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Rhinologie

Publié le 22 fév 2024Lecture 11 min

Syndrome du nez vide – Synthèse des recommandations HAS

Fabienne CARRÉ, Pitié-Salpêtrière, Paris

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Épidémiologie, physiopathologie, et diagnostic du syndrome du nez vide D'après Julie FERNANDEZ RODRIGUEZ La définition du syndrome du nez vide est non consensuelle. Il s’agit d’une affection iatrogène, qui est un cortège de symptômes nasaux, et entraînant un retentissement extra-nasal. L’échéance du déclenchement est assez brève, surtout après réduction des cornets inférieurs (turbinoplastie). Il ne faut pas confondre avec la rhinite atrophique qui, elle, est non iatrogène. L’épidémiologie du syndrome du nez vide est assez obscure. Son incidence est largement méconnue et on ne dispose d’aucune étude épidémiologique sur laquelle s’appuyer. Le délai de survenue du syndrome du nez vide est non consensuel. Il n’est pas possible, dans la limite des connaissances actuelles, de définir un intervalle de survenue entre la réalisation d’un geste sur les cornets et l’apparition d’un syndrome du nez vide. Néanmoins, compte tenu des délais de cicatrisation des tissus nasaux, compte tenu des mécanismes physiopathologiques envisagés ci-après, il est raisonnable d’estimer qu’un syndrome du nez vide n’a aucune raison (sauf nouveau geste nasal ou changement d’environnement remarquable) de s’installer au-delà de deux ans après un geste turbinal. La physiopathologie du syndrome du nez vide fait intervenir des mécanismes complexes, multiples, et non encore clairement élucidés. Elle ferait intervenir une altération des fonctions de réchauffement et d’humidification de l’air inspiré par le patient. Les liens anatomiques et fonctionnels entre les centres nerveux et les récepteurs de la muqueuse nasale semblent impliqués. L’interrogatoire est primordial dans le fait d’établir un diagnostic de syndrome du nez vide. Il faudra rechercher un antécédent de geste turbinal, mais également une obstruction nasale paradoxale. Les autres signes rhinologiques comme la sécheresse nasale, les croûtes, la douleur, la rhinorrhée antérieure ou postérieure, ainsi que des troubles de l’odorat sont à souligner. Il faudra également mettre en évidence l’existence d’autres symptômes cette fois-ci extra-nasaux, comme la dyspnée, les troubles du sommeil, les troubles de l’attention, les troubles anxieux, les troubles dépressifs, des céphalées, ou encore une xérose pharyngée. Le retentissement de la pathologie nasale sera par ailleurs à rechercher, par exemple à l’aide de questionnaires tels que le SNOT-22. L’examen clinique fait suite à l’interrogatoire et repose sur l’évaluation du volume turbinal et l’analyse de toute autre anomalie architecturale dans les fosses nasales à l’aide de la naso-fibroscopie. On recherchera une amélioration de la symptomatologie nasale du patient par le test au coton humide. Il faudra impérativement réaliser une imagerie. Le scanner des sinus permettra d’apprécier le volume turbinal résiduel, avec sa part muqueuse et sa part osseuse. Cette imagerie a l’avantage d’être partageable et comparable à une imagerie préexistante au geste turbinal. La rhinomanométrie permettra d’éliminer une potentielle obstruction nasale persistante. Un avis psychiatrique est à demander systématiquement en cas de suspicion de syndrome anxio-dépressif. La discordance entre les symptômes, les constatations du bilan clinico-radiologique et l’impact sur la qualité de vie permet de soulever la problématique d’un trouble somatique fonctionnel sous-jacent.   Obstruction nasale chronique avec hypertrophie turbinale, en échec de traitement médical, en échec d’un premier geste turbinal conservateur : quel bilan avant chirurgie des cornets ? D'après Geoffrey MORTUAIRE En cas d’échec symptomatique de la prise en charge médicale d’obstruction nasale chronique, il faut tout d’abord vérifier l’observance du patient par rapport aux traitements médicaux prescrits. Si l’observance du patient est satisfaisante, il faut réaliser un nouvel examen clinique et un bilan paraclinique. En cas d’obstruction nasale monosymptomatique, il faut réaliser en premier lieu un examen clinique extra et intranasal. Concernant l’examen extranasal, il faut rechercher un syndrome de valve nasale interne ou externe, une déviation septale obstruant la fosse nasale. L’examen endonasal en fibroscopie recherchera une déviation septale profonde, la présence de pus ou de polype, une hyperhémie, une hypertrophie turbinale. Un test aux vasoconstricteurs peut se révéler utile. Si l’on a la suspicion d’une discordance remarquable entre l’intensité de l’obstruction ressentie par le patient et l’examen clinique, on demandera un bilan paraclinique avec tomodensitométrie et exploration instrumentale nasale. Concernant le bilan paraclinique, le scanner des sinus sans injection permettra de confirmer les données cliniques, mais également de mettre en évidence d’autres anomalies comme une dysplasie fibreuse des cornets inférieurs, une concha bullosa du cornet moyen impactant la sévérité d’une hypertrophie turbinale inférieure chez des patients avec déviation septale, ou encore une atrésie choanale. En cas d’obstruction nasale plurisymptomatique, le scanner pourra mettre en évidence une rhinite, une rhinosinusite antérieure, une rhinosinusite postérieure, une rhinosinusite diffuse, ou encore pourra être strictement normal. La rhinomanométrie permettra de traduire la réalité physique de l’obstruction nasale ressentie. On réalisera un test de référence et un test après utilisation de xylocaïne naphazolinée. La rhinomanométrie permet de mesurer la variation du calibre nasal avant et après utilisation de vasoconstricteurs et d’analyser les propriétés vaso-érectiles et la compliance des trois régions nasales. Si la discordance clinique est confirmée, il faut demander un avis psychiatrique pour rechercher un éventuel trouble somatique fonctionnel avant toute (nouvelle) décision chirurgicale. Si la discordance est non confirmée, un geste de réduction turbinal peut être proposé, privilégiant les techniques les moins à risque de survenue d’un syndrome du nez vide, conservant au minimum les deux tiers de la structure turbinale. En cas d’échec symptomatique du geste turbinal, un nouveau bilan clinique comprenant une imagerie et des tests instrumentaux (rhinomanométrie et/ou rhinométrie) avec tests de provocation aux vasoconstricteurs (en l’absence de contre-indication) est nécessaire avant toute décision de chirurgie turbinale plus invasive. Si on remarque l’existence d’une discordance remarquable entre l’intensité de l’obstruction ressentie par le patient et les résultats du bilan, notamment des tests instrumentaux, il faut alors demander un avis psychiatrique pour éliminer un trouble somatique fonctionnel sous-jacent avant toute décision de nouveau geste chirurgical.   Obstruction nasale chronique avec hypertrophie turbinale en échec de traitement médical voire d’un premier geste turbinal conservateur : quelle chirurgie turbinale pour minimiser le risque de syndrome du nez vide ? D'après Roger JANKOWSKI La chirurgie turbinale inférieure est indiquée dans le traitement de l’obstruction nasale liée à un dysfonctionnement du nez respiratoire, dans le concept évo-dévo des trois nez. Le traitement de l’obstruction nasale liée à un dysfonctionnement du nez respiratoire repose sur la septoplastie s’il y a une déformation, un traitement vasoconstricteur nasal au long cours (avec surveillance de la tension artérielle) si l’on constate un dysfonctionnement des plexus caverneux, associé à une turbinoplastie inférieure sous contrôle endoscopique avec conservation d’un néoméat inférieur symétrique. Le traitement des rhinites respiratoires chroniques repose, lui, sur le traitement de l’inflammation avec des antihistaminiques, des corticoïdes locaux, un bilan allergologique, et si besoin, une turbinoplastie inférieure sous contrôle endoscopique avec conservation d’un néoméat inférieur symétrique. La technique chirurgicale consiste en une médicalisation du cornet inférieur au contact de la cloison. La tête du cornet est détachée de son attache latérale et on sectionne le cornet inférieur avec les ciseaux parallèles au plancher de la fosse nasale en s’assurant de garder un cornet inférieur qui permet de reconstituer un méat inférieur. La turbinoplastie inférieure sous contrôle endoscopique avec conservation d’un néoméat inférieur, couplée si nécessaire à la septoplastie ou au traitement médical d’une rhinite respiratoire chronique a permis et permet de soulager durablement de nombreux patients.   Prise en charge médicale et chirurgicale du syndrome du nez vide D'après Thomas RADULESCO La prise en charge du syndrome du nez vide n’est pas encore consensuelle dans la littérature. Néanmoins, il est recommandé par la Haute Autorité de santé : – d’en établir le diagnostic avec les moyens appropriés, sa reconnaissance étant une étape importante pour la prise en charge du patient ; – de rechercher un syndrome d’hyperventilation (dyspnée et modifications ventilatoires sans rapport avec un trouble de l’hématose ou une anomalie organique de la régulation ventilatoire) et de proposer une réhabilitation en fonction des résultats des tests respiratoires ; – de toujours débuter par un traitement médical ; – de rechercher un éventuel trouble somatique fonctionnel et/ou un syndrome anxio-dépressif associé pour une prise en charge spécialisée. Concernant le traitement médical, en fonction de la tolérance du patient et de l’efficacité ressentie, il est recommandé d’associer des lavages de fosses nasales (sérum salé, dérivés soufrés) à des moyens d’humidification nasale (par gel et pommade hydratants, et/ou aérosol humidificateur) tout en limitant la fréquence de leur usage pour éviter le risque de mécanismes renforçateurs et d’aggravation paradoxale des troubles. Si le patient présente des signes locaux d’infection, le recours aux antibiotiques, par voie orale ou locale, est possible en l’absence de contre-indication. En cas de signes locaux d’inflammation, le recours aux corticoïdes locaux est possible en l’absence de contre-indication. L’utilisation d’inhalation de menthol, qui peut procurer une sensation de confort respiratoire, nasal est également recommandée si elle est bien tolérée. Lorsque le traitement médical prolongé (> 6 mois) est insuffisant pour corriger les symptômes et réduire l’impact du syndrome du nez vide sur la qualité de vie du patient, un traitement chirurgical ayant pour objectif de restaurer une résistance au passage de l’air et à améliorer le flux aérien nasal peut être discuté. Il est recommandé d’étayer cette discussion par : – un bilan complet (examen clinique, tomodensitométrie, tests instrumentaux, test au coton humide) ; – une évaluation psychiatrique. En l’absence d’études à haut niveau de preuve, il ne peut être recommandé une technique chirurgicale plus qu’une autre ni un matériau de comblement plus qu’un autre. Si un traitement chirurgical est envisagé, il est nécessaire d’informer clairement le patient sur la technique et le matériau utilisés, les contraintes péri-opératoires inhérentes à l’anesthésie et à la chirurgie, ainsi que le risque d’échec non négligeable et difficilement prévisible. Dans tous les cas, au vu de la fréquence des troubles anxio-dépressifs et de leurs liens avec l’intensité des symptômes du syndrome du nez vide, une prise en charge pluridisciplinaire incluant une prise en charge psychiatrique est recommandée. Concernant les perspectives de prise en charge, la rééducation orthophonique avec la rééducation de la respiration nasale versus buccale à travers la rééducation oro-myp-fonctionnelle permet d’apporter de nouvelles opportunités thérapeutiques à un patient en bout de prise en charge. Les exercices de rééducation reposent sur la guidance, des exercices respiratoires, le travail de l’odorat et la tonification des muscles nasaux. Développer des méthodes personnalisées et mini-invasives pour diminuer le flux aérien semble être un axe prometteur. Le développement de filtres vestibulaires nasaux potentiellement humidificateurs par des industriels semble intéressant même si leur port permanent est peu envisageable. L’injection intranasale dans des sites anatomiques bien sélectionnés de composés résorbables (par exemple : acide hyaluronique, graisse autologue) pourrait améliorer les symptômes et la qualité de vie, mais doit être évaluée. L’éventuelle amélioration ainsi obtenue chez un patient pourrait en outre être prédictive d’un bon résultat d’une implantation chirurgicale de matériaux non résorbables. Enfin, dans le futur, le développement de techniques de réingénierie tissulaire permettra peut-être d’approcher une « reconstruction » turbinale.   Rôle du psychiatre dans la prise en charge du syndrome du nez vide et apport du psychiatre devant une obstruction nasale chronique d’intensité discordante avec les constatations cliniques et paracliniques D'après Léa ROTENBERG Il faut dédramatiser et démocratiser la partie psychiatrique de la prise en charge. Le retentissement du syndrome du nez vide dans la vie familiale, sociale et professionnelle est souvent majeur et dépasse le simple cadre des symptômes et troubles associés. Les patients atteints de syndrome du nez vide développent plus facilement un trouble anxio-dépressif et/ou un trouble somatique fonctionnel qui participent au premier plan à ce retentissement. Les spécialistes d’organe, avant tout les ORL, prenant en charge les patients sont souvent démunis (par manque de compétences) pour diagnostiquer ces troubles et aider les patients à les surmonter. Il paraît fondamental que les patients atteints de syndrome du nez vide puissent consulter un médecin psychiatre qui saura établir le bon diagnostic et orienter la prise en charge. Il ne s’agit pas là de « psychiatriser » le syndrome du nez vide, comme redouté par certains patients. Pour plus d’efficience, des échanges d’informations et des actions de formation paraissent importants. Il semble nécessaire que les spécialistes d’organe apprennent à maîtriser quelques clés de dépistage clinique des troubles anxio-dépressifs et troubles somatiques fonctionnels et ainsi pouvoir proposer aux patients une consultation avec un psychiatre. À l’inverse, il est aussi important que les psychiatres reçoivent plus d’informations concernant le syndrome du nez vide et ses particularités cliniques. L’hypothèse étiologique psychiatrique est celle d’un trouble fonctionnel ou de symptômes physiques persistants. Il s’agit de symptômes non attribués ou bien attribués partiellement à une atteinte lésionnelle, qui se chronicisent et s’accompagnent d’un retentissement important sur la qualité de vie du patient. Le trouble à symptomatologie somatique est caractérisé par l’association de symptômes physiques à des pensées, des émotions ou des comportements excessifs pendant au moins 6 mois. C’est l’expression clinique polymorphe selon l’organe désigné par les symptômes physiques. Attention, le diagnostic de troubles à symptomatologie somatique n’exclut pas l’existence d’une pathologie lésionnelle associée. La physiopathologie de ce trouble rend compte d’un modèle intégratif. Il existe des facteurs prédisposants, comme le perfectionnisme, un tempérament anxieux, des traumatismes précoces, une exposition à une maladie, qui vont coexister avec des facteurs déclenchants, physiques comme un événement médical aigu, mais parfois non retrouvés. Il s’ensuit des facteurs de maintien comme une focalisation attentionnelle, une hypervigilance, un catastrophisme, une conduite d’évitement, une stigmatisation, ce qui va aboutir à des symptômes physiques persistants. Concernant la prise en charge thérapeutique, l’annonce diagnostique est importante et doit présenter le diagnostic comme positif et non comme un diagnostic d’exclusion. Les symptômes doivent être validés et l’on ne doit pas contester la légitimité de la plainte somatique. Il ne faut pas non plus invalider un facteur déclenchant physique. Il faut présenter le recours à un psychiatre comme un moyen d’évaluation du retentissement psychique (troubles anxieux dépressifs associés). Il faut exposer un modèle explicatif simple de la pérennisation des symptômes et de ces mécanismes. Le premier pan de la prise en charge consiste à limiter le nombre des consultations et bilan d’explorations. Il faut garder une consultation « balise » et questionner le retentissement psychique. Si le patient présente trop de réticence à la consultation psychiatrique, il faut orienter vers le médecin traitant. La prise en charge psychothérapeutique repose sur les thérapies cognitives et comportementales, à travers un déconditionnement, une exposition progressive prolongée et graduée aux facteurs déclenchants avec un arrêt des conduites d’évitement.

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