publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

BPCO

Publié le 14 oct 2008Lecture 7 min

Comment aborder le fumeur BPCO en consultation de pneumologie. Un entretien avec Jean Perriot

Jean Perriot est pneumologue-tabacologue à Clermont-Ferrand
Le pneumologue a un rôle déterminant dans le sevrage tabagique du patient BPCO. Il est le référent expert qui dispose, malgré une durée de consultation limitée, d’un grand nombre de solutions pour obtenir, sur le moyen, voire le long terme, un arrêt définitif de la consommation de tabac.
Quel est le profil du fumeur atteint de BPCO? J. Perriot : Ce type de patients a un niveau de consommation quotidienne de cigarettes et de consommation cumulée exprimé en paquets-années supérieur aux autres fumeurs. De même, ils inhalent un volume plus important de fumée. Ils ont un niveau de motivation inférieur malgré un nombre de tentatives d’arrêt supérieur, mais ces tentatives échouent plus souvent et plus rapidement. Leur niveau de co-consommation d’alcool est également supérieur aux autres fumeurs. Ils ont plus fréquemment des troubles anxiodépressifs. Cependant, passé le premier cap, le taux d’abstinence à long terme est équivalent aux autres fumeurs. Il reste qu’il faut distinguer, dans cette population, deux catégories : Jean Perriot est pneumologue-tabacologue à Clermont-Ferrand les « hard-core smokers » fortement dépendants et consommateurs, peu conscients de leur dépendance et de la toxicité du tabac, qui n’ont pas l’intention d’arrêter de fumer car ils ne voient pas le bénéfice à le faire et ne s’en sentent pas capables. Certes, ils ont de plus en plus de mal à respirer, mais réduisent leur activité et s’adaptent à leur insuffisance respiratoire. Ce sont plutôt des polyconsommateurs (dont l’alcool) souffrant de troubles anxiodépressifs qui les empêchent de se projeter dans l’avenir. Ils ont souvent de moins bonnes conditions socio-économiques et un faible suivi médical et dentaire. Ils vivent souvent seuls, avec moins d’interdits sur leur lieu de travail où ils occupent un emploi faiblement qualifié. Si une partie d’entre eux souhaite dans l’absolu arrêter de fumer, leur faible niveau de motivation limite les tentatives d’arrêt. Rappelons ici que la motivation, c’est à la fois la perception d’un intérêt pour soi à s’arrêter de fumer et la perception de la capacité personnelle à le réaliser. C’est le profil-type du fumeur BPCO qui est amené à consulter un pneumologue du fait de sa symptomatologie respiratoire, sans pour autant que le lien avec le tabagisme soit bien clair. Pour lui, la solution de son problème est externe (le médecin) et non interne (sa décision); Jean Perriot est pneumologue-tabacologue à Clermont-Ferrand les « heavy chronic smokers» sont également de gros fumeurs dépendants. Mais ceux-là viennent en consultation de tabacologie car ils sont motivés. Ils ont du mal à arrêter, mais ils ont tenté à plusieurs reprises. Quel que soit le type de fumeur vu en consultation, le pneumologue a un rôle majeur et peut l’aider à devenir un ex-fumeur. Quels sont les pièges à éviter, sur le plan du sevrage tabagique, vis-à-vis d’un patient BPCO qui consulte en pneumologie ? J. P. : D’après ce que l’on vient de voir, il faut avant tout éviter une rupture de communication en stigmatisant le fumeur BPCO. Il s’agit ni d’être agressif, ni alarmiste, ni culpabilisant. Il faut avant tout informer de la réalité de la maladie, en employant un langage neutre, honnête, empathique, en expliquant clairement que le tabagisme entraîne une augmentation de la fréquence des exacerbations, de leur sévérité, de la durée des hospitalisations, des décompensations avec un risque mortel, une moindre efficacité des traitements, l’amyotrophie… et proposer des sites internet d’information, type Tabac-Info- Service. Toute l’information ne sera pas forcément déroulée au cours d’une seule consultation, mais l’essentiel est de parler de tabagisme lors de chaque consultation, quitte à utiliser le conseil minimal, les tests de motivation (test de Richmond, Q-MAT), le test de Fagerström et le test HAD pour repérer les troubles anxieux et dépressifs. À ce propos, les antidépresseurs ne sont pas là pour permettre le sevrage tabagique, mais pour traiter les éventuels troubles dépressifs associés et ne pas aggraver la dépression à l’occasion du sevrage. On peut juger de l’évolution du patient avec des échelles analogiques (de 0 à 10) qui permettent d’évaluer le niveau de confiance pour s’arrêter, de perception de la difficulté à arrêter, son niveau de l’intérêt pour luimême de s’arrêter… En fait, il s’agit de demander au patient systématiquement à chaque consultation où il en est de son tabagisme et de lui apporter à cette occasion des éléments d’information. Par ailleurs, en fin de consultation, il est utile de faire une synthèse sur son état clinique en le corrélant au tabagisme et de lui proposer une aide pratique, voire des mesures intermédiaires jusqu’à la prochaine consultation, afin de nourrir sa réflexion entretemps. Mais un pneumologue a-t-il le temps et les moyens de cette démarche ? J. P. : Avant tout, un pneumologue, face à un patient BPCO, est en première ligne et doit prendre toute la mesure de l’importance de sa tâche. Il doit tracer la voie avant de passer la main. Ce suivi explicatif et empathique ne demande pas un temps considérable, mais donne au pneumologue toute sa crédibilité en tant qu’expert. Un simple entretien motivationnel, sur un mode interrogatif « Qu’est-ce qui vous déplaît ou vous plaît dans le fait de fumer ? », « Quel bénéfice escomptez-vous à l’arrêt ? », «Que craignez-vous ?»… permet de le rassurer en expliquant, par exemple, l’efficacité des traitements d’aide à l’arrêt du tabac sur l’envie compulsive de fumer. Il peut alors lui proposer un schéma d’arrêt :   soit une réduction de sa consommation avec l’aide de substituts nicotiniques. Cette réduction, que l’on renforce en la valorisant, constitue une deuxième étape qui augmente la confiance en soi car elle n’a pas entraîné de souffrance. À ce stade, l’étape de l’arrêt s’effectuera après un « inventaire»: quels sont les niveaux de dépendance, de motivation, y a-t-il des troubles anxiodépressifs, quels sont les éléments de pronostic défavorables et «suisje le plus à même d’assurer la prise en charge ? » Il ne s’agit pas de se défausser au moment où le patient attend du pneumologue les moyens de franchir l’étape essentielle du sevrage. Il est essentiel d’éviter une rupture de communication ;   soit un arrêt total et immédiat avec l’aide d’un traitement médicamenteux (varénicline, bupropion, substituts nicotiniques). Là aussi, un « inventaire» sur le niveau de dépendance et le contexte anxiodépressif sera nécessaire. Pour aider le pneumologue dans l’accompagnement du patient, il existe des services d’aide à l’arrêt gratuit, du type Tabac-Info-Service, proposant un programme de coaching quotidien géré par des tabacologues. À noter que des tentatives d’arrêts supérieurs à 6 mois sont de bon pronostic. En fait, avec un patient BPCO que l’on voit 3 ou 4 fois par an, il est tout à fait possible, par petites touches lors de chaque consultation, de l’amener au sevrage définitif. L’essentiel à ce stade est de baliser la consultation afin de disposer d’un « temps utile » pour aborder ce sujet, avec des réponses techniques à des questions pratiques. Enfin, pour la réussite du traitement, il est essentiel d’une part d’éviter chez les patients BPCO les sous-dosages thérapeutiques et d’autre part de considérer que l’on n’a obtenu un arrêt définitif qu’après un sevrage de 18 mois alors que 12 mois est habituellement la règle chez un fumeur classique.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème