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Pneumologie

Publié le 10 déc 2021Lecture 9 min

Réduction de volume d’emphysème par valve bronchique Zephyr unidirectionnelle - Une alternative thérapeutique mini-invasive à la greffe pulmonaire chez des patients sélectionnés

Olivier BRUGIÈRE, service de pneumologie, hôpital Foch, Suresnes / o.brugiere@hopital-foch.com

La réduction de volume d’emphysème (RVE) par valve unidirectionnelle est une nouvelle option thérapeutique chez les patients emphysémateux porteurs d’une limitation respiratoire. Son indication est validée chez les patients ayant une hyperinflation sévère, avec un gain démontré sur la fonction respiratoire, la tolérance à l’effort, et la qualité de vie chez des patients sélectionnés. La RVE par valves peut représenter une alternative thérapeutique à la greffe pulmonaire chez les emphysémateux, en permettant de reculer de quelques années la date de greffe. Elle nécessite une prise en charge par une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la maladie BPCO, au sein d’une structure avec un service de réanimation et de chirurgie thoracique. Nous discutons ici des principes de la RVE par valve, de la sélection des candidats, des résultats fonctionnels et de l’aspect pratique du suivi per- et post-procédure.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire fréquente, associée à une morbi-mortalité élevée. Elle possède 2 principaux phénotypes, souvent intriqués : la bronchite chronique (associée à une inflammation bronchique), et l’emphysème (associé à une hyperinflation et une diminution de l'élasticité du tissu pulmonaire)(1). L'efficacité des traitements bronchodilatateurs du trouble ventilatoire obstructif des BPCO reste limitée. Parmi ceux porteurs d’un emphysème, un sous-groupe de patients est candidat à une réduction de volume (RVE) chirurgicale, mais cette chirurgie possède une morbi-mortalité élevée, et sa place reste actuellement limitée(2). Des alternatives à la RVE chirurgicale, avec des procédures mini-invasives de RVE endoscopique se sont développées au cours des 10 dernières années, avec des résultats prometteurs et proches de la chirurgie de réduction, mais avec une morbi-mortalité bien moindre. Plusieurs essais contrôlés randomisés avec des résultats significatifs positifs en font désormais un traitement validé dans de nombreuses recommandations publiées pour la BPCO (incluant GOLD COPD[3] et les recommandations de la Société de pneumologie de langue française [SPLF]). La RVE par valves améliore la fonction des patients emphysémateux porteurs d’une hyperinflation sévère via une diminution du volume résiduel (VR), permettant une amélioration de la fonction respiratoire (augmentation du volume maximum expiré en 1 seconde, VEMS), de la tolérance à l’effort, ainsi que de la qualité de vie(4-7). La pose de valves Zephyr a été approuvée par la HAS en 2019 en France, avec un encadrement dans des centres spécialisés labélisés (Code de santé publique, article L.1151). Elle bénéficie d’un remboursement et prise en charge dans de nombreux pays d’Europe (dont la France), et aux USA. Le principe consiste à placer des valves endobronchiques dans un lobe cible par voie endoscopique, empêchant le flux d’air de s’écouler en inspiration, mais lui permettant de franchir la valve en expiration (figures 1A et 1B). Ceci permet une réduction de volume du lobe cible, avec la survenue d’une atélectasie chez les patients ayant des scissures complètes entre le lobe cible et le/les lobes adjacents, et sans ventilation collatérale (VC). L’absence de VC est vérifiée pendant la procédure via le système Chartis (Pulmonx Corporation, CA) (figure 1C)(8). Figure 1. (A) Valve Zéphir ; (B) Vue endoscopique bronchique de valves Zephyr après pose ; (C) Système Chartis : Cathéter à ballonnet pour vérification per-procédure de l’absence de ventilation collatérale du lobe cible ; (D) Valves Zephyr lobe supérieur G.     L’indication retenue concerne les patients emphysémateux les plus sévères (BPCO de stades III et IV GOLD), et il existe actuellement une demande croissante pour évaluer ce traitement par valves Zephyr en France. Nous décrivons ici les principes de la procédure, à partir d’un cas clinique, avec la sélection des candidats éligibles, l’aspect pratique de la pose des valves, ainsi que les complications potentielles et le suivi des patients. CAS CLINIQUE Mme F.B. porteuse d’un emphysème post-tabagique sévère, est évaluée en juin 2020 pour la mise en place de valve Zephyr. Son tabagisme cumulé est à 35 paquets-années, sevré depuis 2018. Elle est essoufflée pour la réalisation de ses activités quotidiennes, avec une dyspnée stade 3 sur l’échelle MMRC (MMRC : Modified Medical Research Counsil). Elle a débuté une oxygénothérapie à l’effort en 2019. Elle a eu antérieurement un profil d’exacerbations fréquentes, mais ne présente aucune poussée de sa BPCO depuis la mise sous azithromycine faible dose au long cours poursuivie depuis 2018. Sa fonction respiratoire (figure 3A) montre un trouble ventilatoire obstructif (TVO) avec des critères de BPCO stade GOLD III (VEMS à 730 ml, 31 % théorique), et une hyperinflation marquée (volume résiduel [VR] à 230 % de la théorique). Sa limitation à l’effort est invalidante, et un test de marche en 6 minutes (TM6) est mesuré à 337 mètres, avec une désaturation à l’effort de 95 % à 89 %. Son hématose au repos en AA montre une PaO2 à 75 mmHg et une PaCO2 à 38 mmHg. L’imagerie thoracique montre sur la radiographie thorax standard (figure 2A) un aspect typique d’emphysème avec une distension, une oligémie, et un aplatissement des coupoles diaphragmatiques. La TDM thoracique haute résolution (TDM-HR) montre des lésions emphysémateuses prédominantes aux 2 lobes supérieurs (figure 2C). Une quantification des lésions d’emphysème par logiciel dédié (StratX, PulmonX, figure 3B) confirme une prédominance des lésions emphysémateuses aux 2 lobes supérieurs et lobe moyen (pourcentage de zones de faible atténuation à -950 unités Hounsfield > 50 % dans ces lobes, (figure 3B), et permet sa quantification lobe par lobe. Le logiciel StratX évalue également la probabilité du caractère complet des scissures, évalué à 87,2 % pour la grande scissure à droite et à 86,9 % pour la scissure gauche. Une tomoscintigraphie de perfusion pulmonaire montre une perfusion des lobes supérieurs droit et gauche respectivement de 3 % et 8 % (figure 2B). L’échographie cardiaque montre une fonction FEVG à 65 %, une PAP systolique estimée à 28 mmHg, et l’absence de dilatation des cavités droites. Une réunion multidisciplinaire valide après ce bilan une possibilité de réduction de volume endoscopique par valve Zephyr, et la mise en place des valves est effectuée avec pour lobes cibles retenus le lobe supérieur droit et le lobe moyen, sous anesthésie générale en ventilation au masque laryngé, via un endoscope souple. Une procédure par système Chartis (figure 1C) confirme l’absence de ventilation collatérale dans les lobes cibles, avec l’absence de flux d’air à l’expiration vérifié par l’utilisation d’un cathéter à ballonnet dédié. La mise en place des valves est effectuée en 2 temps séparés de 1 mois, dans l’hypothèse d’une réduction de la fréquence des pneumothorax post-valve, en plaçant 4 valves au 1er temps, et une dernière valve au 2e temps (figure 1D) . Le résultat à 2 mois montre une atélectasie complète des lobes cibles sur la TDM thorax (lobe supérieur droit et lobe moyen, figure 2D). Les paramètres fonctionnels montrent une amélioration du VEMS à 1 190 ml (50% th, +63 % de gain versus valeur pré-réduction). Figure 2. Mme B. (A) Radiographie thoracique, (B) Tomoscintigraphie pulmonaire et (C) TDM thorax avant pose de valves Zephyr. (D) TDM thorax après pose de valves Zephyr montrant l’atélectasie complète des lobes supérieur droit et moyen (flèche). SÉLECTION DES PATIENTS La sélection des patients emphysémateux éligibles à un traitement par valve repose sur un phénotypage précis de la BPCO, l’évaluation du bénéfice attendu via la réduction de l’hyperinflation, ainsi que le maintien suffisant des échanges gazeux. Un screening soigneux des patients est nécessaire pour déterminer les candidats éligibles. ÉVALUATION DU HANDICAP RESPIRATOIRE L’évaluation est effectuée après optimisation de la prise en charge de la BPCO, incluant : (i) l’arrêt du tabac, (ii) un traitement bronchodilatateur adapté, (iii) selon les critères admis, une oxygénothérapie et/ou une ventilation non invasive, (iv) la réalisation d’une réhabilitation respiratoire. L’appréciation du handicap et des attentes du patient, ainsi que son information sur la balance risque-bénéfice du traitement sont cruciales pour cette option thérapeutique fonctionnelle. Des critères d’éligibilité fonctionnelle ont été proposés (tableau 1), afin de sélectionner des patients porteurs d’un handicap lié à un emphysème avec une hyper-inflation.La présence de comorbidités avec un risque majoré de complications, ou de facteurs associés à un moins bon résultat fonctionnel doit être recherchée dans ce bilan de faisabilité (tableau 1). Parmi eux, l’hypercapnie sévère (PaCO2 > 60 mmHg) ou hypoxémie sévère (PaO2 < 45 mmHg) sont considérées comme associée à un risque trop important de la procédure. Une capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO) < 20 % est le plus souvent proposé comme critère d’exclusion, mais ce n’est pas néanmoins une contre-indication absolue. ÉVALUATION RADIOLOGIQUE PRÉTHÉRAPEUTIQUE Elle repose sur le couple TDM-HR thorax et scintigraphie pulmonaire. La TDM-HR thorax permet l’évaluation du/des lobes cibles potentiels, du caractère complet ou non des scissures, ainsi que l’identification d’autre(s) lésion(s) et/ou type d’emphysème qui sont une contre-indication à la technique (tableau 1), telle que fibro-emphysème, dilatation des bronches constituées, emphysème para-septal, emphysème destructif majeur, nodule parenchymateux suspect. Une quantification de l’emphysème (QCT) du TDM-HR est recommandée, avec une analyse lobe par lobe, et un score prédictif d’intégrité des scissures (figure 3B). Le lobe cible doit avoir un % de zones de faible atténuation > 50 % à un seuil de 910 unités Hounsfield. En dessous de ce seuil, il existe un risque d’exclure un tissu pulmonaire encore relativement fonctionnel, avec une inadéquation V/Q et un shunt sur les échanges gazeux. L’intégrité de la scissure du lobe cible est prédictive de l’absence de ventilation collatérale entre lobe cible et lobes adjacents, et un critère de succès de la procédure. Figure 3. A. Courbe débit/volume pléthysmographie ; B. Quantification TDM des lésions d’emphysème. La scintigraphie de perfusion pulmonaire, au mieux par tomoscintigraphie, permet une quantification de la perfusion lobe par lobe. Le couple TDM-HR/scintigraphie pulmonaire permet ainsi un choix optimal du lobe cible, crucial pour éviter une hypoxémie, et diminuer le risque de pneumothorax en post-procédure. Les meilleurs résultats fonctionnels sont généralement obtenus pour des emphysèmes hétérogènes, avec un gradient de destruction emphysémateuse entre le lobe cible et le lobe adjacent ≥ 15 %. Il existe également une indication d’une RVE par valves pour les emphysèmes homogènes, en favorisant alors les candidats avec une hyperinflation importante et des échanges gazeux assez bien préservés. TRAITEMENT DES PATIENTS La mesure par système Chartis et la pose des valves peuvent être réalisées dans le même temps. Le système Chartis comprend un cathéter à ballonnet et une console pour dépister une ventilation collatérale au lobe cible. Après gonflement du ballonnet dans la bronche du lobe cible, le flux d’air du lobe cible peut s’échapper via la lumière centrale du cathéter et être mesuré sur la console. En cas de scissure complète, ce flux d’air s’interrompt après environ 10 minutes, autorisant la pose des valves. En général, 3 à 6 valves sont placées selon l’anatomie. Le patient doit être surveillé de façon très attentive après la pose du fait du risque de pneumothorax, pendant au moins 3 à 5 jours, avec une préparation de mise en place de drain 24 h/24 et 7j/7, en lien avec l’équipe de réanimation de l’hôpital. SUIVI DES PATIENTS Un suivi spécifique des patients est nécessaire, avec en général à 4-6 semaines, une évaluation avec TDM thorax et EFR. En cas d’absence de bénéfice clinique et d’absence d’atélectasie complète sur la TDM-HR, une révision au bloc sous anesthésie est programmée afin de vérifier le bon positionnement des valves. Un suivi ultérieur est effectué à 6 mois et 12 mois post-valves, par imagerie et EFR. COMMENT GÉRER LES ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES ? La pose de valves entraîne une lobectomie par atélectasie, qui peut être associée à des complications, incluant pneumothorax (autour de 20 % de patients), hémoptysie, et infection. Le pneumothorax représente la principale complication, et survient le plus souvent dans les 72 heures. Son incidence serait possiblement diminuée par une procédure en 2 temps. Sa prise en charge peut se limiter à une simple surveillance en milieu hospitalier en cas de bonne tolérance, ou un drainage, qui est nécessaire dans une majorité des cas. En cas de bullage persistant après drainage, le retrait d’une valve doit être envisagé (parfois replacée après un délai d’environ 8 semaines). En cas d’échec, la suppression de toutes les valves est nécessaire.  

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