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Pneumologie

Publié le 13 oct 2021Lecture 8 min

Toux chronique : une maladie à part entière

Laurent GUILLEMINAULT, Pôle des voies respiratoires, service de pneumologie, hôpital Larrey, CHU de Toulouse ; Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity) INSERM UMR1291 - CNRS UMR5051 - université Toulouse III

La toux est un réflexe mis en jeu pour aider à l’extériorisation des sécrétions bronchiques ou pour éviter l’intrusion dans les voies aériennes de composés pouvant entraîner des lésions de l’appareil respiratoire. Ce réflexe a un rôle bénéfique en protégeant les voies aériennes. Chez certains patients, ce réflexe peut s’exacerber et devenir pathologique. La toux chronique est définie par une toux dont la durée est supérieure à 8 semaines, ce afin de la différencier de la toux aiguë post-virale qui s’améliore spontanément dans la majorité des cas. Bien qu’à l’origine d’un réel handicap, la toux chronique est souvent complexe à prendre en charge et parfois à l’origine d’un certain découragement chez des patients qui se retrouvent sans solution thérapeutique malgré des consultations itératives. La toux chronique, et notamment la toux chronique réfractaire, doivent être identifiées comme des pathologies à part entière qui nécessitent un traitement dédié.

Épidémiologie de la toux chronique La toux chronique est une pathologie très fréquente en population générale. Une métaanalyse récente, réalisée à partir de 90 études, retrouve une prévalence globale dans le monde de 9,6 %(1). Une étude internationale très récente basée sur des autoquestionnaires permet d’estimer en France la prévalence à 4,8 %. La toux chronique a un retentissement majeur sur la qualité de vie des patients. En dehors de l’incontinence urinaire qui peut toucher près de 2/3 des femmes, les complications physiques de la toux chronique (fracture de côte, céphalées, hernie inguinale…) sont bien connues, mais rarement au premier plan. Le handicap social est, par contre, très présent chez les patients tousseurs chroniques et la consultation est souvent motivée par la plainte de l’entourage. Les réveils nocturnes sont également difficiles à vivre pour les patients et le conjoint quand la toux est nocturne. Compte tenu de cette pathologie bruyante et potentiellement dérangeante dans des situations de vie (lieux de culte, bibliothèque, théâtre, repas de famille), les patients préfèrent éviter certaines activités ce qui a un retentissement majeur sur leur qualité de vie. Les complications psychologiques sont également très présentes et, selon les études, des critères de dépression sont observés chez 15,8 à 53 % des pat ients tousseurs chroniques(2,3). Il est donc primordial pour les professionnels de santé de bien identifier le handicap et de ne pas négliger la souffrance de ces patients atteints de toux chronique même si la pathologie n’a pas de répercussion sur le pronostic vital. Connaissances actuelles de la physiopathologie de la toux chronique Le réflexe de toux peut être provoqué par de nombreux stimuli inflammatoires ou mécaniques. Ainsi, l’inhalation d’irritants chimiques ou mécaniques dans les voies aér iennes supér ieures (larynx, pharynx) ou inférieures (trachée, carène) a la capacité de déclencher un réflexe de toux. Plusieurs canaux TrP (transient receptor potential) (TrPV-1, TrPA1) sont impliqués dans le réflexe de toux et sont retrouvés sur les fibres C (lentes) et A∆ (rapides) (figure 1). D’autres récepteurs tels que le P2X3 sont également impliqués dans le réflexe de toux. Les voies afférentes des récepteurs des voies aériennes convergent via le nerf vague jusqu’au noyau solitaire (nucleus tractus solitari) situé dans le tronc cérébral. une modulation corticale est alors exercée sur le noyau solitaire ce qui explique, d’une part, que la toux chronique est exacerbée par les si tuat ions émotionnelles et, d’autre part, que les interventions non pharmacologiques sont d’une grande aide dans cette pathologie. Le noyau solitaire est connecté aux neurones respiratoires situés dans les centres respiratoires qui coordonnent la réponse efférente de la toux. Cette réponse efférente est conduite via les motoneurones jusqu’aux muscles respiratoires, au larynx et aux bronches. Figure 1. Physiopathologie de la toux chronique. Étiologies de la toux chronique de l'adulte Comme indiqué en préambule, la toux chronique est une pathologie à part entière : cela signifie qu’il est nécessaire d’identifier les étiologies à l’origine de cette maladie. Il est habituel de diviser les étiologies de la toux chronique selon que les causes soient fréquentes ou peu fréquentes. Cela a en effet un impact sur la prise en charge en pratique. Selon les recommandations, les causes fréquentes sont à rechercher et à traiter en priorité avant d’étendre le bilan pour des causes plus rares. Les causes fréquentes sont l’asthme, la bronchite à éosinophile, le reflux gastro-œsophagien (RGO) et le syndrome de toux des voies aériennes supérieures (STOVAS). Il est crucial de bien identifier à ce stade que la toux chronique est une pathologie et non un symptôme. En effet, l’exemple le plus parlant concerne les patients asthmatiques. Le profil des patients et les mécanismes mis en jeu ne sont pas lesmêmes entre un patient qui présente un asthme « classique » et celui avec une toux équivalente d’asthme (toux isolée sans autres symptômes d’asthme). Les traitements inhalés sont moins efficaces dans le contexte de la toux équivalente d’asthme et nécessi tent une prise en charge dédiée. Il en va de même pour la toux chronique associée au RGO. Prise en charge et principe de traitement de la toux chronique de l'adulte Face à une toux chronique, il est impératif de suivre différentes étapes pour l’évaluation initiale : • Évaluer le diagnostic positif de toux chronique en déterminant la durée des symptômes. • Évaluer la sévérité de la toux par l’échelle visuelle analogique comme cela est fait dans la douleur. Le questionnaire de Leicester peut également être réalisé pour mesurer de manière reproductible le retentissement de la toux chronique sur la qualité de vie, mais ce questionnaire est long et difficile à utiliser en pratique. L’évaluation objective de la toux par des enregistreurs de la toux comme le VitaloJak™ n’est possible aujourd’hui que dans le contexte de la recherche clinique. • Rechercher des complications physiques (fractures de côte, douleur musculaire aiguë, révélat ion ou majorat ion de hernie ou de prolapsus, incontinence urinaire, céphalées, per te de connaissance [ictus laryngé]), sociales et psychologiques. • Rechercher des signes de gravité pouvant orienter vers une pathologie oncologique (amaigrissement, apparition ou modification d’une toux chez un fumeur, dysphagie, dysphonie), pulmonaire (modification de l’auscultation) ou cardiaque. un scanner thoracique est alors nécessaire. obtenir un sevrage tabagique et arrêter les médicaments tussigènes (IEC, gliptines) pendant 4 semaines. une radiographie de thorax simple est recommandée à ce stade en l’absence de signes de gravité. • Rechercher et traiter les causes fréquentes. rechercher à l’interrogatoire, l’examen clinique et à la spirométrie des arguments pour une étiologie fréquente : asthme, RGO, STOVAS. Mettre en route un traitement en cas de présence de signes en faveur d’une de ces pathologies. un traitement inhalé par corticothérapie inhalée éventuellement associé à un bronchodilatateur de longue durée d’action est d’indication assez large selon les recommandations européennes(4). Le traitement doit toujours être associé à une éducation thérapeutique. Le diagnostic de RGO se base sur une symptomatologie évocatrice. Un test thérapeutique aux IPP est proposé uniquement en cas de symptômes évocateurs et il doit être systématiquement associé à des mesures diététiques et des changements de mode de vie (surélévation de la tête de lit, sport, perte pondérale…). En l’absence d’orientation clinique, des examens tels que la tomodensitométrie thoracique, l’endoscopie bronchique, la pHmétrie des 24 h à la recherche notamment de reflux non acides doivent se discuter en fonction du contexte. une toux chronique inexpliquée ou réfractaire est alors le plus probable si la toux persiste malgré la prise en charge précédente. Toux chronique réfractaire ou inexpliquée (TOCRI) Selon les études, on estime que 7 à 40 % des patients présentant une toux chronique n’ont pasd’étiologie retrouvée ou la toux persiste malgré un traitement adapté de la cause. Le terme de TOCRI est alors utilisé pour définir cette pathologie qui correspond à une toux chronique, ayant fait l’objet d’un suivi bien conduit depuis au moins 6 mois et ayant l’un des critères suivants(5) : – pas de cause retrouvée malgré une exploration extensive qui comporte a minima une radiographie de thorax, une spirométrie et une consultation ORL ; – ou absence d’amélioration de la toux malgré la prise en charge de causes cliniquement évidentes de toux (exemples [liste non exhaustive] IPP pendant au moins 8 semaines en cas de RGO clinique, corticothérapie nasale en cas de rhinite chronique, corticothérapie inhalée bien conduite d’au moins 4 semaines en cas d’asthme…). Cette pathologie pose d’énormes problèmes en pratique clinique courante. Afin d’expliquer la persistance de la toux chronique, le syndrome de toux par excès de sensibilité a été introduit il y a plusieurs années pour expliquer l’origine de ces TOCRI. La physiopathologie de la toux chronique par excès de sensibilité est en grande partie théorique compte tenu de la difficulté à réaliser des tests sur les voies aériennes en pratique. Ce concept se base sur le fait que les voies de la toux ont une augmentation de sensibilité. C’est le cas notamment des récepteurs à la toux dont la sensibilité est augmentée et qui vont ainsi déclencher une toux pour des stimuli très faibles (chanter, parler, manger…). Le diagnostic de toux par excès de sensibilité est évoqué en pratique sur la présence d’une toux déclenchée par de nombreux stimuli non tussigènes (allotussie) ou peu tussigènes (hypertussie) (tableau 2). L’absence de stimuli nocturnes explique que les patients ne toussent pas la nuit. Prise en charge thérapeutique de la TOCRI Il est recommandé d’avoir recours à une prise en charge multimodale(6). L’utilisation de la gabapentine, de la prégabaline ou de la morphine à faible dose figure dans les recommandat ions européennes(4). Ces traitements n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication, mais offrent parfois une option thérapeutique chez des patients en impasse. La prise en charge orthophonique a démontré une efficacité seule ou en association aux traitements neuromodulateurs cités ci-dessus. D’autres traitements, comme les antagonistes de différents récepteurs à la toux, sont actuellement à l’étude. Une étude de phase III a été publiée très récemment concernant l’effet de l’antagoniste des récepteurs de P2X3 (géfapixant). Dans cette étude, la fréquence de la toux était réduite de 37 % comparativement au placebo avec la dose de 50 mg deux fois par jour. L’effet secondaire le plus fréquent était la dysgueusie et plus rarement l’agueusie. Ce traitement sera sans nul doute disponible dans l’arsenal thérapeutique du futur.

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