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ORL

Publié le 27 nov 2020Lecture 5 min

Épulis gingivale congénitale - À propos d’une observation

Smail KHAROUBI, Service ORL et chirurgie de la face et du cou, Hôpital Dr Dorban, Université Badji Mokhtar, Faculté de médecine, CHU d’Annaba, Algérie

L’épulis gingivale congénitale est une lésion rare chez le nouveau-né de sexe féminin. Le diagnostic peut être fait en prénatal par une imagerie fœtale. Bien qu’elle soit bénigne, l’épulis peut engendrer des troubles graves et nécessite une exérèse le plus tôt possible. Nous rapportons une observation chez un nouveau-né de sexe féminin isolé ayant nécessité une exérèse sous anesthésie locale. Le résultat thérapeutique est excellent après chirurgie avec une évolution favorable sans récidive ni transformation maligne.

Épulis est un mot dérivé du grec qui signifie « sur la gencive ». L’épulis congénitale est une tumeur bénigne du maxillaire du nouveau-né de sexe féminin. L’OMS recommande la dénomination d’épulis congénitale à cellule granulaire (congenital granular cell epulis)(1). Elle se forme à partir de la crête odontogène résiduelle et se caractérise sur le plan histopathologique par une lésion granulaire. Le diagnostic peut se faire en période prénatale (imagerie). L’épulis peut engendrer des troubles respiratoires (volume important) ou alimentaires (perturbation des tétées). L’exérèse est simple et radicale. Observation clinique Nouveau-né de sexe féminin âgé de 24 heures est adressé en ORL pour une néoformation de la cavité buccale. L’anamnèse avait noté que la maman était sous traitement substitutif hormonal (Levothyrox®) pour hypothyroïdie. Il n’y avait eu aucun problème particulier durant la grossesse. Accouchement par voie naturelle avec un Apgar de naissance à 9/10 et un poids de naissance de 3,4 kg. L’examen montre une néoformation de 20 mm de grand axe latéralisée (gauche) au niveau de la gencive supérieure. Elle est sessile (base d’insertion de 8 mm) et isolée (figure 1). Le reste de l’examen était sans particularités. L’examen tomodensitométrique réalisé en maternité avait montré une lésion arrondie, bien limitée homogène de densité tissulaire à insertion gingivale supérieure sans anomalie du massif facial associée (figure 2). Le diagnostic d’épulis congénitale était posé. On avait procédé à l’exérèse de la lésion sous anesthésie locale (figures 3 et 4). Les suites opératoires étaient simples avec reprise des tétées. Le contrôle à un mois est satisfaisant. Figure 1. Épulis gingivale supérieure : présentation clinique. Figure 2. Examen tomodensitométrique. A. Coupe coronale : formation arrondie de densité tissulaire gingivale supérieure. B. Coupe sagittale : tumeur arrondie surélevant la lèvre supérieure. Figure 3. Aspect après exérèse de l’épulis. Figure 4. Aspect de l’épulis après exérèse.​​​​​​​ Discussion L’épulis congénitale ou tumeur gingivale à cellules granuleuses du nouveau-né est une tumeur rare et bénigne de la cavité buccale décrite pour la première fois par Neumann en 1871. C’est une pathologie rare avec une incidence de 0,0006 %(2,3). Yuwanati M., en 2017 avait colligé 250 observations d’épulis congénitales(4). Notre revue de la littérature a permis de porter ce chiffre à 267. La pathogénie de l’épulis congénitale est méconnue bien que plusieurs hypothèses aient été avancées : myoblastique, odontogénique, fibroblastique, histiocytaire, cellules mésenchymateuses et endocriniennes (hormonale d’où la prédominance féminine). Notre observation avait constaté une hypothyroïdie (substituée) chez la maman. La répartition selon le sexe montre une atteinte presque exclusivement chez le nouveau-né de sexe féminin avec un sex-ratio de 10/1(2,5). La localisation habituelle est le plus souvent la crête alvéolaire au niveau de la canine du maxillaire ou de l’incisive latérale. L’atteinte mandibulaire se voit dans 5 à 16 % des cas. Une localisation multiple est possible dans 10 % des cas. Les dimensions de cette lésion varient de quelques millimètres à 10 centimètres. Un diagnostic anténatal est possible au cours de la grossesse par une échographie 3D ou une IRM fœtale (fin deuxième ou troisième trimestre). Elle objective de façon nette une néoformation (image d’addition) au niveau de la région buccale(6). Un hydramnios aigu est possible en cas d’obstruction partielle de la bouche entravant la déglutition du foetus. Sur le plan clinique, elle se présente sous la forme d’un « nodule » unique, indolore, sessile ou pédiculé ferme de taille variable de quelques millimètres à quelques centimètres de même couleur que la muqueuse voisine de surface lisse. Certaines formes volumineuses ou multiples peuvent engendrer une gêne respiratoire ou un obstacle à l’alimentation en période postnatale. Une hémorragie tumorale demeure possible(7). L’épulis congénitale est généralement isolée. Une association à un goitre ou une hypoplasie médio-faciale a été rapportée(8). Sur le plan histologique, on note la présence de cellules polygonales ou al longées à cytoplasme acidophile et granulai re présentant le même aspect que les cellules de la tumeur d’Abrikossoff. Sur le plan immunohistochimique, la vimentine (marqueur des filaments intermédiaires de cellules d’origine mésenchymateuses) et le CD68 (KP-1) sont positifs. Par contre les cellules granuleuses sont PS100 négatives (marqueur cellules origine neuronale, positive dans la tumeur d’Abrikossoff)(9). Le diagnostic différentiel se fait essentiellement avec une tumeur neuro-ectodermique habituellement plus profonde et le rhabdomyosarcome qui a une évolution plus rapide. On citera également le tératome oropharyngien, la myofibromatose infantile et le xanthogranulome juvénile(4,5,8,9). Le pronostic de cette lésion est favorable après exérèse. les récidives sont rares et la dégénérescence maligne non rapportée. Une anomalie de l’éruption dentaire est possible. Une régression spontanée a été décrite (épulis congénitale inférieure à 2 cm)(10). Le traitement de l’épulis congénitale est chirurgical. Une excision est réalisée sous anesthésie locale ou générale notamment les formes engendrant des troubles des fonctions respiratoires ou alimentaires. Certaines publications font état d’une exérèse par électrocoagulation ou par Laser dioxyde ou CO2(11). Une gingivopériostoplastie a été préconisée, car elle permet d’obtenir une continuité régulière de la gencive et favorise une bonne éruption dentaire. Il est recommandé d’en faire l’exérèse le plus précocement possible si l’épulis est symptomatique (difficultés alimentaires ou respiratoires) et afin d’éviter l’angoisse et « le malaise » des parents et de la famille face à cette néoformation qui dénature l’aspect du nouveau-né. Conclusion • L’épulis congénitale est une tumeur néonatale rare pouvant être diagnostiquée en période intra-utérine (IRM fœtale). • Elle peut engendrer une symptomatologie respiratoire ou un obstacle à l’alimentation. • Elle nécessite une exérèse précoce et une étude anatomopathologique (immunohistochimie). Le pronostic est favorable, les récidives n’ont pas été rapportées.

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