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Dermato - Allergo

Publié le 14 mar 2018Lecture 6 min

Les eczémas de contact chez l’enfant

Nadia RAISON-PEYRON, UF Allergologie, hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier

L’eczéma de contact chez l’enfant n’est pas rare(1). Sa fréquence serait même en augmentation ces dernières années(2). Comme chez l’adulte, il faut savoir l’évoquer dans plusieurs situations.

L’interrogatoire est très important : la topographie initiale de l’eczéma peut nous orienter vers une étiologie : apparition d’un eczéma des pieds après port d’une nouvelle paire de chaussures (figure 1), chéilite après application d’un stick labial, eczéma du siège après application de lingettes nettoyantes, eczéma au contact d’un bouton de jean, etc. (encadré)(3). Figure 1. Eczéma du dos des pieds en lien avec une allergie de contact à des chaussures. Quels sont les allergènes en cause ? • Un point particulier concerne la méthylisothiazolinone (MI), allergène phare de ces dernières années. Des cas d’eczéma de contact ont été rapportés à la méthylisothiazolinone présente dans des lingettes nettoyantes pour bébé mais aussi dans des crèmes hydratantes, des crèmes solaires(4,5). Présente dans des peintures aqueuses, elle peut être également à l’origine d’eczémas aéroportés chez des enfants préalablement sensibilisés à la MI par voie cutanée(6). • La chlorhexidine est un allergène auquel il faut penser chez l’enfant(7). Celle-ci est couramment utilisée pour les soins du cordon ombilical après l’accouchement, ce qui peut expliquer une augmentation de sensibilisation. Elle est l’antiseptique de référence chez l’enfant. Des réactions anaphylactiques ont aussi été rapportées(8). • La paraphénylène diamine (PPD) est responsable de l’immense majorité des cas d’eczéma de contact aux tatouages noi rs éphémères. Ils sont de moins en moins pratiqués en France où de grosses campagnes d’informations ont été menées par les autorités de santé il y a quelques années, mais certains enfants se font toujours tatouer lors de vacances à l’étranger. La confirmation par des tests épicutanés à la PPD n’est pas nécessaire lorsque le diagnostic est certain. En raison de réactions souvent explosives, bulleuses, il est recommandé de tester la PPD plus diluée ou bien de diminuer le temps de pose (par exemple 6 h), ce qui est plus facile à réaliser en cabinet de ville. • Les huiles essentielles sont à la mode et utilisées pour traiter de multiples pathologies. Nous avons observé le cas d’une petite fille allergique à de multiples huiles essentielles (huile d’arbre à thé, huile d’hélichryse) appliquées pour soigner une dyshidrose palmoplantaire. • Chez l’enfant plus grand, il faut penser aux allergènes des loisirs sportifs. Des eczémas de contact aux équipements sportifs ont été décrits : palmes, poignées de vélo… et surtout protège-tibias. Les allergènes les plus souvent en cause sont les agents de vulcanisation des caoutchoucs, en particulier les thiourées, les dérivés mercapto et les thiurams. La résine paratertiaire butylphénolformaldéhyde et les colorants sont plus rarement en cause(9). Récemment, un allergène présent dans les mousses de copolymères d’éthylène vinyle acétate de nombreux équipements sportifs a été découvert. Il s’agit de l’acétophénone azine. Celle-ci est responsable d’eczéma de contact sévère : il s’agissait d’un jeune footballeur qui a développé un eczéma de contact sur les jambes au contact de protège-tibias avec une diffusion secondaire généralisée des lésions(10). • Il faut aussi penser aux allergènes des jouets (maquillage pour enfants, consoles de jeux, etc.) et à ceux transmis par procuration (par exemple, parfum des parents, PPD de la coloration capillaire de la mère). L’enfant atteint de dermatite atopique (DA) est autant à risque de développer un eczéma de contact allergique qu’un enfant qui n’a pas de DA(1). Il faut penser à une allergie aux topiques appliqués sur la peau devant une dermatite atopique qui ne s’améliore pas ou s’aggrave malgré un traitement bien conduit. Les émollients peuvent être en cause, le plus souvent l’eczéma est dû à un excipient : lanoline, parfum, conservateurs, antioxydants… L’allergie aux dermocorticoïdes est possible bien qu’elle soit rare. Devant une atteinte des mains et/ou des pieds, certains auteurs recommandent de faire systématiquement des tests épicutanés(11). Quand faire une batterie standard chez l’enfant ?   Comme chez l’adulte, la batterie standard européenne doit être effectuée quand il existe une suspicion clinique d’eczéma de contact. Chez l’enfant avec une dermatite atopique, celle-ci doit être réalisée si la DA ne s’améliore pas, voire s’aggrave malgré un traitement bien conduit ou si de nouvelles topographies d’eczéma apparaissent. Quelle batterie standard effectuer ? S’il est clair qu’à partir de 10 ans, la batterie standard européenne peut être faite chez l’enfant, il n’y a pas de recommandations explicites pour l’enfant plus jeune. Les concentrations d’allergènes doivent être les mêmes que chez l’adulte et les temps de lecture identiques (48 h et 72 ou 96 h). Il faut se méfier des tests irritatifs, notamment chez les atopiques (lanoline, métaux en particulier). Dans la littérature récente, les tests les plus fréquemment positifs sont les métaux, les parfums, le baume du Pérou, la colophane et les isothiazolinones(1). Des recommandations européennes viennent d’être récemment publiées mais celles-ci ne sont pas très satisfaisantes(3). En effet, seuls 9 allergènes sont proposés en batterie systématique et d’autres en fonction de l’histoire clinique. Dans ce 2e groupe, il est mentionné le bufexamac (retiré du marché en France) et la néomycine, antibiotique qui n’est plus très utilisé de nos jours. Avant 10 ans, une batterie « allégée » pourrait être proposée : nickel, chrome, cobalt, fragrance mix 1 et 2, baume du Pérou, lanoline, colophane, MI, MCI/MI, mercaptobenzothiazole et thiuram mix. En règle générale, la batterie standard européenne est insuffisante. Selon les études, seule elle ne détecte que 27 à 59 % des eczémas de contact. Quel que soit l’âge, il faut la compléter en testant tous les produits du patient suspectés par l’examen clinique et par l’interrogatoire : produits d’hygiène et cosmétiques, topiques médicamenteux, raclures de tissus ou de chaussures… Les topiques médicamenteux et cosmétiques doivent être testés tels quels (purs) ou s’ils doivent être rincés (shampoings, gels douche, etc.), il faut les diluer entre 2 et 5 % dans l’eau. Les raclures de tissus, chaussures, équipements sportifs (mousse de protège-tibias, chaussons de planche à voile, palmes, lunettes de piscine…) doivent être de taille suffisamment grande et humectées avec un peu d’eau (figure 2). Les huiles essentielles doivent être diluées à 2 % dans la vaseline car sinon elles sont très irritantes. Des tests semi-ouverts peuvent être réalisés avec des produits potentiellement irritatifs (antiseptiques, shampoings, peintures par exemple). Ils doivent être déposés avec un coton-tige dans le dos ou sur le bras (sur 1 cm2), laissés séchés avant d’être recouverts par un pansement type micropore ; le pH doit être compris entre 3 et 11. En fait, il arrive souvent que des patch tests réalisés, par exemple, avec des crèmes pour le visage provoquent des résultats faussement négatifs. Comme chez l’adulte, il est alors intéressant de faire des tests d’applications répétées (Repeated Open Application Tests ou ROAT) au pli du coude ou sur l’avant-bras matin et soir sur une période maximale de 15 jours (à arrêter avant si une réaction allergique est observée). Figure 2. Patch-tests positifs au bichromate de potassium et à des raclures de chaussures en cuir. En conclusion L’allergie de contact chez l’enfant n’est pas rare et est aussi fréquente chez l’enfant ayant une DA que chez l’enfant qui en est indemne. Après 10 ans, la batterie standard européenne peut être proposée. Avant cet âge, une batterie « allégée » de l’enfant avec les allergènes les plus fréquemment retrouvés dans la littérature peut être proposée. Comme chez l’adulte, il est indispensable de faire des tests avec les produits suspects si l’on veut « rentabiliser » l’exploration allergologique.

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