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Dermato - Allergo

Publié le 10 juin 2012Lecture 18 min

Faut-il chercher une étiologie à une urticaire chronique ?

Marie-Sylvie Doutre, Hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, Pessac - Philippe Humbert, CHU Hôpital Saint-Jacques, Besançon
L’urticaire chronique est une pathologie définie sur un symptôme et une durée. Son étiologie est très diverse, et lorsqu’on ne la retrouve pas, on dit qu’elle est idiopathique. Selon les auteurs, la proportion des urticaires chroniques idiopathiques varie de 20 à 80 % des cas. Pour expliquer cet écart, il semble bien que la recherche plus ou moins volontaire et poussée d’une cause y soit pour quelque chose. Les professeurs Marie-Sylvie Doutre et Philippe Humbert se sont livrés à l’exercice quelque peu périlleux du pour et du contre la recherche d’une étiologie à une urticaire chronique. Le risque était évidemment qu’à la fin on ne sache plus trop quoi penser. Mais vous verrez, les deux avis se complètent et se rejoignent sur un point : l’importance fondamentale de l’interrogatoire.
Illustration/figure 1. Lésions micropapuleuses sur le thorax évocatrices d’une urticaire cholinergique.   Chercher une étiologie à une urticaire chronique : inutile Le bilan étiologique d’une urticaire chronique a deux défauts qui le rendent inutile pour certains auteurs : il est très souvent négatif, ou bien les informations qu’il apporte n’influencent pas l’attitude thérapeutique. La définition de l’urticaire chronique est clinique. C’est une dermatose, érythémateuse et papuleuse, prurigineuse et fugace, évoluant de façon quotidienne ou quasi quotidienne depuis plus de 6 semaines.   Quand l’interrogatoire et la clinique parlent L’interrogatoire et l’examen clinique sont essentiels, ils permettent parfois de faire le diagnostic étiologique. C’est par exemple le cas des urticaires physiques. Des lésions urticariennes, linéaires, secondaires au grattage ou à des frottements, se voient en cas de dermographisme. Chez un sujet jeune, des lésions micropapuleuses, épargnant le visage, les paumes et les plantes, provoquées par l’effort, la transpiration, le stress… évoquent une urticaire cholinergique (figure 1). Un oedème, parfois associé à un érythème, apparaissant quelques heures après une pression prolongée au niveau des fesses, des paumes, des plantes, s’observe dans l’urticaire retardée à la pression. C’est aussi souvent le cas des urticaires de contact, où la topographie initiale de l’éruption, toujours la même, est évocatrice du diagnostic. Même si les urticaires génétiques sont rares, la survenue chez un nourrisson, la présence de signes extradermatologiques associés, articulaires, digestifs, neurologiques… et l’existence de cas familiaux, permettent d’en faire le diagnostic. Mais très souvent, l’éruption urticarienne est « banale », prurigineuse et fugace, sans aspect particulier, sans topographie particulière (figure 2).  Figure 2. Urticaire « commune ». À l’interrogatoire, il n’y a pas de signes extradermatologiques associés et aucun facteur déclenchant bien individualisé. Chez ces patients, il est inutile de faire un bilan étiologique : – parce que celui-ci est négatif dans la très grande majorité des cas ; – parce que, si des anomalies sont observées, elles n’influencent ni le traitement ni l’évolution de l’urticaire. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent parfois, mais rarement, de faire le diagnostic étiologique.   Quels examens pourrait-on demander ?  Une biopsie cutanée ? En fait, les urticaires associées à une pathologie dysimmunitaire comme les dysthyroïdies, ont le plus souvent une histologie « banale » associant oedème dermique, dilatation des capillaires, discret infiltrat mononucléé périvasculaire. Par ailleurs, les images d’infiltrat neutrophilique ou de vasculite leucocytoclasique sont observées dans des urticaires communes, sans anomalie biologique ni signe systémique.  Des tests allergologiques ? • Pour trouver la cause de l’urticaire ?  Les urticaires chroniques aux pneumallergènes sont vraiment exceptionnelles. • Pour confirmer le terrain atopique ? L’interrogatoire est souvent suffisant, et il n’y aura aucune incidence de la mise en évidence d’un éventuel terrain atopique sur la prise en charge de l’urticaire. • Avec quels allergènes ? – des médicaments ? Les urticaires chroniques allergiques d’origine médicamenteuse sont exceptionnelles. Il s’agit en effet le plus souvent de mécanismes pharmacologiques (AINS, IEC, acide acétylsalicylique) (1) ; – des aliments ? Les urticaires d’origine alimentaire représentent moins de 3 % des urticaires chroniques. Il s’agit plus souvent d’une pseudo-allergie alimentaire due à un abus d’aliments histamino-libérateurs ou riches en histamine ou en tyramine ou d’excitants, et les tests allergologiques sont alors négatifs(2).  Un test au sérum autologue ? Sa positivité correspond à la présence de facteurs libérant de l’histamine à partir des mastocytes et des basophiles, en particulier des autoanticorps anti-FCεRI, faisant alors parler d’urticaire autoimmune. Mais il présente plusieurs invonvénients : – ce test ne peut être fait qu’en suivant la réglementation des produits immuns dérivés du sang avec étiquetage et prise en charge du prélèvement par un centre de l’Agence française pour le sang ; – il est positif dans différents types d’urticaire, même chez des sujets n’ayant pas d’urticaire (3) ; – sa positivité ne modifie pas le traitement chez la plupart des patients.  La recherche d’une infection ? Il s’agit d’un phénomène de mode évoluant au fil du temps (4)… • Dans les années 60, on recherchait une infection candidosique, le diagnostic reposant sur la présence de Candida dans les selles, la bouche… et des prick-tests positifs à la candidine, mais il n’y a aucune étude rapportant des résultats convaincants sur l’évolution de l’urticaire chronique après traitement antifongique ou désensibilisation. • Dans les années 70, c’est un foyer infectieux dentaire ou sinusien que l’on recherchait. Cependant, sa prévalence est très variable chez les sujets ayant une urticaire chronique, il n’y a pas de recherche systématique de ces foyers infectieux chez des témoins appariés. Par ailleurs, quand ces infections sont mises en évidence, l’effet du traitement antibiotique est variable et mal documenté. • Depuis une vingtaine d’années, l’association infection à Helicobacter pylori-urticaire chronique a fait l’objet d’un très grand nombre d’études. Mais les résultats sont discordants, selon les méthodes diagnostiques utilisées (sérodiagnostic ? test à l’urée ? fibroscopie gastrique ?), concernant la fréquence de l’infection chez les sujets qui présentent une urticaire chronique (20 à 80 % des cas selon les pays), la nature et la durée du traitement d’Helicobacter pylori ainsi que son efficacité sur l’urticaire chronique. En fait, la plupart des études ayant une méthodologie rigoureuse ne montrent pas d’effets favorables du traitement sur l’évolution de l’urticaire(5). • La recherche de parasites intestinaux est parfois proposée, mais en fait une seule étude cas témoin a été réalisée en Inde, qui ne montre aucune association significative. Le rôle d’une infection à Toxocara canis est aussi difficile à apprécier. Dans une étude datant de 2000, P. Humbert et coll. observent un test ELISA positif chez 25 des 111 urticaires chroniques qu’ils ont étudiées, soit une positivité de 19,5 % versus 12,7 % chez les sujets contrôles (6). Ces mêmes auteurs, dans un travail de 2009, signalent que les résultats du test ELISA sont non significatifs chez 84 patients avec urticaire chronique par rapport aux sujets contrôles et que le seul examen valable est un Western- Blot (7)…  La recherche d’une maladie auto-immune ? En l’absence de signes associés (fièvre, altération de l’état général, manifestations articulaires…), la « découverte » d’un lupus, d’un syndrome de Gougerot-Sjögren ou d’une polyarthrite rhumatoïde devant une urticaire isolée, est rarissime. Parfois, il existe des anticorps anti-noyaux, un facteur rhumatoïde…, mais la présence de ces anomalies biologiques n’a pas d’incidence réelle sur la prise en charge de l’urticaire chronique. En revanche, un bilan thyroïdien est utile étant donné la fréquence de l’association urticaire chronique/ pathologie thyroïdienne auto-immune, un traitement étant parfois justifié sur le plan endocrinologique( 8). Cependant, il n’y a pas dans la littérature de séries suffisamment importantes menées en double aveugle comparant les effets du traitement hormonal versus un traitement par anti-H1 pour apprécier son véritable impact sur l’évolution de l’urticaire chronique. Deux études incontournables Quand on parle de bilan « étiologique » d’une urticaire chronique, il est incontournable de rapporter deux études de M.M. Kozel et coll. Dans son premier travail datant de 1998, 220 urticaires chroniques sont séparées en deux groupes : le groupe 1 dans lequel un bilan « minimaliste » (NF, VS) est réalisé, et le groupe 2 dans lequel les patients ont un bilan « complet » infectieux, immunologique, allergologique… On note une urticaire sans cause identifiable dans 47,3 % des cas du groupe 1 et 46,9 % du groupe 2, cette différence n’étant pas significative (9). Dans un travail de 2003, les auteurs proposent une revue de la littérature des études portant sur plus de 50 patients, évaluant les bilans effectués dans l’urticaire chronique. Dans les 29 études retenues, totalisant 6 462 patients, aucune relation n’a été notée entre le nombre de causes identifiées et le nombre d’examens réalisés. Les différents auteurs concluent leur travail sur le fait que c’est l’interrogatoire qui est le plus important, que les examens de routine n’ont que très peu d’intérêt et qu’un bilan n’est utile qu’en fonction des données de l’interrogatoire (10). Les examens de routine n’ont que très peu d’intérêt et un bilan n’est utile qu’en fonction des données de l’interrogatoire.   Conclusion Quand l’interrogatoire et l’examen clinique n’apportent aucun élément d’orientation devant une urticaire chronique, une bonne prise en charge du patient remplace « avantageusement » la pratique d’examens complémentaires, qui ne cherchent qu’à rassurer (parfois) le malade et (surtout) son médecin. Il est en effet indispensable d’expliquer au patient sa maladie, de lui préciser les facteurs aggravants, environnementaux, médicamenteux, alimentaires, de le rassurer (les angiooedèmes associés à l’urticaire chronique sont exceptionnellement graves), de lui prescrire un traitement par anti-H1, de répondre à ses questions, de le revoir régulièrement et de modifier son traitement si nécessaire. Cela prend beaucoup plus de temps que de prescrire une longue liste d’examens complémentaires, mais, sans parler du coût, c’est beaucoup plus efficace et moins décevant pour le patient.    Pourquoi il faut trouver une étiologie à une urticaire chronique    Les vrais progrès de la médecine et de la thérapeutique, aujourd’hui, ont été de déceler une étiologie à des affections, et c’est grâce à cette médecine étiopathogénique qu’actuellement on sait traiter l’ulcère gastroduodénal après y avoir vu le rôle d’Helicobacter pylori, que l’on sait mieux prendre en charge une uvéite chronique dès lors qu’on a pu la rattacher à une sarcoïdose, par exemple…  Ne pas banaliser le symptôme Tout symptôme, fût-il considéré comme banal, est souvent la porte d’entrée vers le diagnostic d’une affection. Faudrait-il banaliser la prise en charge étiologique d’une constipation et laisser passer une hypercalcémie d’origine myélomateuse qui en est responsable ? L’urticaire chronique peut révéler tant de situations pathologiques, dont certaines graves (leucémie lymphoïde chronique, lymphome, parasitose systémique, etc.), qu’il est irraisonnable de ne pas vouloir en trouver l’étiologie. Chercher l’étiologie à une affection ne signifie pas qu’il faille réaliser un bilan exhaustif systématique biologique ; c’est simplement exercer son art médical avec : – un interrogatoire détaillé portant sur les antécédents personnels, les antécédents familiaux, les médicaments, les pathologies associées… ; – un examen clinique complet qui examinera aussi bien les réflexes ostéotendineux que les aires ganglionnaires… ; – la prise de connaissance d’examens biologiques antérieurs, qui sont souvent source d’information. Toutes ces informations recueillies sont un point de départ pour prescrire des examens complémentaires ciblés qui vont conforter les hypothèses diagnostiques que vous avez formulées lors de votre consultation. Que penserions-nous d’un ORL qui banaliserait le symptôme de vertiges alors même que ceux-ci peuvent être révélateurs d’une sclérose en plaques ? Ne faut-il pas devant tout vertige procéder à un interrogatoire, un examen clinique, à la recherche d’un syndrome vestibulaire, cérébelleux, pyramidal… ? Bien entendu, si toute l’histoire clinique, l’examen clinique et la prise de connaissance des examens complémentaires sont totalement non informatifs, alors oui, la prise en charge symptomatique du vertige sera la seule alternative. Enjeux de l’enquête étiologique L’urticaire chronique est une affection aux multiples étiologies qui justifie plus que toute autre que l’on s’intéresse à ses causes. La durée moyenne d’évolution est suffisamment longue (2 à 5 ans) pour devoir agir le plus rapidement possible et éviter au patient de prendre des traitements antihistaminiques de façon trop prolongée. Il faut en effet savoir que 40 % des urticaires chroniques persistent plus de 6 mois et que dans ces cas, elles sont pour la majorité présentes 10 ans plus tard. Vingt pour cent des urticaires chroniques sont présentes après 20 ans ! L’urticaire chronique affecte la qualité de vie chez la moitié des malades qui se voient gênés dans leurs loisirs, dans leur profession et dans leur vie quotidienne. Ils ont le plus souvent des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes et un besoin de sommeil plus important. La conférence de consensus a malheureusement, sans le vouloir, désinformé ses lecteurs. En effet, il est écrit : « Attitude de première intention : pas d’examen complémentaire systématique d’emblée ; traitement antihistaminique anti-H1 pendant 4 à 8 semaines ; évaluation clinique de l’efficacité en fin de traitement ». Alors qu’en fait, face à cette attitude – qui devrait s’appeler de deuxième intention –, il est bien rappelé préalablement, et ceci n’est pas exprimé de façon claire et explicite, la nécessité d’un interrogatoire et d’un examen clinique. Quand il existe des signes cliniques d’orientation étiologique, il est licite de réaliser des examens complémentaires adaptés (figure).   Figure. Quand il existe des signes d’orientation étiologique à l’interrogatoire et à l’examen clinique, il est licite de prescrire des examens complémentaires adaptés. Conférence de consensus, 2003. C’est bien là l’enjeu du diagnostic étiologique de l’urticaire chronique : rechercher par un interrogatoire approfondi bien conduit et un examen clinique complet des signes cliniques d’orientation. Ce serait bien le diable de ne pas trouver par l’interrogatoire tantôt des signes orientant vers une dysthyroïdie, tantôt vers une parasitose systémique (le fait d’être propriétaire d’un ou plusieurs chiens multiplie le risque d’être atteint de toxocarose de façon significative), un syndrome de Raynaud, les arthralgies pouvant orienter vers une maladie lupique… Qui réellement peut dire que devant une urticaire chronique, il n’a pas été capable de relever un signe à l’interrogatoire ou à l’examen clinique pouvant orienter vers une étiologie ? Une démarche raisonnée L’interrogatoire En médecine, l’interrogatoire est informatif dans 73 % des cas et l’examen clinique (s’il est réalisé sans interrogatoire) l’est dans 62 % des cas. Ainsi, le questionnement du malade est un atout important pour l’enquête étiologique. Interroger le malade sur l’ancienneté de l’urticaire, sur la fréquence des crises, sur la taille des lésions, sur les zones atteintes est peu pertinent et inutile. Son caractère prurigineux ou non a été considéré antérieurement comme un argument pour écarter ou affirmer une vascularite urticarienne. L’expérience quotidienne prouve la non-corrélation entre ce signe fonctionnel et le trouble immunologique supposé. Ce qui apparaît déterminant, c’est de préciser la chronologie de la survenue de l’urticaire chronique par rapport à des événements antérieurs. La prise de médicaments doit être soigneusement recherchée (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêtabloquants, sartans, etc.). L’interrogatoire doit passer en revue tous les organes les uns après les autres à la recherche par exemple de signes digestifs (diarrhée chronique, dyspepsie, douleurs épigastriques, aphtes, oedème des lèvres, prurit anal, etc.), qui ouvrira grand le chapitre diagnostique des maladies digestives associées aux urticaires (maladie coeliaque, allergie alimentaire, entéropathie inflammatoire, parasitose intestinale, gastrite infectieuse, etc.). Il faudra balayer les différents champs, de l’auto-immunité par exemple (syndrome de Raynaud, arthralgies, fausse couche, phlébite, dysthyroïdie, etc.). On devra retracer le mode de vie et l’environnement (voyages « exotiques », possession d’un ou plusieurs animaux). « Le médecin qui possède l’art de l’interrogatoire et sait tirer profit de l’examen clinique de son malade a indiscutablement des avantages enviables pour déterminer la cause de l’urticaire chronique. » (V. Beltrani, 1996) L’examen clinique : que faut-il rechercher ? Il faut surtout examiner, simplement examiner, c’est-à-dire inspecter, palper, percuter, ausculter et lors de cet examen systématique, un certain nombre d’éléments cliniques vont apparaître, qu’il s’agisse d’un livédo, d’adénopathies, de splénomégalie, de signes témoignant d’une hépatopathie… Qu’en est-il des examens complémentaires ? Il faudra tout d’abord tirer le maximum de profit des examens dont dispose préalablement le malade. En effet, l’urticaire chronique est souvent la résultante d’une cause contractée ou développée plusieurs années auparavant. C’est pourquoi il est indispensable de pouvoir prendre connaissance des examens biologiques que le malade a réalisés dans les années qui précèdent. À titre d’exemple, une parasitose systémique responsable d’urticaire va donner, au moment de la phase d’infestation, une hyperéosinophlie qui aura disparu au moment de l’apparition des symptômes d’urticaire chronique (courbe de Lavier). Les examens effectués pour des raisons diverses comportent souvent des informations dont on pourra tirer profit dans la prise en charge étiologique de l’urticaire chronique. Par exemple, la numération formule plaquettes recherchera une neutropénie ou une neutrophilie ; la liste des étiologies de l’une ou l’autre est longue. Il faudra regarder s’il existe une lymphopénie ou une hyperlymphocytose, une monocytose, etc. L’électrophorèse des protides est importante à considérer : elle permettra de déterminer un abaissement du pic des alpha-1-globulines, témoin du déficit en alpha-1-antitrypsine si souvent responsable d’urticaire chronique et d’angio-oedème. Elle mettra en évidence parfois une hyper-bêtaglobulinémie témoignant d’une hyper-IgA, orientant alors l’enquête étiologique vers le tube digestif. Elle pourra révéler une hyper-gamma-globulinémie polyclonale telle qu’on l’observe au cours des parasitoses systémiques ou des maladies de système, ou encore une gammapathie monoclonale. Il ne s’agit là que d’exemples que nous pourrions développer à loisir, mais sans humilité, je dois dire que l’enquête étiologique basée toujours sur l’interrogatoire et l’examen clinique (il ne s’agit pas de faire une batterie d’examens complémentaires systématiques) nous permet de poser le diagnostic étiologique de l’urticaire chronique (sur des arguments chronologiques, d’efficacité thérapeutique du traitement de la cause, etc.) dans plus de 80 % des cas avec disparition de l’urticaire chronique une fois la cause traitée.   Faut-il remettre en cause la recherche étiologique de la toxocarose en cas d’urticaire ? Suffisamment d’études cas-contrôles ont mis en évidence un lien fort entre la présence concomitante d’urticaire chronique et d’anticorps spécifiquement dirigés contre Toxocara canis pour que cette association ne soit pas considérée comme due au hasard  (1-6). Ces différentes études, réalisées entre 1995 et 2009, se sont accompagnées d’une évolution des techniques sérologiques et de leurs spécificités respectives. Ainsi, les tests TES-ELISA, dirigés contre l’antigène excrété-sécrété de T. canis, peu spécifiques et à l’origine de nombreuses réactions croisées avec l’ensemble des helminthes, sont maintenant mis en défaut vis-à-vis du Toxocara Western blot, initialement proposé par J.F. Magnaval et coll. en 1991 (6,7). La recherche étiologique d’une exposition à T. canis est facilement intégrable à l’interrogatoire (mode de vie rural, animaux, contact avec la terre…) et permet d’améliorer dans certains cas la prise en charge thérapeutique, puisqu’une part non négligeable de ces urticaires chroniques liées à la toxocarose semble être moins, voire peu répondante aux anti-H1 (5). Certains cliniciens rapportent une amélioration nette de plusieurs patients après traitement antihelminthique, mais l’efficacité des antihelminthiques dans le cas particulier des formes cutanées dues à la toxocarose n’a jamais été évaluée par des essais comparatifs randomisés (10-12). Par ailleurs, et il s’agit là d’un autre débat, aucun consensus n’existe concernant la prise en charge des tableaux cliniques cutanés liés à la toxocarose. Ainsi, dans la littérature scientifique, les prises en charge thérapeutiques sont variées, allant de l’absence de traitement antiparasitaire à l’utilisation de molécules antihelminthiques (principalement l’albendazole et la diéthylcarbamazépine) à des doses et pour des durées variables. De plus, aucune des deux molécules antihelminthiques citées précédemment n’a l’AMM pour le traitement de la toxocarose, elles sont utilisées dans cette indication sur la base de leur activité sur les nématodes (puisque Toxocara sp. est un nématode animal). Alors oui, faisons notre travail de médecin ! Sinon, si on réduit le rôle du dermatologue, médecin spécialiste (!) à un distributeur systématique d’anti-H1 sans rechercher l’étiologie sous-jacente, laissons au pharmacien le soin de délivrer l’antihistaminique.

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