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Asthme

Publié le 13 déc 2015Lecture 10 min

Présent et avenir des thérapeutiques ciblées dans l’asthme

A. DIDIER, Pôle des voies respiratoires, hôpital Larrey, CHU de Toulouse

Par thérapeutiques ciblées, on entend les molécules dirigées soit vers un récepteur, soit vers un médiateur (cytokine, interleukine, chimiokine…) d’une voie physiopathologique et ayant donc un mode d’action très différent des médicaments habituellement utilisés dans le traitement de fond de l’asthme comme les corticoïdes, par exemple, qui agissent potentiellement à plusieurs niveaux de la cascade de l’inflammation.

Pour qu’une thérapie ciblée soit efficace, plusieurs conditions doivent être remplies. • La cible, récepteur ou médiateur, doit se situer assez « haut », en amont dans la voie physiopathologique concernée pour que son blocage produise un effet important. À titre d’illustration, les antihistaminiques peuvent être considérés comme des traitements ciblés. Pourtant, leur effet sur les manifestations allergiques d’hypersensibilité immédiate est modeste car l’histamine ne représente qu’un des nombreux médiateurs libérés au cours de la réaction immédiate. Le même raisonnement peut probablement être fait avec les antileucotriènes, dont on connaît les effets indiscutables mais modestes dans l’asthme et la rhinite. • La voie physiopathologique concernée doit avoir un rôle démontré et important dans la physiopathologie de la maladie. Par exemple, dans l’asthme, l’IL4 et l’IL5 sont impliquées dans le recrutement des éosinophiles. Or, à ce jour, les traitements ciblant l’IL4 n’ont pas démontré d’effets cliniques satisfaisants, alors que les essais utilisant les anti-IL5 sont beaucoup plus concluants mais dans des sous-groupes de patients soigneusement sélectionnés. Une explication partielle de cette observation pourrait tenir au fait que l’IL4 partage une sous-unité du mê me récepteur que l’IL13, une autre cytokine impliquée dans le recrutement des éosinophiles. Le blocage isolé de l’IL4 peut donc être insuffisant pour produire des effets cliniques significatifs. Le traitement doit être administré aux patients chez lesquels la voie physiopathologique ciblée joue un rôle pré pondérant. Ceci est particulièrement important dans l’asthme, maladie dont le caractère hétérogène aussi bien au niveau clinique que physiopathologique est actuellement admis(1). En conséquence, l’identification des patients concernés est donc une étape clé de la prise en charge. On comprendra mieux la mode actuelle du phénotypage ou de la « clusterisation » des patients asthmatiques visant à regrouper des malades présentant des caractéristiques communes sur différents types de critères, cliniques, fonctionnels, biologiques(2). Néanmoins avec les moyens dont nous disposons à ce jour, le phénotypage est souvent pertinent en termes de présentation clinique, mais n’est pas forcément relié à un mécanisme physiopathologique unique. On peut ainsi concevoir qu’un asthme à expression biologique éosinophilique puisse résulter de plusieurs mécanismes moléculaires, encore appelés endotypes(3). Leur identification et, si possible, la mise en évidence de marqueurs spécifiques qui peuvent être utilisés dans un « test compagnon » de la prescription sont indispensables si l’on veut obtenir un effet thérapeutique notable du traitement ciblé considéré. Dans ce domaine, un exemple récent est celui du lebrikizumab, un anticorps monoclonal anti-IL13, dont l’effet dans l’asthme éosinophilique est surtout marqué chez les patients ayant un taux sérique élevé de périostine, une molécule impliquée dans la maturation des éosinophiles(4).   Justification de la recherche de nouveaux traitements dans l'asthme • Dans l’asthme léger à modéré, la corticothérapie inhalée a fait la preuve de son efficacité sur la réduction des symptômes et des exacerbations, ainsi que sur le maintien d’une fonction ventilatoire normale ou subnormale. Elle reste le traitement de fond de première intention(1). Néanmoins, elle n’a aucune prétention curative, les symptômes rechutant plus ou moins rapidement à l’arrêt du traitement. Par ailleurs, des interrogations existent sur les effets secondaires potentiels à long terme chez des patients parfois traités dès la petite enfance et donc pendant plusieurs décennies avec ces molécules. Enfin, il faut reconnaître qu’en dépit de leur efficacité, ces traitements font généralement l’objet d’une forte inobservance de la part des patients. Tout ceci justifie donc la re cherche de molécules susceptibles de modifier l’histoire naturelle de l’asthme, et/ou ayant une moindre toxicité au long cours, et/ou associées à un meilleur profil d’observance. Dans ce dernier domaine, la voie et le rythme des administrations du traitement apparaissent avoir un rôle essentiel. • Dans l’asthme sévère, par définition la corticothérapie inhalée et/ou systémique est insuffisante pour obtenir le contrôle de la maladie ou nécessite l’utilisation de fortes doses, donc assorties d’effets secondaires potentiellement sévères(5). La recherche d’alternatives thérapeutiques ou de traitements complémentaires est donc pleinement justifiée pour contrôler la maladie mais aussi diminuer la corticothérapie par voie générale.   Les traitements ciblés actuels et à venir dans l'asthme De nombreuses cibles potentielles ont été identifiées. Dans l’ensemble, elles concernent beaucoup plus l’asthme à composante inflammatoire TH2 (le plus souvent éosinophilique) que les asthmes non TH2 (caractérisés par l’absence d’éosinophilie des voies aériennes et/ou la présence de polynucléaires neutrophiles).   L’anticorps monoclonal anti-IgE (omalizumab) Il a été le premier à être commercialisé il y a une dizaine d’années avec comme indication et AMM l’asthme sévère allergique. L’historique du développement de ce traitement est intéressant car il illustre comment d’un concept théorique initial reposant sur le blocage de la fixation des IgE circulantes et donc secondairement de l’activation mastocytaire, on a pu mettre en évidence un effet beaucoup plus large sur l’inflammation allergique(6). Celui-ci passe notamment par une réduction durable de la quantité de récepteurs de haute et basse affinité pour les IgE sur différentes cellules, en particulier sur les cellules présentatrices d’antigène qui pourrait expliquer l’effet clinique persistant à l’arrêt du médicament après plusieurs années de traitement(7).   Cibler les interleukines impliquées dans le recrutement et la maturation des éosinophiles Les essais effectués avec les anti-IL4 ou anti-IL4R (récepteur) sont dans l’ensemble restés décevants en clinique, même si un effet a parfois pu être observé sur l’éosinophilie sanguine ou bronchique(8). Cependant, récemment un essai utilisant le dupilumab, un anticorps monoclonal spécifique de la sous-unité du récepteur cellulaire (commun IL4/IL13), activée par l’IL4, a démontré une efficacité chez des asthmatiques modérés à sévères présentant une éosinophilie persistante malgré un traitement cor ticoïde inhalé à dose moyenne ou forte(8). Des résultats intéressants ont également été obtenus avec l’anti-IL13, en particulier chez les patients ayant un niveau élevé de périostine, un marqueur biologique cohérent puisqu’induit par l’IL13(4). Dans le domaine des anti-IL5, la guerre des mAbs fait rage. La molécule la plus proche de la commercialisation paraît être le mepolizumab qui, après des échecs dans le traitement de l’asthme léger à modéré, s’est recentré sur les asthmes sévères à éosinophilie persistante malgré une corticothérapie inhalée à forte dose et/ou une corticothérapie systémique. Dans ce sous-groupe, plusieurs publications sur des essais portant sur un grand nombre de malades ont démontré une efficacité par voie souscutanée sur la réduction des exacerbations, mais aussi sur le contrôle de l’asthme et la possibilité de réduire la corticothérapie générale(9,10). Le benralizumab est un anticorps monoclonal dirigé non pas contre l’IL5 mais contre son récepteur. Dans l’asthme, il a démontré son efficacité par voie sous-cutanée sur la réduction des exacerbations chez des patients recevant une corticothérapie inhalée à dose moyenne ou forte(11). Dans un essai à la conception très originale, le benralizumab a été administré à des patients venant de faire une exacerbation ayant nécessité une admission aux urgences(12). Comparativement au placebo, une injection unique du produit a permis de retarder la fréquence et la sévérité des exacerbations sur une période de 12 mois. On voit là émerger l’idée d’un traitement séquentiel 1 à 2 fois/an qui pourrait être proposé à des sujets ayant des exacerbations sévères, dont on sait qu’elles restent mal prévenues par les corticoïdes inhalés. Enfin, le reslizumab, un autre anticorps monoclonal anti-IL5, explore la piste du traitement de l’asthme associé à la polypose nasale, ce qui pourrait à la fois lui permettre d’utiliser un marqueur clinique simple d’identification des patients répondeurs, mais aussi lui ouvrir la porte à des indications dans des asthmes moins sévères, la polypose naso-sinusienne n’étant pas exclusivement associée à l’asthme sévère(13). D’autres voies thérapeutiques sont encore très préliminaires comme l’utilisation d’anti-IL9, une cytokine impliquée dans le recrutement et la prolifération des mastocytes dans les voies aériennes(9). La voie du CCR3, une chimiokine impliquée dans la réponse locale TH2, fait aussi l’objet de recherches, mais qui sont beaucoup moins avancées que celles effectuées avec les anti-IL5(9).   Thérapeutiques ciblant les voies physiopathologiques non TH2 Elles sont beaucoup moins avancées que pour la voie TH2. Ainsi, les antagonistes du TNF alpha qui avaient donné des résultats initiaux prometteurs dans l’asthme, ont été stoppés pour des problèmes de tolérance et de rapport bénéfice risque défavorable(14). L’inhibition du CXCR2, un des récepteurs de l’IL8, une chimiokine clé dans le recrutement des neutrophiles dans les voies aériennes, pourrait également être une voie de développement pour de nouvelles molécules(9). Il en va de même de l’IL17, une cytokine impliquée dans l’asthme qui présente la particularité d’être peu sensible aux corticoïdes(9). Enfin, on rappellera, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une thérapie ciblée, que la thermoplastie bronchique a démontré un effet significatif et important sur la masse musculaire lisse bronchique(15). L’identification de la cible thérapeutique est un pas important pour la sélection des patients pouvant bénéficier de cette technique coûteuse et complexe.   Conclusion Le développement des thérapies ciblées dans l’asthme représente une chance pour les patients atteints d’asthme sévère pour lesquels persistent d’importants besoins thérapeutiques. Mais c’est aussi une opportunité pour les chercheurs et les cliniciens de mieux comprendre l’hétérogénéité de la maladie asthmatique à travers l’identification du rôle précis de certaines voies physiopathologiques. En fonction des résultats obtenus à long terme et des modes d’administration (séquentiels versus continu quotidien, injectable versus inhalé), elles pourraient aussi trouver une place dans la prise en charge des formes moins sévères de l’asthme et révolutionner l’ensemble de la prise en charge thérapeutique de la maladie.

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