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Pneumologie

Publié le 08 juin 2022Lecture 9 min

Pneumothorax spontanés primaires : de nouvelles recommandations

Denise CARO, D’après une session présidée par C. Pichereau (Poissy), V. Jounieaux (Amiens), avec les communications de : É. Noël-Savina (Toulouse), G. Mangiapan (Créteil), T. Desmettre (Besançon), S. Jouneau (Rennes) et J. Messika (Colombes) CPLF 2022

Des recommandations formalisées d’experts sur les pneumothorax spontanés primaires (PSP) sont en cours d’achèvement. Elles sont le fruit d’un travail pluridisciplinaire auquel ont participé cinq sociétés savantes (Société de pneumologie de langue française, Société française de médecine d’urgence, Société de réanimation de langue française, Société française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire et Société française d’anesthésie et réanimation). Dans l’attente de la finalisation du volet chirurgical, un certain nombre de recommandations peuvent être faites concernant la prise en charge des PSP.

Un pneumothorax spontané correspond à un épanchement gazeux dans la cavité pleurale, survenant dans un contexte non trauma- tique ou iatrogène. Il est dit primaire lorsqu’il concerne un patient exempt de pathologie respiratoire sous-jacente. La première étape de la prise en charge est celle du diagnostic. Bien que le scanner soit supérieur à la radiographie thoracique pour affirmer un PSP et poser un diagnostic différentiel, il n’est pas recommandé en première intention en raison de son coût, de son irradiation et des problèmes d’accessibilité. Le groupe d’experts a estimé qu’il était préférable de faire une radiographie du thorax de face en inspiration sans cliché en expiration et de réserver le scanner thoracique à faible irradiation en cas de doute diagnostique. L’échographie thoracique a surtout été étudiée dans les pneumothorax traumatiques ou iatrogènes. Elle n’est pas recommandée pour faire le diagnostic de PSP, en dehors des cas où il y a une urgence clinique. En revanche, elle est utile pour détecter un pneumothorax résiduel chez des patients drainés. Elle doit être réalisée par une équipe expérimentée. ABONDANCE ET SÉVÉRITÉ Une fois le diagnostic posé, il est essentiel de déterminer l’abondance du PSP. Il existe plusieurs techniques avec des résultats divergents. La méthode de Rhea (selon une formule prenant en compte la distance maximale au niveau de l’apex, la distance médiane de la moitié supérieure et la distance médiane de la moitié inférieure) convient aux pneumothorax de petite taille mais elle sous-estime ceux de plus grande taille pour lesquels la méthode de Collins (qui utilise les mêmes distances avec une formule différente) est préférable ; l’index de Light (qui mesure le diamètre de l’hémi-thorax et le diamètre du poumon au niveau du hile) il a, lui aussi, tendance à sous-estimer le volume du pneumothorax. En pratique, le groupe d’experts propose de considérer qu’un PSP est de grande abondance lorsqu’il existe un décollement sur toute la hauteur de la ligne axillaire, d’une largeur supérieure ou égale à 2 cm au niveau du hile. Là encore, bien que plus performant que la radiographie pour déterminer l’abondance du PSP, le scanner n’est pas recommandé en première intention, pas plus que l’échographie. On aura donc recours à la radiographie de face en inspiration. La taille du pneumothorax ne détermine pas à elle seule la décision thérapeutique. Des signes de sévérité immédiate doivent être recherchés. Le pneumothorax est dit suffocant lorsqu’il est responsable d’une détresse respiratoire ou d’une défaillance hémodynamique. C’est une urgence, imposant une décompression thoracique immédiate. Elle peut être réalisée par voie antérieure (ligne médioclaviculaire, 2e espace intercostal) ou axillaire (ligne axillaire moyenne, 4e espace intercostal), au moyen d’un kit de thoracentèse ou avec tout autre dispositif d’exsufflation à disposition. Face à un PSP de grande abondance sans signe de sévérité immédiate, on procédera en première intention, soit à l’exsufflation, soit au drainage thoracique. Sauf situations particulières, la chirurgie n’a pas de place en première intention. Une étude récente qui a comparé l’abstention (sous surveillance) au drainage dans les PSP de grande abondance, n’a pas retrouvé de différence entre les deux procédures à huit semaines. Toutefois, ce travail souffrant de nombreux biais, le traitement conservateur d’un PSP de grande abondance n’est pas recommandé. EXSUFFLATION OU DRAINAGE ? Habituellement, on recourt à l’exsufflation ou au drainage, avec un choix difficile entre les deux. En faveur de l’exsufflation, on observe moins de complications, moins de douleurs et une hospitalisation plus courte. Le drainage thoracique a une meilleure efficacité immédiate. Les deux méthodes ont les mêmes performances sur l’efficacité à 7 jours (88 à 100%) et sur le taux de récidives tardives (18,6 %). Les données de la littérature ne per- mettent pas de déterminer si une technique est meilleure que l’autre. Quoi qu’il en soit, l’exsufflation peut être faite par voie antérieure ou axillaire. La voie antérieure est un peu plus facile à réaliser, mais les deux approches peuvent être proposées indifféremment, de préférence avec un matériel dédié. L’aspiration peut se faire à la seringue avec une aspiration murale douce. L’efficacité est évaluée sur l’arrêt du bullage, la réduction de l’abondance, la résolution du pneumothorax. L’aspiration peut être renouvelée. Le drainage doit être réalisé avec un drain de petit calibre (≤ 14 Fr) avec un moindre risque de complications. Il n’y a pas de données dans la littérature pour privilégier la voie d’abord antérieure par rapport à la voie axillaire. Un repérage échographique, fait systématiquement pour le drainage et pour l’exsufflation, diminue les risques de complications (atteinte du diaphragme en axillaire et des vaisseaux en antérieur). Enfin, le groupe recommande de débuter le drainage par une évacuation passive (valve unidirectionnelle ou écoulement libre) et de recourir à une aspiration à 5 ou 20 cmH20 dans un second temps, uniquement si la réexpansion n’est pas obtenue ; en effet, l’aspiration expose à un risque d’œdème de réexpansion. Il n’y a jamais urgence à aspirer et l’aspiration initiale est source de complications. Il n’est pas utile de clamper le drain ; cela peut même être dangereux avec un risque de suffocation. Le seul avantage serait de laisser le drain en place en cas de récidive. Concernant son ablation, le groupe propose une mise en écoulement libre de 6 à 8 heures une fois que le poumon est recollé avant de retirer le drain. Les données de la littérature ne permettent pas de déterminer s’il y a intérêt à clamper le drain juste avant de le retirer. LA PRISE EN CHARGE AMBULATOIRE La prise en charge des PSP de faible abondance peut être conservatrice et ambulatoire si les critères suivants sont réunis: le pneumothorax est stable cliniquement et radiologiquement depuis 4 heures, la prise en charge ambulatoire a pu être organisée correctement et une consultation avec échographie ou radiographie thoracique à 24-72 heures est programmée afin de suivre l’évolution. D’autres précautions doivent être prises. Il est impératif d’expliquer clairement au patient (et son entourage) la conduite à tenir en cas de problème. Le malade ne doit pas être seul durant les 48 heures suivant son retour à domicile. Un document lui est remis avec les numéros à appeler 24 h/24, 7 j/7 en cas de problème. Il faut vérifier que les consignes ont été bien comprises. Enfin, il faut que le patient soit à moins d’une heure d’un centre médical en cas de dégradation. La prise en charge ambulatoire du PSP de grande abondance peut également être envisagée ; elle doit répondre aux exigences citées précédemment (stabilité clinique et radiologique depuis 4 heures, organisation adaptée, consultation programmée à 24-72 heures). L’air peut être retiré par exsufflation ou drainage avec valve unidirectionnelle. En ambulatoire, l’exsufflation est généralement préférée au drainage. Le patient repart sans dispositif médical. Mais le drainage est également possible. On dispose aujourd’hui de matériels adaptés (Pleurocath, drain de Fuhrman, Rocket). Après la pose du dispositif le patient peut rentrer chez lui (sous certaines conditions) et il est revu à J2. Si l’aspiration ne donne rien, c’est que le poumon est recollé ; après confirmation à la radiographie, le cathéter peut être retiré. Si la résolution n’est pas complète, on revoit le patient à J4 selon la même procédure. Si le poumon est recollé, on enlève le drain. Dans le cas contraire, le patient est hospitalisé. En cas de non-résolution à J6, on envisage la chirurgie. Des données rétrospectives montrent que l’on peut retirer le cathéter à J2 dans plus de 40 % des cas et à J4 dans 40 % supplémentaires (80 % de succès ambulatoires). LES MESURES ASSOCIÉES Une oxygénothérapie systématique n’est pas recommandée (sans bénéfice clinique évident et avec une mise en route souvent hospitalière). De même, un repos strict au lit n’est pas utile ; il suffit de limiter les activités de sports intenses ou de contact jusqu’à résolution complète du pneumo-thorax. En revanche, un sevrage tabagique définitif est fortement recommandé afin de limiter les récidives. Une consultation en pneumologie est utile pour dépister une éventuelle maladie pulmonaire sous-jacente. Le patient doit être informé du risque de récidive, notamment au cours de la première année. La rareté des diagnostics secondaires et la mise en évidence potentielle de quelques lésions emphysémateuses ne justifient pas l’irradiation liée au scanner thoracique. En conséquence, celui-ci n’est pas indiqué après un premier épisode de PSP unilatéral, en dehors de signes évocateurs d’une cause secondaire. Il doit être pratiqué en cas de PSP bilatéral. Concernant les mesures à prendre à distance du PSP, il est conseillé d’attendre au moins deux semaines après la résolution d’un pneumothorax pour prendre l’avion. Pour les personnels navigants, une pleurodèse est conseillée dès le premier épisode. De même, le groupe propose la réalisation d’une symphyse chirurgicale après un premier PSP chez les adeptes de parachutisme sportif, ainsi que la réalisation d’un scanner et d’une EFR avant la reprise de la pratique. En raison du risque de barotraumatisme mortel, la plongée sous-marine en bouteille est définitivement contre-indiquée en cas d’antécédent de PSP, cela même après la réalisation d’une symphyse chirurgicale. Enfin, il n’y a pas lieu de limiter la reprise et/ou la pratique du sport après résolution du PSP ; il en va de même pour la pratique des instruments à vent. QUELQUES SITUATIONS PARTICULIERES Le groupe d’experts s’est penché sur la conduite à tenir face à quelques situations particulières telles qu’un PSP bilatéral, la présence d’une bride ou un hémopneumothorax spontané. Le pneumothorax bilatéral synchrone est généralement iatrogène ou traumatique ; c’est très rarement un PSP, mais celui-ci peut être grave. Le recours à un centre expert est recommandé. Si le PSP bilatéral synchrone est sévère et/ou abondant, il faut drainer en urgence et contacter au plus vite le centre expert pour discuter de la suite de la prise en charge thérapeutique et envisager le transfert du patient. En cas de PSP de faible abondance et sans signe de gravité, le drainage thoracique n’est pas obligatoire ; on peut contacter le centre expert pour avis et proposer une surveillance hospitalière. L’hémopneumothorax spontané est lié à la présence d’une bride qui saigne lorsqu’elle se rompt. Il est généralement secondaire à un traumatisme, mais il peut exister en cas de PSP. Comme pour le PSP bilatéral sévère, en cas d’hémopneumothorax, le groupe propose de procéder à un drainage thoracique en urgence et de contacter un centre expert multidisciplinaire pour avis et généralement pour transférer le patient. En cas de PSP de faible abondance avec bride confirmée, ou en cas d’hémopneumothorax de faible abondance, un centre expert doit être contacté au plus vite pour avis ; en attendant une surveillance hospitalière rapprochée est indispensable.

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