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Cancérologie

Publié le 27 juin 2019Lecture 7 min

L’irathérapie dans le cancer thyroïdien différencié

Mohammad ZALZALI, Unité thyroïde, Institut Jean Godinot, Reims

La prise en charge des cancers thyroïdiens se base sur la chirurgie, l’administration postopératoire d’un traitement par iode 131 appelée irathérapie et la freination hormonale. Les indications, l’activité à administrer et l’intérêt de cette irathérapie restent des sujets controversés et débattus. Le cancer de la thyroïde est un cancer rare, son pronostic est excellent avec 90 % de guérison. Cependant, il s’agit du cancer dont l’incidence augmente le plus rapidement.

Le cancer de la thyroïde est un cancer rare, son pronostic est excellent avec 90 % de guérison. Cependant, il s’agit du cancer dont l’incidence augmente le plus rapidement. Cette augmentation est essentiellement liée à la découverte de cancers papillaires de moins de 20 mm. Elle s’explique par les progrès de l’échographie, de la cytologie et par la découverte histologique fortuite de cancers de quelques millimètres. Cette constatation impose une adaptation de nos pratiques et une meilleure sélection des patients justifiant d’un traitement par iode 131 après une thyroïdectomie totale. Les indications postopératoires de l’irathérapie dépendent des risques de maladie persistante et de récidive. Ces indications et les modalités d’administration des traitements par iode 131, décidées en réunion de concertation pluridisciplinaire, prennent en compte les modalités du geste chirurgical initial et l’impact démontré ou non de l’administration postopératoire de l’iode 131 sur la survie sans récidive et sur la survie globale. Au-delà de ces critères, l’accès à une scintigraphie à l’iode 131 post-thérapeutique permet une reclassification pronostique dynamique des patients et une meilleure personnalisation de la prise en charge ultérieure. Ainsi, l’analyse histologique fine basée sur les dernières recommandations américaines (ATA 2015) et françaises en 2017 permettent de stratifier le niveau de risque du cancer thyroïdien et de proposer un parcours de soins évitant les surtraitements(1,2). Objectifs de l'irathérapie dans le cancer thyroïdien différencié Les objectifs du traitement par iode 131 sont multiples : • ablatif : en détruisant les reliquats thyroïdiens physiologiques après la chirurgie, il permet de faciliter la surveillance et la détection des rechutes en négativant le taux de la thyroglobuline, marqueur utilisé dans la surveillance après chirurgie du cancer thyroïdien (figure 1) ; Figure 1. Action de l’iode 131 dans le cancer thyroïdien différencié(3). • diagnostique : il permet l’obtention d’une imagerie du corps entier de haute sensibilité, permettant de diagnostiquer et de localiser une éventuelle maladie résiduelle, il s’agit du bilan d’extension (figure 2). Cette scintigraphie post ablation aide à la reclassification dynamique dont l’intérêt pronostique permet une personnalisation du suivi ; Figure 2. Scintigraphie corps entier à l’iode 131 montrant une fixation cervicale correspondant au reliquat thyroïdien, fixation physiologique de la vessie, tube digestif et sphère ORL. • thérapeutique : en diminuant le risque de récidive et/ou en traitant les éventuelles métastases à distance captant l’iode 131 (figure 3). Figure 3. Scintigraphie corps entier à l’iode 131 montrant des fixations osseuses du rachis cervical, thoracique et du bassin correspondant à des métastases osseuses iodofixantes. Soixante-dix ans après sa première utilisation, l’iode 131 reste le principal traitement des métastases à distance du cancer de la thyroïde. Leur fréquence est de 5 à 10 %. Elles peuvent être présentes d’emblée dans 50 % des cas ou survenir dans le suivi. Les localisations les plus fréquentes sont le poumon et l’os. Le traitement pourra faire intervenir en plus de l’iode 131, l’exérèse chirurgicale des lésions, la thermoablation ou la radiothérapie. L’évolution vers une maladie réfractaire sous-entend une inefficacité ou une perte d’efficacité de l’iode 131, qui ne doit plus alors être proposé au patient. Actions et effets de l'iode 131 On utilise l’isotope 131 de l’iode, qui se désintègre de façon prédominante par radioactivitéβ, avec une période relativement courte de 8,02 jours, et qui n’est fixé dans le corps humain essentiellement par les cellules thyroïdiennes. Au cours de sa désintégration, il libère une particuleβ- ayant un parcours moyen dans le tissu de 0,5  mm et avec une énergie moyenne de 192 keV qui est responsable de l’action thérapeutique. Les cellules voisines, qui ne fixent pas l’iode, ne sont ainsi pas affectées (figure 1). Les effets secondaires du traitement sont très limités, on peut citer la sialadénite chronique ou les troubles du goût, la xérophtalmie et les exceptionnelles toxicités hématologiques. En cas d’administrations répétées d’iode 131 et pour des doses cumulatives élevées (> 600 mCi), des infertilités définitives ont été rapportées ainsi qu’un risque de deuxième cancer (côlon, vessie et hémopathie, notamment). Un rayonnement gamma de 364 keV est aussi émis (figures 2 et 3). Il est utile pour l’examen d’imagerie scintigraphique qui suit systématiquement le traitement. L’émission de ce rayonnement, à l’extérieur du corps, impose des mesures de radioprotection simples de l’entourage, en particulier des enfants et des femmes enceintes. Ces mesures reposent sur 2 principes : la durée et la distance. Modalité du traitement et radioprotection Aux doses utilisées pour le traitement du cancer de la thyroïde, 1  100 (30 mCi) ou 3 700 MBq (100 mCi), une hospitalisation est obligatoire en secteur protégé. L’administration se fait après stimulation de la TSH (par sevrage en hormones thyroïdiennes ou par TSH recombinante). La chambre est reliée à des cuves de décroissance pour le recueil des urines et présente un système de ventilation autonome. Le traitement se fait par voie orale (gélule le plus souvent, ou liquide), en une seule fois, le premier jour de l’hospitalisation ; la durée moyenne de l’hospitalisation est de 48 à 72 heures pendant lesquelles plus de 90 % de la dose thérapeutique administrée est éliminée, par voie urinaire principalement (on demandera au patient de boire beaucoup), mais aussi par la sueur, par les selles et par les sécrétions salivaires et nasales. Les visites sont interdites pendant l’hospitalisation. À la sortie de l’hospitalisation, le débit de dose du patient est mesuré permettant de calculer le nombre de jours durant lesquelles les mesures de radioprotection doivent être suivies. Le traitement à l’iode est contre-indiqué en cas d’allaitement, de grossesse, d’incontinence urinaire, de phobie de l’iode radioactif, de non-compréhension des mesures de radioprotection. Une contraception chez la femme est par ailleurs nécessaire ; elle doit débuter avant le traitement et être prolongée durant 6 mois après l’irathérapie. Les indications et non-indications de l'irathérapie Elles ont été réévaluées dernièrement après la publication des consensus européen et américain, ne mettant pas en évidence de bénéfice de l’irathérapie sur la mortalité dans les formes à très faible, voire faible risque, mais confirmant son efficacité sur le risque de récidive et sur la mortalité dans les formes à risque intermédiaire ou élevé(4,5). Les facteurs de risque principaux sont l’âge et le stade histologique(1,2). L’administration d’iode radioactif n’est pas recommandée dans les cancers considérés de très faible risque (pT1a, N0/NX, sans extension extrathyroïdienne, EET). Pour les cancers considérés à faible risque le traitement par 30 mCi est optionnel (pT1a N0/Nx multifocal (somme des lésions > 1  cm) ou pT1b N0/Nx unifocal, sans EET ou les pT1a N0/Nx avec EET et les carcinomes vésiculaires sans invasion vasculaire). L’administration d’iode radioactif est recommandée pour les patients à risque intermédiaire de rechute. L’activité administrée d’iode 131 (30 ou 100 mCi) dépend du type tumoral, du stade, de la présence d’un ou plusieurs facteurs extraganglionnaires (âge > 55 ans, histologie défavorable, présence d’une invasion vasculaire) et du degré d’atteinte métastatique ganglionnaire. Une forte activité d’iode 131 (100 mCi), et après sevrage, en hormones thyroïdiennes, est indiquée pour les cancers considérés à haut risque de récidive (pT3b, pT4, atteinte ganglionnaire sévère et M1). Les autres indications de l'irathérapie Introduit dès 1941 dans le traitement de l’hyperthyroïdie, l’iode 131 est un traitement efficace, simple d’emploi, peu onéreux et ambulatoire. Un prérequis indispensable pour envisager un traitement par l’iode 131 est l’identification précise du type d’hyperthyroïdie alors que le diagnostic positif d’hyperthyroïdie est porté sur la clinique et la biologie. Le goitre multinodulaire toxique est l’étiologie la plus fréquente d’hyperthyroïdie du sujet âgé et la maladie de Basedow chez le sujet plus jeune. Le traitement par l’iode 131 s’impose de plus en plus comme le traitement de choix. Son efficacité thérapeutique est démontrée dans l’hyperthyroïdie. En Europe, il est proposé en deuxième intention après échec des antithyroïdiens de synthèse dans les hyperthyroïdies autoimmunes et en première intention pour le goitre toxique du sujet âgé. Enfin l’utilisation de la MIBG thérapeutique, ayant comme objectif de réaliser une irradiation métabolique des cellules neuroblastiques par l’iode radioactif 131 couplé aux molécules de MIBG est réservée aux formes réfractaires de neuroblastome. Il s’agit d’une tumeur maligne du tissu sympathique spécifique à l’enfant. Bien que représentant la plus fréquente des tumeurs solides extracrâniennes en pédiatrie, le neuroblastome reste une maladie rare (environ 1 cas par an pour 100 000 enfants), qui s’observe avec la même fréquence dans les deux sexes. Conclusion • L’irathérapie reste un pilier du traitement postopératoire des cancers thyroïdiens différenciés. • La tendance globale des dernières recommandations internationales évolue vers une désescalade thérapeutique, le but étant d’éviter les surtraitements. • L’impact sur le risque de récidive et la survie est démontré pour les cancers à haut risque. • Si tout le monde s’accorde à l’absence d’indication du traitement par iode 131 dans les cancers à très faible risque, des débats persistent pour les cancers de risque faible à intermédiaire.

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