramme permettront d’adapter l’antibiothérapie. Les patients qui ont déjà été opérés pour sinusite frontale ont plus souvent des sinusites liées au staphylocoque qu’à l’Haemophilus. En l’absence d’orientation, on sera amené à prescrire une amoxicilline acide clavulanique, de la pristinamycine et surtout une quinolone en l’absence de contre-indication. L’utilisation d’un traitement anti-inflammatoire stéroïdien peut être utile, même s’il ne fait pas l’objet de recommandations spécifiques. Les traitements adjuvants que représentent les irrigations lavages des cavités nasales, l’utilisation de décongestionnants, de mucolytiques, d’antihistaminiques sont très fréquemment prescrits pour ces cas difficiles. En effet, ce n’est que devant l’échec de telles thérapeutiques qu’on sera amené à proposer une solution chirurgicale. C’est la raison pour laquelle des irrigations sinusiennes selon la technique de Proetz, couplées à une antibiothérapie par voie générale peuvent éviter dans un nombre de cas important de poser l’indication d’un abord endoscopique du sinus frontal. Ceci est d’autant plus intéressant que la théorie du confinement sinusien s’applique à un sinus dont la ventilation et le drainage peuvent être compromis du fait de sa situation anatomique. Il est important de prendre en compte si cette sinusite évolue dans le cadre d’un suivi pour polypose rhinosinusienne et, surtout, si celle-ci a déjà bénéficié d’une ethmoïdectomie par voie endoscopique. L’échec du traitement médical ne pourra être réellement avéré que devant un traitement optimal bien conduit et une tomodensitométrie de contrôle 2 à 3 semaines après la fin de ce traitement.   Figure 5. Résultats postopératoires. Lothrop modifié ou Draf III.   Les approches chirurgicales La solution chirurgicale a pendant longtemps été, après ablation soigneuse de tous les tissus muqueux, une oblitération sinusienne en particulier avec de la graisse pariétale abdominale décrite par Montgomery (osteoplastic frontal sinus fat with obliteration)(6) jusqu’à l’avénement de techniques chirurgicales endoscopiques. Cette intervention est devenue l’ultime recours en cas d’échec des autres techniques chirurgicales. Les indications vont essentiellement dépendre de la configuration anatomique du récessus frontal et du volume des cellules méatiques, de la pathologie associée : ethmoïdale ou non, et de l’expérience du chirurgien. Il est essentiel de proposer et de réaliser un geste le moins traumatique possible pour la région ethmoïdale antérieure en préservant le plus soigneusement la muqueuse de cette région. Une attitude conservatrice est donc la plus appropriée, en réservant les interventions plus complètes ou plus agressives pour les échecs des techniques les moins invasives. De même, si ces sinusites sont liées à une évolution tumorale (ostéome, papillome) ou un mucocèle, le traitement de ces lésions doit être conduit selon les mêmes règles conservatrices pour ne pas voir perdurer la sinusite(7-10). En cas de sinusite non précédemment opérée, sans anomalie anatomique associée, une simple ethmoïdectomie antérieure permet dans une majorité de cas une ventilation sinusienne amenant la guérison. En cas d’échec d’une intervention précédente, l’analyse de la tomodensitométrie, du trajet du récessus est primordiale. Dans ce cas, nous pensons très utile l’utilisation d’un système de navigation pour confirmer l’accès au sinus frontal et le faire dans des conditions les moins traumatiques pour la région ethmoïdale antérieure. En effet, c’est souvent dans ces situations que le chirurgien pense avoir découvert le sinus frontal et qu’il ne découvre en fait qu’une cellule méatique à composante frontale. C’est aussi dans ces conditions que la pose d’un clou sinusien frontal (clou de Lemoyne) ou d’un drain peut s’avérer nécessaire pour vérifier le flux liquidien depuis le sinus frontal et faciliter les soins par des irrigations-lavages postopératoires au travers du clou ou du drain. La sténose de la région nasofrontale est la complication postopératoire la plus redoutée. Les interventions de Draf II (frontoméaticotomie) et Draf III (Transseptal Frontal Sinusotomy) ou Lothrop modifiée, découvrant la base des deux sinus frontaux à travers la portion haute du septum nasal et l’épine nasale de l’os frontal, ne s’adressent qu’aux échecs des techniques précédentes, et nécessitent une grande expérience de la chirurgie endoscopique endonasale. Certains auteurs préfèrent, dans ces cas, proposer une oblitération sinusienne par voie externe bicoronale ou sourcilière. Une alternative toujours débattue est la résection de la cloison intersinusienne pour faire communiquer les deux sinus à la condition d’être certain de la qualité du drainage et de la ventilation du sinus frontal jugé sain. Une technique controversée d’apparition récente, en 2005, encore en cours d’évaluation, est la « balloon sinuplasty » dont le concept est séduisant. Son coût et le recours à un amplificateur de brillance sont à mettre en balance de ses bénéfices potentiels. Il consiste à glisser une sonde par voie endoscopique dans le sinus frontal et de dilater un ballonnet, ainsi introduit dans la région du canal, permettant un élargissement avec un minimum de traumatisme ou délabrement muqueux(10-12).

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