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Allergie alimentaire

Publié le 26 oct 2014Lecture 7 min

L’anaphylaxie alimentaire induite

E. BEAUDOUIN, Service d'allergologie, Centre hospitalier Jean Monnet, Épinal
L’anaphylaxie induite par l’exercice (AIE) se définit par la survenue de symptômes allergiques au cours ou au décours immédiat d’un effort. L’anaphylaxie alimentaire induite par l’exercice (AAIE) introduit un facteur alimentaire et obéit à une séquence chronologique particulière : prise d’un aliment suivi dans un délai variable d’un effort au cours duquel apparaissent les signes cliniques définis lors de l’AIE. L’ingestion alimentaire et l’effort réalisés isolément sont asymptomatiques.
L’AIE est une situation clinique peu fréquente puisqu’elle représenterait de 7 à 9 % des anaphylaxie(1,2). Les signes cutanés sont constants avec prurit, urticaire, angio-oedème, flush. Les atteintes respiratoires et digestives sont moins fréquentes. Plus rarement, on note un malaise, une hypotension, voire un choc anaphylactique(3,4). Quatre phases successives lors d’un épisode d’AIE ont été identifiées(5) : – une phase prodromique, qui débute une dizaine de minutes après le début de l’effort, avec fatigue, impression de chaleur, prurit et érythème ; – une phase précoce, avec urticaire et angio-œdème affectant tout particulièrement la face, les paumes de mains et les plantes de pieds ; – une phase constituée avec douleurs abdominales, nausées, vomissements, gène respiratoire, hypotension, voire perte de connaissance ; – une phase tardive avec des céphalées qui peuvent persister 24 heures. Un épisode d’AIE dure habituellement entre 30 minutes et 4 heures après l’arrêt de l’effort(5). L’AIE atteint plutôt des adultes jeunes (âge moyen : 37,5 ans), de sexe féminin (sexe ratio de 2 à 2,5 femmes/1 homme), avec fréquemment un terrain atopique(3,4). Le jogging, la marche, l’aérobic sont les activités sportives le plus souvent en cause, alors que le vélo, le ski de descente, la natation sont plus rarement con cernés(3,4). Certaines circonstances, comme le froid, la chaleur, l’humidité, viennent moduler le déclenchement de l’AIE. Un facteur médicamenteux, comme l’aspirine ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens, est plus rarement retrouvé. Inversement, une prise alimentaire dans les 3 à 4 heures avant l’effort est identifiée dans 37 à 54 % des cas(3,4).   L’anaphylaxie alimentaire induite par l’effort (AAIE)   L’AAIE, qui peut se définir comme une forme particulière d’AIE où un facteur alimentaire a pu être identifié, obéit à des critères bien précis : – mise en évidence d’une sensibilisation alimentaire IgE- dé pendante ; – ingestion courante de l’aliment (sans effort) bien tolérée ; – effort non précédé de l’ingestion de l’aliment impliqué bien toléré ; – ingestion de l’aliment suivi d’un effort entraînant l’apparition des symptômes. Alors que l’allergie alimentaire concerne 2,5 à 3,4 % de la population, la fréquence de l’AAIE apparaît beaucoup plus rare(6,7). Les crustacés et la farine de blé représentent les deux allergènes les plus souvent impliqués dans l’AAIE. D’autres aliments sont toutefois possibles et, sans être exhaustif, on retient : le céleri, la pêche, la tomate, le raisin, l’oignon, la pomme, les fruits à coque, le kiwi, le poulet, l’escargot, la graine de pavot, le vin, le maïs, les lentilles… Les symptômes cliniques apparaissent entre 5 et 50 minutes après le début de l’exercice(8-10). La durée de la crise peut persister de 3 à 4 heures après arrêt de l’exercice(5). L’intensité des crises de l’AAIE varie d’un épisode à l’autre et de surcroît la récurrence n’est pas systématique(9). La quantité d’aliment ingéré avant l’effort influence l’apparition des signes cliniques, ainsi que leur intensité. Le rôle aggravant de l’aspirine ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pris avant l’effort est désormais établi(11-13). Certains auteurs ont constaté l’influence de facteurs environnementaux : effort réalisé en saison pollinique chez un patient souffrant de pollinose. Des facteurs individuels comme le stress, les règles peuvent favoriser la survenue d’une AAIE(5,9,14,15,16). Il convient de noter que la nature de l’effort intervient puisqu’il apparaît que la course à pied et la marche soient plus fréquemment concernées que le vélo sans qu’il soit apporté d’explication physiopathologique. Après un accès d’AAIE, il peut être observé une asthénie résiduelle et des céphalées persistantes jusqu’à 72 heures(5,17) (encadré).   Diagnostic de l’AAIE   La démarche diagnostique de l’AAIE repose sur une hiérarchisation des investigations comme dans celle de l’allergie alimentaire(8,9). L’interrogatoire précise les antécédents atopiques du patient, les circonstances cliniques en s’attardant sur les symptômes cliniques, l’effort déclenchant, les aliments suspects et enfin les thérapeutiques mises en œuvre. Suspectée par des prick-tests avec les aliments natifs et/ou mise en évidence d’IgE spécifiques circulantes, la responsabilité d’un aliment devra être confirmée par la réalisation de tests de provocation en milieu hospitalier sous surveillance médicale stricte et après accord éclairé du patient(24,25) (figure). De tels tests ne seront pas pratiqués en cas de réactions anaphylactiques sévères ou de tares cardiaques, respiratoires, hépatiques ou rénales du patient. La séquen ce doit comporter la pratique de tests de provocation alimentaire sans effort puis, dans un deuxième temps et à distance (le lendemain), un test d’effort sur tapis roulant à distance de tout ingesta alimentaire, et enfin, dans un troisième temps, un test de provocation alimentaire suivi d’un test d’effort avec un délai entre l’ingestion alimentaire et l’effort de 30 à 90 minutes(8,12). La pratique idéale de tests de provocation alimentaire en double aveugle afin d’éviter tout phénomène subjectif alourdit encore la démarche diagnostique. Figure. Prick-tests positifs à la farine de blé native et au gluten natif chez un patient présentant une AAIE due à la farine de blé.     Traitement de l’accident   Dès les premiers signes, l’effort doit être interrompu et le patient allongé. Un examen clinique rapide mais précis recherche des signes de gravité : troubles hémodynamiques (TA, pouls) et respiratoires du patient (bronchospasme)(22,26). Comme dans toute manifestation clinique d’allergie, il est fait appel à des antihistaminiques, des corticoïdes ou de l’adrénaline. Une surveillance attentive du patient est instaurée afin de ne pas méconnaître la survenue d’un choc anaphylactique. En cas de choc anaphylactique et d’œdème laryngé, l’administration d’adrénaline ne doit pas être retardée et une surveillance en milieu hospitalier est recommandée pendant 24 heures. Un dosage de l’histamine et de la tryptase plasmatique peut être pratiqué et permettra de porter un diagnostic d’anaphylaxie lors du bilan secondaire auprès de l’allergologue(22,26).   Traitement préventif Il vise à prévenir la survenue de nouvelles récidives. Malheureusement si elles surviennent de nouveau, il conviendra d’en limiter les conséquences en dispensant au patient une trousse d’urgence. Si l’allergène alimentaire est identifié, son éviction est impérative au moins 4 à 5 heures avant un effort prévisible(9,27). Une information du patient sur les cofacteurs aggravants ne doit pas être oubliée : éviter la prise de certains médicaments (aspirine, AINS, bêtabloquants, voire inhibiteur de l’enzyme de conversion), éviter de réaliser certains efforts en période de stimulation allergénique (saison pollinique chez un patient porteur d’un rhume des foins). La trousse d’urgence peut contenir un antihistaminique et un corticoïde oral, mais le patient doit impérativement disposer d’adrénaline auto-injectable. Un apprentissage de l’utilisation par le patient lui-même, ou par son entourage, est indispensable.   Conclusion L’AAIE est une situation clinique rare mais doit être reconnue. En effet, on peut craindre de voire s’accroître ces manifestations particulières d’allergie alimentaire avec une augmentation de la pratique du sport. Des études expérimentales devront être menées afin de mieux cerner le mécanisme physiopathologique de l’AAIE.

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