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ORL

Publié le 21 avr 2013Lecture 13 min

ORL et plongée sous-marine : un loisir non dénué de risques

M. BALLESTER*, Ch. VERGNES**, *Centre Hospitalier Intercommunal, Villeneuve-Saint-Georges, **Centre médical de la Marine, Paris
La plongée sous-marine connaît depuis quelques années un essor grandissant : activité sportive de plus en plus pratiquée à l’étranger comme sur nos côtes. Elle n’est pas dénuée de risques et nécessite un strict respect de la réglementation en vigueur. En effet, à cette discipline qui s’effectue en environnement spécifique, parfois hostile, on attribue un certain nombre d’accidents au nombre desquels certaines pathologies de la sphère ORL. 
Les pathologies de la sphère ORL représentent environ 60 % de l’ensemble de la pathologie rencontrée au cours des incidents et accidents de plongée. Contrairement à l’intuition du plongeur inexpérimenté, les accidents de plongée ne sont pas l’apanage des plongées profondes et certains surviennent à quelques mètres de profondeur seulement. Ils peuvent être classés en quatre grandes catégories, dont seules les deux premières sont traitées dans cet article, étant pourvoyeuses de l’essentiel des accidents en ORL : accidents mécaniques : conséquences directes de l’application de la loi de Boyle- Mariotte à la plongée (barotraumatismes) ; accidents biophysiques : conséquences de l’application des lois de Dalton et Henry à la plongée (accidents de décompression) ; accidents toxiques, dus aux réactions physiologiques de l’organisme (hyperoxie ou narcose, par exemple) ; autres accidents ne pouvant être classés dans les précédentes catégories (dus au froid, à l’hypoxie, à la faune et à la flore…). Les barotraumatismes   Ces accidents sont liés aux variations de pression dans les organes creux. Ils concernent les cavités en contact avec l’air inspiré (oreilles, sinus, dents, intestins), mais aussi, et on y pense bien moins, les espaces situés entre le masque et le visage. Au cours d’une plongée, les gaz contenus dans ces cavités subissent une variation de pression et donc, de par leur propriété de compressibilité, une variation de volume inversement proportionnelle (loi de Boyle- Mariotte). Ils vont donc se comprimer en descente sous l’effet de la pression croissante et se décomprimer à la remontée, c’est-à-dire occuper davantage de volume. Les barotraumatismes affectant la sphère ORL sont ceux touchant l’oreille moyenne et interne, la région oculaire et nasale, et les sinus. Barotraumatismes d’oreille moyenne Au cours de la descente, la pression exercée sur la membrane tympanique entraîne sa déformation, avec variation de pression et de volume de l’air contenu dans l’oreille moyenne. Si les pressions s’équilibrent normalement à travers une trompe d’Eustache perméable, grâce à des manoeuvres de Valsalva ou autres manoeuvres spécifiques bien adaptées, il n’y a pas de problème (figure 1). Figure 1. Manœuvre de Valsalva en pinçant le nez à travers le masque. D’autres manœuvres existent : déglutition, placage de langue contre le palais, etc. L’essentiel est de les réaliser sans jamais forcer. Lorsqu’en revanche, le plongeur ne peut obtenir cette équipression pour diverses raisons (méconnaissance des manoeuvres, plongée avec obstruction nasale par une rhinite ou une sinusite), les gaz confinés dans l’oreille moyenne vont se comprimer en descente et provoquer une dépression pouvant être telle, si le plongeur ne remonte pas, qu’elle peut aboutir à la perforation tympanique. Le barotraumatisme qui touche l’oreille moyenne va de la simple gêne à la rupture tympanique, en passant par différents degrés d’otalgie. • La prévention repose sur un équilibre pressionnel entre les fosses nasales et l’oreille moyenne qui doit être maintenu principalement grâce à diverses manoeuvres : avaler sa salive, déglutir, manoeuvre de Valsalva. Mais cette dernière n’est pas la plus utilisée par les plongeurs expérimentés, car elle nécessite de se pincer les narines à travers le masque. L’augmentation de la pression fait pénétrer l’air dans l’oreille moyenne par l’intermédiaire des trompes d’Eustache. Ces manoeuvres ne doivent jamais être réalisées en forçant. En l’absence de manoeuvres correctement effectuées ou en cas d’obstruction de la trompe d’Eustache, notamment lors des infections des voies aériennes, une otite barotraumatique peut survenir. Elle doit être évoquée devant une simple symptomatologie douloureuse. Différents stades correspondant aux degrés de gravité sont décrits : les stades I et II : rougeur tympanique. Rétractation du tympan en plus pour le stade II. Ces deux symptômes disparaissent spontanément en quelques jours ; les stades III et IV : apparition d’un épanchement dans la caisse ; pour le stade IV l’épanchement est sanglant. Un traitement loco-régional et parfois général est nécessaire, visant à la fois les fosses nasales et l’oreille ; le stade V : ici, la dépression a été suffisante pour atteindre la limite de résistance du tympan qui s’est rompu. C’est la perforation (figure 2). • Le traitement est celui de toute perforation tympanique, préventif des infections et parfois curatif : la cicatrisation spontanée est fréquente, mais la tympanoplastie reste parfois nécessaire. Une perforation constitue, bien sûr, une inaptitude temporaire à la plongée.   Barotraumatismes d’oreille interne Dix fois moins fréquents que les barotraumatismes d’oreille moyenne, ils sont bien plus graves. Ils surviennent plutôt au cours d’une descente trop rapide et concernent souvent les apnéistes. C’est une urgence fonctionnelle qui fait souvent l’objet d’un retard diagnostique du fait de sa méconnaissance, ou parfois aussi parce que le symptôme est noyé au milieu d’autres symptômes généraux non ORL plus graves encore. Le diagnostic passe alors au second plan. Les séquelles des barotraumatismes d’oreille interne peuvent être irréversibles.   Figure 2. Barotraumatisme d’oreille moyenne sous forme d’une perforation tympanique survenue par mauvaise utilisation des manœuvres d’équipression (stade V de la classification). • Les étiopathogénies sont discutées, elles peuvent s’intriquer : transmission à l’oreille interne d’un barotraumatisme tympanique : ce sont les barotraumatismes mixtes. Ils représentent les deux tiers des cas ; barotraumatismes directs de l’oreille interne par coup de piston de l’étrier dans la fenêtre ovale, conduisant à une entorse stapédo-vestibulaire. Le coup de pression peut survenir au niveau de la fenêtre ronde, dite voie implosive de Goodhill, avec risque de survenue de fistule périlymphatique par rupture de la fenêtre cochléaire. Il peut aussi survenir via une hyperpression endocrânienne du LCR se transmettant aux liquides labyrinthiques en cas de perméabilité congénitale de l’aqueduc cochléaire. On parle de voie explosive de Goodhill. • La symptomatologie est essentiellement cochléaire, associant une hypoacousie mixte lorsqu’un barotraumatisme d’oreille moyenne est associé, ou de perception pure avec sensation de plénitude de l’oreille et acouphènes. Toute otalgie associée doit faire suspecter la présence concomitante d’une otite barotraumatique d’oreille moyenne. Les vertiges rotatoires avec nausées et vomissements sont un symptôme fréquent dans le vertige alterno-barique. En revanche, ils sont relativement rares lors des barotraumatismes d’oreille interne. Ils traduisent une souffrance vestibulaire irritative surajoutée à l’atteinte labyrinthique cochléaire. En cas de vertiges paroxystiques, une fistule périlymphatique doit être absolument évoquée. • La prise en charge doit idéalement survenir dans les 24 heures afin d’assurer une récupération fonctionnelle auditive optimale. Le traitement comporte, outre l’interdiction de plongée et le repos, une corticothérapie par voie parentérale à forte dose, associée à des vasodilatateurs, à une oxygénothérapie hyperbare afin de lutter contre l’anoxie cellulaire, à raison d’une ou deux séances par jour. Le carbogène normobare à 5% et l’hémodilution sont aussi utilisés. Le protocole varie selon les équipes et les possibilités locales. Les traitements d’une otite et d’un catarrhe naso-sinusotubaire ne doivent pas être omis s’il s’agit d’un barotraumatisme mixte. La suspicion de l’existence d’une fistule périlymphatique impose le repos strict en position demi-assise, associé à des diurétiques, tranquillisants, labyrinthoplégiques. Là encore, les protocoles divergent selon les écoles. L’examen clinique et paraclinique est souvent évocateur ; l’exploration chirurgicale s’impose souvent, ne mettant pourtant pas toujours en évidence l’origine de la fistule ou son existence même. Le colmatage des fenêtres est néanmoins systématiquement réalisé.   Barotraumatismes de la région oculaire et nasale Lors de la descente, si le plongeur n’expire pas suffisamment, une dépression se fait dans le masque qui fait alors «ventouse» sur les yeux et le nez : c’est le placage de masque. Une surpression extérieure par rapport à la pression dans le masque qui ne fait que s’accentuer lors de la descente si le plongeur continue de souffler par la bouche (figure 3). Figure 3. Le plongeur n’expirant que par la bouche (b) lors de la descente provoque une dépression dans le masque entraînant un placage du masque sur le visage avec lésions cutanées, nasales, sinusiennes et/ou oculaires possibles à type d’hématomes cutanés ou d’hémorragies oculaires par exemple. Pour éviter ce phénomène, il faut expirer dans le masque, par voie nasale (a), lors de la descente. Dans l’eau, le plongeur peut ne rien ressentir. Parfois, il existe une sensation d’aspiration du masque sur le visage, des troubles de la vision, une hémorragie nasale et oculaire jusqu’à formation d’un hématome périorbitaire caractéristique (figure 4). La découverte des conséquences du placage de masque, sauf troubles visuels ou épistaxis, ne se fait souvent qu’à la sortie de l’eau. Pour prévenir cet incident potentiellement grave (la rétine peut être lésée), le plongeur doit souffler par le nez dans son masque au fur et à mesure de la descente pour éviter qu’une dépression ne s’y forme.   Barotraumatismes sinusiens Au cours de la plongée, en descente, si l’équipression entre l’air contenu dans les sinus et la pression ambiante ne peut être obtenue, par exemple du fait d’une dysfonction tubaire quelle qu’en soit la cause, la dépression qui se crée dans les sinus entraîne de violentes douleurs frontales et maxillaires. La muqueuse peut s’y décoller et provoquer des épistaxis. En général, les douleurs sont telles que le plongeur remonte. Il est en effet conseillé de remonter de quelques mètres lors de la survenue de la douleur, puis de reprendre la descente très lentement. Si la douleur ne s’estompe pas, l’obstacle est fixé et le plongeur doit remonter. Si la douleur a lieu lors de la remontée, c’est que l’air contenu dans les sinus n’arrive pas à s’en échapper, provoquant une surpression cette fois. Il est conseillé de remonter très doucement et par paliers successifs pour permettre une fuite d’air très progressive.   Accidents de décompression de l’oreille interne   Bien connus des plongeurs en scaphandre autonome en plongée saturante qui remontent trop vite sans respecter les paliers de décompression, ces accidents surviennent aussi en plongée de loisir. Lors de la descente, tous les gaz contenus dans l’organisme ont été comprimés, et de plus, la respiration sur les bouteilles a elle aussi apporté son volume de gaz. Le principal gaz posant problème lors des plongées à l’air (air comprimé contenu dans les bouteilles) est l’azote. À la remontée, la baisse de la pression ambiante entraîne la décompression de tous les gaz selon la loi PV = constante. L’azote dissous dans les fluides organiques et les tissus passe alors sous forme gazeuse. Si les paliers sont respectés, il est éliminé par les poumons. Si la remontée est trop rapide ou les paliers non respectés, la capacité d’élimination des poumons est dépassée et les bulles d’azote, non éliminées par les poumons, se mettent à circuler dans les vaisseaux.   Figure 4. Ecchymose péri-orbitaire en lunettes et hémorragies conjonctivales caractéristiques du plaquage de masque.  • Devant l’apparition d’un syndrome vestibulaire harmonieux périphérique (grande crise vertigineuse avec nausées, vomissements, déviation segmentaire avec troubles de la marche latéralisés, signe de Romberg positif, chute du côté le plus atteint, nystagmus du coté opposé), les hypothèses étiopathogéniques sont diverses : microbulles des tissus et liquides labyrinthiques endolymphatiques : elles provoquent des dilacérations, des compressions des structures neurosensorielles avec hémorragies et exsudats protéiques, à l’origine d’une évolution vers la dégénérescence ; microbulles dans la circulation de type terminal de l’oreille interne : les agrégats bullolipido- plaquettaires entraînent une anoxie d’aval, conduisant à l’apoptose en l’absence de traitement ; souffrance des noyaux cochléo-vestibulaires centraux ; microbulles du système veineux passées à travers un foramen ovale perméable. • Le traitement est une urgence non seulement fonctionnelle mais parfois vitale, car l’accident de décompression ne concerne que rarement l’oreille interne seule. Les bulles d’azote peuvent être responsables d’accidents vasculaires cérébraux, d’embolies pulmonaires, d’infarctus du myocarde, d’ischémies aiguës des membres, etc. La symptomatologie ne dépend que de la localisation anatomique où les bulles se bloquent, en plus de leur nombre. • Prise en charge en urgence Sur les lieux de l’accident, à bord du bateau et en fonction des moyens, le traitement est : oxygénothérapie immédiate à débit maximal, 10 à 15 l/mn avec masque à haute concentration si possible ; faire boire si les vomissements ne sont pas incoercibles ; administrer 250 à 350 mg d’aspirine. Durant le transfert médicalisé, la mise en caisson de décompression s’impose en urgence. Pendant ce transfert, l’oxygénothérapie doit être poursuivie. Un remplissage par Ringer-Lactate et hydroxyéthylamidon sera accompagné par la perfusion de vasodilatateurs (Fonzylane®, Sermion®), et d’agents favorisant la déformabilité des globules rouges (Torental®), en plus d’une corticothérapie à forte dose. Une héparine de bas poids moléculaire luttera contre les thrombi formés ou en formation. Au centre hyperbare, le plongeur est traité par oxygénothérapie hyperbare, le traitement clé de l’accident de décompression. Le principe consiste à recomprimer dans un caisson de décompression le plongeur, à la profondeur maximale à laquelle il s’est rendu. L’objectif est de solubiliser les bulles s’étant formées dans les organes, puis de procéder à la décompression en respectant les paliers de décompression, le poumon pouvant alors éliminer les gaz au fur et à mesure de la remontée. L’oxygène hyperbare administré à une pression entre 2.5 à 3.5 atmosphères vise à augmenter la quantité d’oxygène dissous dans le sang, quantité normalement négligeable en respiration à l’air libre. La respiration en oxygène pur a aussi l’avantage de remplacer l’azote contenu dans l’air et d’éviter de faire respirer au plongeur de l’azote supplémentaire qu’il devra également éliminer. Si l’accident ne concerne que l’oreille interne, le traitement parentéral sera poursuivi lors de l’hospitalisation, en plus d’une à deux séances d’oxygénothérapie hyperbare par jour pour lutter contre l’anoxie tissulaire et cellulaire. La mise sous pression du caisson peut entraîner des risques d’accident barotraumatique qui doivent être prévenus de la même manière qu’en plongée sous-marine.

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