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Allergologie

Publié le 26 juil 2011Lecture 12 min

Des nouvelles allergies

G. DUTAU, Toulouse
Chaque jour ou presque voit arriver de nouvelles allergies alimentaires documentées. Au-delà de leur éviction nécessaire, elles posent souvent le problème des allergies ou d’intolérances croisées. Les exemples donnés ici, qu’il s’agisse de la noix de cajou, de l’olive, de la tartrazine ou de l’huile d’argan, sont significatifs à cet égard. 
Allergie alimentaire à l’olive Si l’allergie au pollen d’olivier est l’une des principales causes de rhinite et d’asthme polliniques dans les régions méditerranéennes, en particulier en Turquie, en revanche l’allergie alimentaire au fruit de l’olivier – l’olive – n’avait été décrite jusqu’à maintenant qu’une seule fois (1) à notre connaissance. Et pourtant sa consommation est très importante ! En 2003, l’Espagne était le premier producteur mondial (6,16 millions de tonnes) suivie de l’Italie (3,149 millions), la Grèce (2,4 millions) et la Turquie (1,8 million). La France arrivait au 21e rang (21 000 tonnes) et la production mondiale était de 17,317 millions (2). M. Unsel et coll. (3) ont donc décrit un cas d’allergie alimentaire à l’olive chez un jeune homme de 28 ans qui présentait depuis 3 ans une allergie au pollen d’olivier. Les prick-tests étaient positifs pour les acariens et le pollen d’olivier. Le prick plus prick* était positif pour l’olive fruit (papule de 4 mm) et négatif chez 5 témoins. Il avait des IgE sériques dirigées contre le pollen d’olivier (74,8 kUA/l, classe 5) et l’olive (4,73 kUA/l, classe 3). Le prick était négatif à l’huile d’olive. Les prick-tests alimentaires (poire, kiwi, melon, noix, pêche) étaient négatifs. Le test de provocation oral à l’huile d’olive (2 ml) fut négatif. Il n’avait aucune autre sensibilisation ou allergie à d’autres aliments (3). À l’heure actuelle, il existe 10 allergènes dans le pollen d’olivier (Ole e 1 à Ole e 10). Ole e 2 est une profiline. Ole e 7 (protéine de transfert lipidique) est associée à une anaphylaxie après ingestion d’aliments, en particulier des fruits comme la pêche, la poire, le kiwi, le melon, la noix, etc. (4) Le premier cas décrit par J. Azofra (1) comportait un angio-oedème et un prurit généralisé après la consommation d’olives. Il avait déjà développé plusieurs épisodes de ce type. Il n’avait pas d’allergie au pollen d’olivier. Il tolérait l’huile d’olive comme notre patient. Le cas décrit par M. Unsel et coll. (3) permet probablement de définir un nouveau syndrome « pollen-fruit » en l’occurrence « olivier-olive », mais cela est à confirmer. *Technique de prick-test au cours de laquelle on pique la pulpe du fruit puis la peau du patient.     Tartrazine : un risque d’intolérance ou d’allergie largement surévalué ? La tartrazine, E102 selon la nomenclature européenne et Sunset yellow (ou yellow) selon la nomenclature américaine, est un colorant azoïque de synthèse de couleur jaune. Parmi la longue liste des colorants et additifs alimentaires, il fut le premier incriminé à la fin des années 1970. Utilisé pour la coloration des aliments, des boissons, des friandises et des médicaments, il fut alors tenu responsable d’urticaire, de dermatite atopique, d’asthme et même de chocs anaphylactiques (1). Avec les salicylés et les benzoates, il a été incriminé au cours du syndrome d’hyperactivité de l’enfant, ce qui a conduit un pédiatre américain, Benjamin Feingold, à proposer, en 1973, un régime d’exclusion qui fut loin de faire l’unanimité parmi les neuropédiatres spécialistes de cette affection (a). Il pourrait aussi avoir des effets mutagènes. Ce colorant est interdit en Autriche, Finlande et Norvège. Il est permis ailleurs, sa présence (et celle des autres additifs et colorants) devant être mentionnée sur les étiquetages. Cependant, des produits peuvent échapper à cette règle en particulier les friandises colorées vendues en vrac. Toutefois, le rôle des additifs et colorants en général (et celui d’E102 en particulier) a été probablement surestimé comme le suggèrent des données nouvelles. À partir des années 1980, l’épidémie d’allergies alimentaires a commencé et s’est confirmée, et plus grand monde n’a parlé des « allergies aux colorants »(b), mis à part des cas survenus dans des circonstances bien particulières (2,3). Les mécanismes d’action des effets adverses imputables aux additifs et aux colorants sont nombreux. Un mécanisme IgE-dépendant est incriminé pour le carmin de cochenille (E120), les carraghénanes (E407), la gomme adragante (E413), le lysosyme (E1105) et l’annatto (ou rocou) (2,3). On dispose d’études épidémiologiques sur l’intolérance aux additifs et colorants. La prévalence est faible, évaluée entre 0,026 et 0,040 % par E. Young et coll. en population générale au Royaume-Uni (4). En 1994, en Hollande, elle fut estimée à 1,5 % (5). En Allemagne, l’allergie alimentaire IgE- et non IgE-dépendante a été étudiée par des questionnaires adressés à 13 300 habitants de tous âges de la ville de Berlin. Il y a eu 4 093 réponses (30,8 %), 814 explorations individuelles avec test de provocation en double insu contrôlé versus placebo pour 23 additifs répartis en 13 gélules. Le taux de prévalence fut de 0,18 % pour l’intolérance aux additifs (6). D’autres études donnent des chiffres comparables : pour M.O. Elhkim et coll. (7), la prévalence de l’intolérance à la tartrazine est inférieure à 0,12 % dans la population générale. Il existe cependant des cas individuels comme, par exemple, celui d’un adolescent de 19 ans qui développa, entre 4 à 8 ans, des épisodes d’anaphylaxie avec angio-oedème du pénis et du scrotum. Ils survenaient à chaque fois, 2 heures après la consommation de thon à l’huile d’olive de diverses firmes (8). Après un intervalle libre de l’âge de 8 à 17 ans, les symptômes devaient réapparaître. Ce patient, non atopique n’était pas allergique au poisson (test de provocation oral négatif), ni allergie aux allergènes usuels. Des tests de provocation en double insu contrôlés vs placebo furent alors effectués vis-àvis de plusieurs additifs, dont la tartrazine qui donna un résultat positif : urticaire généralisée et angio-oedème des lèvres et des bras (mais pas du scrotum !), 2 heures après la prise du colorant(8). La tartrazine a également été incriminée au cours de l’eczéma atopique. En 1989, en Belgique, H.P. Van Bever et coll. (9) ont effectué des tests de provocation en double insu contrôlés vs placebo chez 25 enfants atteints de dermatite atopique sévère : 18 tests (70,8 %) furent positifs pour l’oeuf, 12 (50 %) pour le blé, 8 pour le lait de vache (33,3 %) et 8 (33,3 %) pour le soja. Sur 6 tests de provocation envers les additifs alimentaires, la tyramine et l’aspirine, 2 enfants réagirent à la tartrazine, 3 au benzoate de sodium, 2 au glutamate de sodium, 2 au métabisulfite de sodium et 4 à l’aspirine (ce qui fait beaucoup pour 6 enfants…)(9). Par ailleurs, au Royaume-Uni, J. Devlin et T.J. David (10) ont effectué des tests oraux de provocation à la tartrazine à la dose de 50 mg chez 12 enfants âgés de 1 à 16 ans : seul un test fut positif. Il n’existe pas d’autre étude sur le rôle de la tartrazine au cours de l’eczéma atopique. La tartrazine étant incriminée au cours de la rhinite allergique, de l’asthme, de l’urticaire ou de l’intolérance aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, S. Pestana et coll. (11) ont effectué, en 2010, une étude chez 26 patients atteints de ces pathologies en utilisant le test de provocation oral en double insu contrôlé vs placebo (35 mg de tartrazine ou de placebo). Tous les tests furent négatifs n’entraînant ou ne précipitant pas le moindre symptôme cutané, respiratoire ou cardiovasculaire (11). Si un nombre plus important de sujets aurait été nécessaire pour détecter des changements mineurs ou modérés, ces résultats sont cependant en accord avec trois études bien menées disponibles dans la littérature (in 11). Une métaanalyse de la Cochrane Library consacrée aux effets de l’exclusion de la tartrazine sur les symptômes d’asthme. Parmi 90 abstracts, 18 ont été considérés comme pertinents, 6 ont satisfait aux critères d’inclusion, et seulement 3 permettaient une analyse (ne pouvant cependant être rassemblés pour une métaanalyse). Toutefois, aucun article n’était en faveur d’une amélioration des symptômes d’asthme sous régime d’éviction de la tartrazine. Il est donc impossible de fournir la moindre conclusion, en termes de médecine basée sur les preuves, sur le rôle de la tartrazine dans l’asthme. Il a été indiqué que la tartrazine pouvait être responsable d’intolérances croisées chez les individus atteints d’asthme à l’aspirine. Chez 156 patients allemands, polonais et italiens atteints d’intolérance à l’aspirine, les tests de provocation en double insu à la tartrazine (25 mg) contrôlés vs placebo n’ont été positifs que 4 fois (2,56 %) avec baisse du débit expiratoire de pointe de 25 % (ou davantage) et symptômes respiratoires (13). De plus, 65 patients qui toléraient 25 mg de tartrazine ont pu recevoir 50 à 3 000 mg de tartrazine sans présenter le moindre symptôme (13)… En France, pour M.O. Elhkim et coll. (7), la dose maximale ingérée par les enfants est estimée à 37,2 % de la dose maximale autorisée quotidiennement. Elle serait même bien inférieure autour de 5 % (c). En conclusion, et contrairement à des idées reçues, l’ensemble des études disponibles, en particulier l’étude de S. Pestana et coll. (11) qui a motivé cette révision, semblent donc, sinon innocenter la tartrazine, au moins minimiser son rôle en pathologie (d). Mais autant s’en passer si c’est possible.     Allergie alimentaire à la noix de cajou Les allergies à l’arachide, aux fruits à coque et aux graines comestibles sont de plus en plus fréquentes depuis une vingtaine d’années (1-4). Après une grande « épidémie d’allergies alimentaires à l’arachide », on a vu apparaître une augmentation de la prévalence de l’allergie alimentaire à la noix de cajou, aussi fréquente et grave que l’allergie alimentaire à l’arachide. D’autres fruits secs donnent lieu à des allergies fréquentes (pistache, lupin, noisette, etc.). Des graines (sarrasin, sésame) sont responsables d’allergies fréquentes et souvent sévères. Les symptômes sont variés depuis les signes légers à modérés (syndrome d’allergie orale, urticaire aiguë) jusqu’aux tableaux graves (angio-oedème laryngé, anaphylaxie, choc) pouvant être mortels pour des doses réactogènes faibles (arachide, noix de cajou, noix de pécan, sarrasin). Les allergènes responsables sont de mieux en mieux identifiés. Les réactions croisées de sensibilisations (biologiques) ou d’allergies (cliniques) sont fréquentes. Le diagnostic d’allergie croisée, impliquant une éviction alimentaire, est basé sur les tests de provocation par voie orale, et, de plus en plus, sur le diagnostic moléculaire impliquant la recherche d’IgE dirigées contre certains allergènes recombinants. La prescription de ces dosages et l’interprétation des résultats sont du ressort du médecin allergologue. Le tableau ci-dessous donne les principaux éléments botaniques, cliniques et diagnostiques de ces allergies alimentaires (1-4).     Cliquez pour agrandir   Anaphylaxie à la suite de prick-tests à l’huile d’argan L’huile d’argane ou argan est une huile très à la mode. Elle est obtenue à partir de l’arganier (Argania spinosa), arbre qui pousse à l’état endémique dans le sud-ouest du Maroc entre Agadir, Essaouira et Taroudant (1,2). L’huile est issue des amandons, torréfiés ou non. L’huile alimentaire, plus sombre en raison de la torréfaction, est utilisée pour la préparation des aliments. Avec des amandes pilées et du miel, on obtient une pâte (amlou) très nutritive, consommée en particulier au petit déjeuner. L’huile cosmétique, plus claire, est traditionnellement utilisée « pour revitaliser les peaux sèches », traiter l’eczéma, faire des massages, etc. La requête « huile d’argan » sur Google fait apparaître un grand nombre de sites, la plupart délivrant une « huile 100 % bio » (3,4). L’huile d’argan est réputée pour sa richesse en acide oléique (oméga-9) (43 %) et linoléique (oméga-6) (36 %), vitamine E, phytostérols, etc. C. Astier et coll. (5) rapportent le premier cas d’anaphylaxie à l’huile d’argan chez un homme de 34 ans, marocain, qui présentait des douleurs gastriques et une hypersalivation, régressives sous corticoïdes et anti-H1 oraux. L’exploration allergologique par prick-test fut fortement positive avec de l’huile d’extraction (papule 10 mm) et avec la pâte d’argan (18 mm) pour un témoin codéine 9 % à 8 mm. Vingt minutes plus tard, le patient développa une anaphylaxie sévère avec érythème généralisé, urticaire, gêne pharyngée et chute du débit expiratoire de pointe à 0,4 l/ min ! Le sérum du patient contenait des IgE spécifiques fixant une protéine de 10 kDa. Étant donnée la vogue du « bio », des huiles « essentielles » et de leurs utilisations nutritives, des massages à l’huile d’argan, on peut prévoir que cette première observation ne sera pas la dernière ! Les huiles essentielles sont obtenues selon divers procédés (distillation, extraction par solvants volatifs, expression à froid, CO2 supercritique). On décrit une multitude d’actions antiseptiques, antiinfectieuses, anti-inflammatoires, digestives, antipérétiques (plutôt supposées que scientifiquement démontrées), amincissantes et même aphrodisiaques ! Le terme « essentielles » attribué à ces huiles prête à confusion, à ne pas assimiler au qualificatif « essentiels » donné à certains acides aminés qui, eux, le sont vraiment ! Le terme « huile essentielle » a ici le sens de « quintescence de » (4).  

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