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Pneumologie

Publié le 13 déc 2015Lecture 9 min

Que peut-on conclure d’un test de réversibilité immédiate en spirométrie ?

R. BARBIER, Pneumologie – Explorations fonctionnelles respiratoires, centre hospitalier d’Avignon

Le test de réversibilité immédiate aux bronchodilatateurs d’un trouble ventilatoire obstructif (TVO) occupe une grande partie de l’activité du pneumologue lors de la réalisation d’EFR, avec le sentiment pour le praticien de pouvoir repérer un asthme chez les patients obstructifs, voire de fournir un argument pour l’utilisation des bronchodilatateurs chez tel ou tel patient et d’établir un pronostic.

Qui y a-t-il donc de réversible dans l’obstruction bronchique des patients souffrant de bronchopathie chronique(1) ? La contraction du muscle lisse bronchique et l’inflammation de la muqueuse le sont chez certains patients respectivement sous l’effet des bronchodilatateurs et des corticostéroïdes. La réversibilité de l’obstruction serait l’apanage de l’asthme, alors que l’obstruction dans les autres bronchopathies chroniques est réputée non ou peu réversible. En effet, d’autres causes d’obstruction bronchique ne sont pas jugées réversibles comme la diminution de la force de rétraction élastique du poumon qui caractérise l’emphysème. Pourtant, il apparaît au fil des publications que la BPCO et même l’emphysème ne sont pas vraiment irréversibles en réponse aux bronchodilatateurs, parfois en termes de VEMS, mais surtout en termes de distension thoracique(2-4). Traditionnellement, les indices utilisés pour juger de la réversibilité de l’obstruction sont le VEMS et la CVF. Les questions qui se posent sont les suivantes : quels seuils permettent de distinguer variabilité spontanée des paramètres mesurés et réversibilité ? La réversibilité permet-elle de bien différencier asthme et BPCO ? Ceci a été l’objet d’incessantes publications mais sans réponse reconnue de façon unanime(2).   L’évolution des concepts et des chiffres Le Ciba guest symposium, dont les conclusions ont été publiées dans Thorax en 1959(5), avait pour objet de faire la lumière sur les bronchopathies chroniques obstructives et de mieux les définir. Une distinction claire était faite entre « bronchite chronique», « asthme » et « pathologie obstructive irréversible du poumon». La réversibilité était jugée à l’aide de la mesure du VEMS et de la CVF sans précision sur les seuils de réversibilité. En 1962, l’ATS fournit des règles plus précises(6). Le diagnostic d’asthme est acquis si le VEMS progresse de 15 % au moins par rapport à sa valeur initiale. En 1974, l’ACCP, au travers d’une publication dans Chest(7) suggère que la réversibilité s’apprécie sur le VEMS, la CVF et le DEM 50. Elle est jugée « confirmée » si 2 à 3 de ces paramètres progressent par rapport à leurs valeurs initiales sous bronchodilatateur, et elle peut alors suggérer un asthme. Les seuils sont assez élevés (de 15 à 25 % de progression pour une réversibilité légère, de 26 à 50 % pour une réversibilité modérée et au-delà de 50 % pour une réversibilité marquée). Les recommandations vont se succéder pour proposer des critères de réversibilité et parfois de distinction asthme BPCO. Au final, on retient surtout aujourd’hui les chiffres des recommandations ATS/ERS 2005 pour parler de réversibilité (+ 12 % et plus de 200 ml de progression des valeurs initiales du VEMS et/ou de la CVF). L’utilisation de la variation par rapport à la valeur théorique qui avait été jugée « plus juste » par certains auteurs(1) a été abandonnée. Le GINA(8) propose ces dernières années les mêmes critères de réversibilité que ceux de l’ATS/ERS 2005 pour suggérer un asthme en plus d’une progression de 60 l/min ou de 20 % du DEP sous bronchodilatateurs. Il souligne également qu’une variabilité diurne importante du DEP (20 ou 10 % selon le mode de calcul) est relativement pathognomonique d’un asthme. Le GOLD dans son « Spirometry Guide 2010 »(9) rappelle qu’une progression du VEMS > 12 % de la valeur initiale et > 200 ml peut s’observer dans la BPCO. Il s’appuie sur les recommandations du British NICE COPD guidelines de 2010(10) pour suggérer qu’un asthme est probablement présent si le VEMS progresse de plus de 400 ml sous bronchodilatateurs ou que la mesure itérative du DEP révèle des variations significatives. La HAS dans son « Guide de parcours de soins – BPCO » de février 2012 s’appuie sur les mêmes recommandations(11).   La mesure du VEMS peut subir plusieurs écueils Lors de la réalisation de tests de réversibilité, plusieurs biais peuvent tromper et être à la source de faux positifs. Ces pièges sont plus facile à repérer à la lecture des courbes, trois d’entre eux sont exposés ci-dessus : A et B (courbe débit-volume), C (spirogramme) (figure).     Peut-on avec l’aide du seul test de réversibilité immédiate distinguer asthme chronique et BPCO ? Il est clair que la réponse est non pour un grand nombre de patients. Dès les années 1980, plusieurs études ont déjà conclu qu’aucun seuil de réversibilité ne permettait une dichotomie entre ces deux affections(2). La modification des seuils de réversibilité au fil des années n’a pas facilité les choses. Néanmoins, il semble que l’on tende vers un consensus pour dire qu’une réponse > 400 ml pour le VEMS soit une indication assez solide de l’existence d’un asthme (sans pouvoir exclure le diagnostic dans le cas contraire). Ceci est proposé paradoxalement dans les recommandations qui traitent de BPCO(9-11). Dans les autres situations, il ne faut pas attendre du seul test de réversibilité un diagnostic formel. On oublie souvent d’étudier la labilité du DEP (variations diurnes) qui, quand elle existe, serait un argument probant pour un asthme(9,10). En outre, il est clair qu’une grande variabilité du VEMS dans le temps va dans le même sens. De même, quand sous traitement d’épreuve, on assiste à une progression régulière du VEMS avec amélioration clinique(16), le diagnostic d’asthme est conforté.   Le test de réversibilité aux bronchodilatateurs conserve-t-il un intérêt dans la BPCO, voire dans l’asthme ? Pour ce qui est de la BPCO, il est admis que le bénéfice des bronchodilatateurs tient plus à leur effet sur la distension au repos et à l’effort qu’à leur action sur le VEMS(3,4,10). Par ailleurs, le caractère réversible du trouble obstructif lors d’un test ne permet pas de prédire l’efficacité du traitement à long terme(10) chez un patient BPCO. C’est pourquoi, les tests de réversibilité n’ont aujourd’hui aucun impact sur les choix thérapeutiques. En dehors du diagnostic initial (VEMS/CV < 0,7 après bronchodilatateur), ils peuvent être abandonnés dans la surveillance des BPCO. Toutefois, il est probable que les différents phénotypes de BPCO mériteraient d’être étudiés séparément(2,17). En effet, l’expérience montre que certains patients BPCO apparaissent très sensibles au test de réversibilité à l’opposé d’autres patients (plutôt emphysémateux) et que cela permettrait d’aider à définir des phénotypes différents(17), sans que l’on sache aujourd’hui en tirer une conclusion thérapeutique. Si on a pu penser dans le passé qu’une certaine réversibilité accordait au patient BPCO un meilleur pronostic, une étude danoise(18) répond que ce n’est pas l’amplitude de la réversibilité aux bronchodilatateurs mais plutôt le meilleur chiffre du VEMS obtenu qui est un bon indicateur d’espérance de vie, quel que soit le moyen pour y parvenir (corticostéroïdes, bronchodilatateurs). Pour ce qui est de l’asthme, le test de réversibilité est fondamental dans l’étape initiale du diagnostic. Dans la surveillance du patient, l’amplitude de la réversibilité à chaque examen spirométrique ne semble pas clairement influencer la stratégie thérapeutique(8), qui est plutôt basée sur les critères de contrôle de la maladie. Quant au pronostic que l’on pourrait prédire du test de réversibilité, la littérature est contradictoire. Dans une étude dont les conclusions sont parues dans l’European Respiratory Journal(19), il apparaît que les patients dont l’amplitude de réversibilité était la plus importante à l’inclusion sont les plus à même de développer une obstruction fixée par la suite… avec un déclin du VEMS plus rapide. Rappelons aussi qu’une très importante réversibilité (> 50 % pour le VEMS) a pu être considérée comme étant un facteur de risque d’asthme aigu grave ou fatal(20). À l’inverse, une étude française(21) n’identifie pas le degré de réversibilité aux bêta-adrénergiques comme un facteur de risque d’asthme fatal. Enfin, l’étude danoise citée pour la BPCO(18) arrive aux mêmes conclusions dans l’asthme en terme de survie : le meilleur VEMS obtenu quels que soient les moyens pour y parvenir, est le meilleur indice, plus que l’amplitude de la réversibilité.   Conclusion Le test de réversibilité a perdu les vertus qu’on lui prêtait dans le passé. Réversibilité immédiate sous bronchodilatateur évaluée par la simple modification du VEMS avec les critères actuels (ATS/ERS 2005) ne signifie plus de façon inconditionnelle asthme, même si une réponse « spectaculaire » plaide dans ce sens. Pour le diagnostic d’asthme, on oublie parfois de s’appuyer sur une histoire clinique cohérente, sur la labilité chez certains patients du DEP (et du VEMS) et sur l’évolution du VEMS sous traitement. La BPCO et même l’emphysème ne sont pas « irréversibles » si on en juge par l’action bénéfique des bronchodilatateurs sur la distension pulmonaire au repos et à l’effort, même si cela apparaît moins spectaculaire que l’action sur le VEMS. Le futur précisera probablement mieux les indications thérapeutiques en fonction des phénotypes de BPCO. Pour finir, le pneumologue a un rôle déterminant dans la définition des patients obstructifs et des patients réversibles lors de la réalisation d’EFR, en étant attentif à ne pas tomber dans certains pièges qui conduisent parfois à porter à tort le diagnostic de TVO réversible. Son expérience est précieuse pour le médecin généraliste qui s’investit dans le diagnostic initial des BPCO. 

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