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Pneumo-pédiatrie

Publié le 02 mar 2014Lecture 12 min

Dermatite atopique et allergie respiratoire

L. SICSIC, Paris
Les facteurs déclenchant des crises d’eczéma peuvent être de nature très différente, et les pneumallergènes font partie des causes possibles. Les poussées d’eczéma après exposition à un allergène aéroporté, la localisation sur les zones découvertes, l’existence de zones réfractaires au traitement et l’association de signes respiratoires sont des arguments forts en faveur d’une liaison entre pneumallergènes et eczéma.
Une étude a montré qu’à l’âge de 7 ans, 80 % des enfants atteints de dermatite atopique (DA) étaient sensibilisés à au moins un allergène respiratoire. La fréquence peut varier entre 33 et 71 %. Les patients ayant de l’eczéma sont globalement plus sensibilisés aux acariens qu’aux autres protéines de l’environnement. La relation entre eczéma et asthme renforce l’importance de l’implication des allergènes aéroportés dans la DA. Dans une étude menée chez des patients ayant de l’eczéma et de l’asthme, il a été montré que la moitié d’entre eux n’avaient d’exacerbation de leur eczéma qu’après l’inhalation de protéines d’acariens. Une autre étude montre que l’inhalation d’allergène respiratoire augmente les scores des lésions d’eczéma uniquement chez les patients ayant un asthme associé. L’eczéma serait un signe de gravité de la pathologie respiratoire et un facteur pronostique pour l’asthme et la rhinite. À l'inverse, l’asthme peut se révéler être un facteur de risque de persistance de l’eczéma chez l’adolescent.   Sensibilisation aux pneumallergènes et défaut de barrière cutanée   L’épiderme a des fonctions de défense et de relation avec l’environnement extérieur, notamment aérien. Un défaut de la fonction barrière cutanée constitue le premier mécanisme de développement de l’eczéma ; il facilite l’action délétère des allergènes et des agents pathogènes environnementaux (toxines, irritants, polluants). Il est associé à une perte d’eau transépidermique, qui est elle-même corrélée à la sévérité de l’eczéma. Un défaut de la filaggrine, un des composants du ciment de la barrière épithéliale et un élément essentiel de l’unité épidermique, constitue un point commun entre l’eczéma et les maladies respiratoires, à savoir l’asthme et la rhinite. Des mutations du gène de la filaggrine ont en effet été retrouvées dans l’asthme, la rhinite allergique et dans certaines formes d’eczéma. Par ailleurs, il a été montré que l’expression de ce gène est diminuée par les cytokines Th2 (IL-4 et -13) : ces anomalies peuvent être acquises ou génétiquement programmées. Des données expérimentales montrent que chez la souris mutée pour la filaggrine, les allergènes pénètrent dans l’épiderme endommagé et entraînent une réaction immunologique. Toutefois, il faut savoir qu’il s’agit d’un mécanisme parmi d’autres et que 40 % des mutations du gène de la filaggrine ne s’accompagnent pas d’eczéma.   Autres mécanismes en cause Chez les patients ayant de l’eczéma, on retrouve de manière fréquente des immunoglobulines E dirigées contre les acariens, mais aussi contre beaucoup d’autres protéines. On observe chez les sujets atopiques une modification de la réponse immunitaire, notamment vis-à-vis des allergènes respiratoires, avec une augmentation significative du nombre de lymphocytes T CD4 spécifiques de pneumallergènes, comparativement à des sujets non atopiques. Par ailleurs, dans le cadre des relations complexes entre l’immunité innée (notamment antibactérienne) et l’immunité allergénique, il a récemment été montré l’existence d’une interaction entre les récepteurs impliqués dans ces deux processus immunologiques.   Cofacteurs de l'allergie : les facteurs chimiques Des facteurs environnementaux peuvent être délétères quand ils s’associent aux allergènes. Il a été démontré qu’une combinaison entre les allergènes d’acariens et une exposition à des composés organiques volatils (COV) potentialise leurs effets chez des patients ayant de l’eczéma par rapport à des sujets témoins. Il semblerait que l’exposition chimique aggraverait l’effet d’un contact allergénique. Cela est particulièrement vrai dans le domaine des maladies professionnelles. Effets cutanés directs des pneumallergènes Les allergènes respiratoires peuvent pénétrer dans l’épiderme et agir selon trois mécanismes différents : – l’activité enzymatique protéolytique ; – l’activation du récepteur 2 de la protéinase (PAR-2) ; – la liaison à l’immunoglobuline E, puis l’augmentation de l’inflammation. L'activité enzymatique protéolytique Les protéines produites par des acariens et des blattes peuvent avoir une activité enzymatique propre sur la peau et contribuer directement à l’altération de la barrière épidermique chez les patients présentant une dermatite atopique. Les enzymes des acariens sont essentiellement des protéases de cystéine et de sérine, qui s’attaquent directement aux jonctions serrées de l’épithélium. Elles peuvent entraîner la dégranulation des polynucléaires éosinophiles, activer les kératinocytes, augmenter la production d’IL-6 et -8, ainsi que celle de GM-CSF. Ces actions contribuent à initier une réaction de type 1 (immédiate) ou de type 4 (retardée). Ces allergènes altèrent la perméabilité cutanée et contribuent ainsi au cercle vicieux en facilitant la pénétration de facteurs irritants, d’autres allergènes et des germes bactériens. L’activation du récepteur PAR-2 présent sur les kératinocytes épidermiques et les fibres nerveuses dermiques non myélinisées Ces récepteurs sont essentiels à la transmission nerveuse de la sensation de prurit, ainsi qu’au maintien du gradient épidermique de l’ion calcium. Par exemple, certaines protéines de la blatte peuvent perturber les concentrations intracellulaires de calcium et diminuer le rôle protecteur des kératinocytes. L’activation chronique de ce récepteur entraîne un prurit chronique (qui peut ne pas répondre aux antihistaminiques) et des lésions de l’épithélium. Les immunoglobulines E spécifiques présentes à la surface des cellules de Langherans entrent en contact directement avec les allergènes et provoquent localement (via les récepteurs FcεRI) des réactions immédiates. Rôle particulier des acariens et effet des mesures d’éviction   L’acarien n’agirait pas sur la peau seulement en qualité d’allergène, mais aussi, nous l’avons vu, comme facteur agresseur par le biais d’une activité enzymatique protéolytique et comme activateur direct des kératinocytes. Une étude a montré que chez les patients ayant de l’eczéma, il y avait 3 fois plus de risque de retrouver des acariens au niveau de leur peau par rapport à un groupe témoin. En termes de prévention primaire, il est difficile d’établir des stratégies claires pour les familles à risque. Une étude a montré que des enfants exposés à des concentrations > 1 μg de protéines d’acariens par gramme de poussière avait 4 fois plus de risques d’avoir de l’eczéma versus des enfants exposés à moins de 1 μg/g. Une relation linéaire entre l’incidence de l’eczéma et l’intensité de l’exposition aux acariens à domicile a été mise en évidence : 5 % en cas d’exposition à de faibles doses d’acariens, 14 % en cas de forte concentration. Des études de cohorte ont montré que des enfants à fort risque d’eczéma, qui ont bénéficié de mesures d’éviction des acariens, ont moins de lésions cutanées que les autres un an après et jusqu’à la 8e année de suivi. En termes de prévention secondaire, de nombreuses études ont montré une amélioration de la sévérité de l’eczéma grâce à des mesures de diminution de concentration des acariens, en particulier chez les patients ayant des tests cutanés positifs. Toutefois, la question reste débattue, certaines études n’ayant pas montré de bénéfice des mesures d’éviction des allergènes en termes de fréquence ou de sévérité de l’eczéma (mais il se peut que des biais méthodologiques interviennent). Il semblerait que l’effet positif de l’éviction soit plus évident pour des patients ayant un eczéma plus sévère, des exacerbations postexposition, ainsi que des lésions sur les surfaces de contact. Des travaux montrent une diminution de l’incidence et de la sévérité de l’eczéma grâce à l’utilisation de housses anti-acariens. Dans une étude pédiatrique ayant inclus 931 enfants vivant dans un milieu riche en acariens, suivis pendant 3 ans, l’incidence de l’eczéma était 4 fois plus élevée parmi ceux qui n’utilisaient pas de housse antiacariens. Mais une autre étude, comparant l’effet des housses anti-acariens versus des housses traditionnelles, montre dans les deux groupes une diminution des concentrations d’acariens et une réduction significative des scores de sévérité d’eczéma, ainsi que du prurit. Dans la majorité de ces études, on n’a pas observé de corrélation entre les résultats des tests cutanés et des dosages de l’immunoglobuline spécifique et la réponse au traitement. Dans le même ordre d’idée, il a été montré que le passage fréquent de l’aspirateur à la maison améliorait les scores d’eczéma, ainsi que la fréquence de survenue d’eczéma dans la première année de vie. Mais, là aussi, dans ces études, les taux d’IgE dirigées contre les acariens n’ont pas changé. Concernant l’éviction de la moquette à la maison, une étude pédiatrique a montré une amélioration significative de l’eczéma.   Les autres allergènes aéroportés   Phanères d’animaux Les résultats sont discutables en ce qui concerne les phanères d’animaux : l’influence sur la genèse des lésions de la présence d’un chat ou d’un chien dans la proximité immédiate d’un enfant atopique à risque d’eczéma n’est pas encore totalement établie et précisée. Le rôle de la présence de ces animaux sur la sensibilisation allergénique chez les patients ayant de l’eczéma (en dehors d’une aggravation de l’eczéma en cas de sensibilisation préalable) a même été mis en cause par certains résultats d’études. Trophallergènes Selon l’équipe anglaise du Pr G. Lack et selon l’opinion de nombreuses équipes d’allergologie, chez des enfants ayant des lésions d’eczéma, la sensibilisation à de nombreux trophallergènes se fait par voie transcutanée, dans les premières années de la vie. L’allergène est soit ingéré et appliqué autour de la bouche ou sur les mains, soit uniquement appliqué accidentellement sur la peau lésée. Il a été aussi montré que certains pollens et des allergènes d’animaux ou de moisissures pouvaient déclencher des lésions eczémateuses dans un sousgroupe de patients prédisposés.   Diagnostic : intérêt des patch-tests   Sur le plan diagnostique, l’évaluation de l’ensemble des allergènes pouvant être impliqués fait partie du bilan de l’eczéma de l’enfant. Les patch-tests évaluent essentiellement les réactions de type 4 à une protéine. Ils ont permis de mettre en évidence des relations immunes entre pneumallergène et dermatite atopique. Les poussées d’eczéma après exposition à l’allergène, la localisation sur les zones découvertes (visage, cou, décolleté, avant-bras, partie inférieure des jambes), l’existence de zones réfractaires au traitement, et l’association de signes respiratoires sont des arguments forts incitant à rechercher une liaison entre pneumallergènes et eczéma. Deux études ont montré une augmentation de la positivité des patchtests aux acariens, chat et pollens chez les patients ayant un eczéma des zones découvertes par rapport à ceux qui avaient un eczéma généralisé ou localisé aux plis. La sévérité de l’eczéma, elle aussi, semble témoigner de la relation entre eczéma et allergènes respiratoires. Trois études, totalisant plus de 4 000 patients, ont montré une augmentation de la sensibilisation aux allergènes respiratoires (acariens et chats) chez les patients ayant un eczéma sévère. La relation est parfois évidente, notamment dans le cas de dermatite des mains lors de contacts répétés. Par ailleurs, les techniques de dosage des immunoglobulines sur micropuces offrent des perspectives intéressantes de dépistage et de suivi des enfants atteints d’eczéma. Elles permettent de préciser le rôle de certains allergènes.   Immunothérapie et eczéma   L’effet de l’immunothérapie contre les pneumallergènes sur l’eczéma commence à trouver sa place dans la prise en charge des enfants atteints d’eczéma. L’équipe de Werfel et coll. a évalué l’immunothérapie par injection dans une étude multicentrique en double aveugle en dose-réponse chez des patients ayant de l’eczéma et une sensibilisation aux acariens. Elle a montré une diminution dose-dépendante significative des scores de sévérité de l’eczéma, ainsi qu’une moindre utilisation des corticoïdes locaux. Une autre étude pédiatrique dans laquelle l’immunothérapie par voie sublinguale était pratiquée durant 9 mois, a montré une amélioration de l’état cutané des enfants ayant un eczéma léger à modéré. Cependant, certaines études ne montrent pas de bénéfices par rapport au placebo, et il y a eu des cas d’arrêt du traitement en raison de l’aggravation de l’eczéma. Il reste donc encore à conduire des essais cliniques et à réaliser des progrès en termes de compréhension dans ce domaine. D’après l’intervention du Dr Nhân PHAM-THI (Service d’immuno-allergo-pédiatrie, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris ; CNRS U8147) lors du 7e CFA.

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