publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Stomatologie

Publié le 25 juil 2011Lecture 9 min

Les hyposialies et la xérostomie

D. GALLAS, Centre hospitalier général, Senlis
L’hyposialie ou l’asialie concerneraient entre 300 000 et 500 000 personnes en France. Son étiologie est le plus souvent d’origine médicamenteuse ou radiothérapique. Ses conséquences sont à la fois mécaniques, infectieuses, somatiques et psychologiques. Certains traitements substitutifs améliorent le confort buccal. 
La diminution salivaire (hyposialie) ou l’arrêt de sécrétion salivaire (asialie) concernerait en France, selon les estimations de la HAS, de 300 000 à 500 000 patients. Cette cohorte est principalement constituée de la population des plus de 60 ans où la prévalence est estimée entre 17 et 28 %. La principale étiologie est médicamenteuse à 62 % dans cette sous-population. Plus de 400 spécialités médicamenteuses ont été reconnues responsables de sécheresse buccale. La radiothérapie de la face et du cou est également fréquemment responsable d’hyposialie ou d’asialie. Les dernières données disponibles fournies par les registres du cancer en France permettent d’estimer l’incidence des cas de cancers des lèvres, de la bouche et du pharynx à environ 15 000 patients. Trente à 40 % de ces patients, soit entre 4 500 et 6 000 patients, sont traités par radiothérapie (ou radiochimiothérapie) chaque année en France. Ces patients sont susceptibles de développer une hyposialie ou une asialie. En estimant la survie à 5 ans entre 30 et 50 %, les hyposialies ou asialies d’origine radiothérapique représentent un effectif négligeable par rapport aux étiologies médicamenteuses.   Une symptomatologie handicapante Le patient se plaint souvent de : – sécheresse dans la journée qui s’accentue au moment des repas en cas d’asialie, ou qui s’améliore avec le repas en cas d’hyposialie ; – lèvres sèches ; – sensation de langue collée au palais ; – difficultés pour parler, mastiquer, déglutir ; – intolérance au port de prothèses dentaires ; – mauvaise haleine ; – besoin de s’humidifier la bouche, de sucer des bonbons, de boire fréquemment de l’eau ; – dysesthésies buccales à type de brûlures ; – sécheresse des autres muqueuses oculaires, digestives, voies génitales... orientant vers une pathologie générale, auto-immune, ou médicamenteuse. L’examen retrouve une salive rare, épaisse, filante ou inexistante, parfois mousseuse car peu abondante. Les muqueuses sont rouges, sèches, vernissées, collant à l’abaisse-langue. La langue est parfois dépapillée. L’expression manuelle des glandes salivaires principales (parotides et sous-maxillaires) fait sourdre très peu, voire pas de salive aux ostia. On peut observer également une augmentation du volume des glandes salivaires principales. La xérostomie est objectivée rapidement par le test au sucre : un morceau de sucre numéro 4 doit fondre normalement sous la langue en moins de trois minutes.   Les conséquences de l’hyposialie Mécaniques Une hyposalivation sévère et prolongée entraîne une gêne pour parler, mastiquer et déglutir. Des sensations de brûlures buccales sont usuelles, aggravées par les aliments épicés et les acides. Des fissures douloureuses des commissures labiales ainsi que des ulcérations buccales et des lèvres peuvent survenir. Glossodynies et dysgueusie en sont la conséquence. L’absence de salive conduit à une accumulation locale des acides et des sucres.   Infectieuses L’hyposialie modifie la flore microbienne locale et se complique d’infections buccales. Les infections fongiques sont fréquentes et récidivantes. Les infections bactériennes sont la source de gingivites, de parodontites et de caries à progression rapide, le tout conduisant à une détérioration de l’état dentaire pouvant même aboutir à une édentation. La fragilisation des muqueuses et une intolérance aux prothèses dentaires sont classiques de même que l’extension de l’infection aux glandes salivaires (sialadénites).   Somatiques Toute hyposalivation retentit sur les fonctions multiples assurées par la cavité bucco-dentaire : mastication, alimentation, digestion, parole/phonation, olfaction et goût. L’absence de salive contribue au reflux oesophagien, à la sensation permanente de soif et à une modification de l’haleine. À terme, des conséquences sur la nutrition (perte de poids) et les plaisirs de l’oralité sont à craindre.   Psychologiques La xérostomie et ses conséquences, pour des raisons tant physiologiques qu’esthétiques, retentissent profondément sur l’humeur, le comportement social et la recherche du plaisir de l’oralité. En cas de pathologie psychiatrique, on conçoit aisément le caractère aggravant de toute thérapeutique inductrice de xérostomie. Dans tous les cas, la bouche sèche dépasse le simple concept de gêne et doit être considérée comme une atteinte à la qualité de vie.   Les médicaments, première cause de xérostomie Seuls ou associés, de nombreux médicaments sialoprives sont responsables de 80 % des déficits salivaires ; 75 % des personnes âgées de plus de 65 ans prennent au moins un médicament responsable d’une baisse du flux salivaire. Le retour à une sécrétion normale à l’arrêt du traitement n’est pas constant et peut être d’autant plus long que le médicament a été pris de manière chronique.     La radiothérapie cervico-faciale L’irradiation antitumorale des voies aérodigestives supérieures délivre environ 65 grays au niveau de la cavité buccale. La fonction salivaire est atteinte par les glandes salivaires principales se trouvant dans le champ irradié (atrophie des acini, nécrose intraglandulaire, fibrose et dégénérescence graisseuse) : le diagnostic est facile dès l’interrogatoire, mais il ne faut pas oublier que la prise de médicaments peut aggraver cette sécheresse. L’hyposialie survient rapidement après la courte période d’hypersialorrhée liée à la mucite. Elle peut se compliquer de caries nombreuses et rapidement destructrices, et de parodontopathies, de mycoses chroniques récidivantes, d’ostéoradionécrose. D’où la nécessité de la mise en état de la cavité bucco-dentaire préalable à la radiothérapie, d’une hygiène dentaire rigoureuse, de la fluorothérapie par gouttières, et de la surveillance dentaire régulière par la suite. Cette hyposialie n’est pas forcément définitive, un certain degré de récupération peut survenir dans les mois ou les années qui suivent la radiothérapie.   Le syndrome de Gougerot-S jögren Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-immune chronique aux localisations et formes diverses caractérisée par un infiltrat lymphocytaire des glandes exocrines. La xérostomie est un des critères majeurs diagnostiques de ce syndrome. C’est une maladie fréquente, de diagnostic souvent tardif, qui concerne classiquement la femme à partir de 45 ans (prévalence après 60 ans de 2 %). Le syndrome est primitif ou secondaire aux connectivites et nécessite pour être confirmé un bilan clinique et biologique. Il existe de fréquentes associations de la maladie avec d’autres atteintes glandulaires (thyroïdite de Hashimoto, cirrhose biliaire primitive, etc.), viscérales (tubulopathie rénale, pneumopathie interstitielle diffuse, neuropathies périphériques, éventuellement trigéminales) et avec diverses connectivites (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie, périartérite noueuse, polymyosites, syndrome de Sharp, etc.). Les facteurs déclenchants de ces processus autoimmuns sont inconnus.   La sénescence Le déficit salivaire du sujet âgé touche plus souvent les femmes et serait à rapprocher des déficits glandulaires postménopausiques. L’inter rogatoire recherche une respiration buccale qui accentue la sécheresse des muqueuses. Ce sont des patients polymédicamentés à la mastication souvent diminuée. L’hyposialie peut être aggravée par une diminution des apports hydriques liée à une perte de la sensation de soif, ou le plus souvent volontairement en raison d’une incontinence urinaire invalidante. Cette xérostomie peut être responsable d’une gêne importante et permanente, voire de douleurs, entraînant des perturbations de l’alimentation, de la vie sociale et affective.   Les autres Causes d’hyposiaLie • Intoxication chronique tabagique, alcoolique, cannabis, amphétamines, etc. • La sarcoïdose et l’amylose. • L’infection par le VIH, l’hépatite C et la réaction du greffon contre l’hôte (GVH). • Les hyposialies nutritionnelles souvent modérées chez les femmes jeunes suivant des régimes amaigrissants et/ou anorexiques. • Les hyposialies endocriniennes peuvent survenir chez certains patients diabétiques mal équilibrés, au cours de l’alcoolisme chronique, du diabète insipide, des dysthyroïdies. • Les déficits de la fonction de mastication (altération de la denture, douleur, pathologie temporo-mandibulaire, parodontopathie). • Toutes les causes de respiration buccale.   Les traitements Le traitement d’une hyposialie doit être étiologique (arrêt si possible des médicaments responsables, hormonothérapie substitutive, etc.) et/ou substitutif (salive artificielle) et/ou médical stimulant (sialogogues si persistance d’une sécrétion salivaire résiduelle) quand on le peut (absence d’effets secondaires généraux) ! Basées sur la physiologie de la salive et son rôle, nous pouvons également proposer, pour améliorer le confort quotidien des patients : – apports hydriques suffisants (1,5 l/j), eaux pétillantes (gazeuses), stimulation de la salivation par chewing-gum sans sucre (> 30’ matin et soir) ; – boire pendant les repas, éviter les bains de bouche alcoolisés, protéger les dents (fluor) ; – apport de corps gras (beurre) pour lubrifier la cavité buccale et stick gras sur les lèvres ; – bains de bouche bicarbonatés diminuant la fréquence des candidoses ; – hygiène et soins dentaires et prévention des caries. • Les traitements de stimulation (sialogogues) sont utilisés lorsqu’il persiste un certain degré de sécrétion salivaire. Le seul médicament ayant prouvé son efficacité dans les études randomisées est le chlorhydrate de pilocarpine : préparation magistrale dosée à 2,5 mg ou 5 mg ou Salagen®. La posologie de 20 mg par jour améliore 50 % des syndromes de Gougerot-Sjögren. Malheureusement, les effets secondaires sont fréquents ; en revanche, ils sont généralement légers et régressent spontanément. L’anétholtrithione (Sulfarem® S25) largement prescrit n’a pas fait la preuve de son efficacité sur l’amélioration de la sécrétion salivaire. • Les traitements substitutifs améliorent le confort buccal, mais leurs effets sont transitoires : salive artificielle contenant des mucines ou de la carboxyméthylcellulose : spray (Artisial® > 8 doubles pulv/j) ou gel (Bioxtra® > 3 appl/j), triesters de glycérol oxydés (Aequasyal®), système protéique d’enzymes salivaires LP3 (Biotène®).  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème