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Allergologie

Publié le 11 déc 2016Lecture 12 min

Réaction d’hypersensibilité après injection d’un produit de contraste iodé

C. MOUTON-FAIVRE, Consultation d’allergologie médicamenteuse, CHU de Nancy

On qualifie d’« hypersensibilité immédiate » une réaction qui survient dans l’heure qui suit l’injection d’un produit de contraste. Celle-ci peut correspondre à une réaction IgE-dépendante, une « réaction d’hypersensibilité immédiate allergique IgE-dépendante » (HSI allergique) ou à une réaction non allergique, non IgE-dépendante (HSI non allergique). Un mécanisme allergique est le plus souvent retrouvé dans les réactions graves qui correspondent aux grades de sévérité de la classification de Ring et Messmer. La prise en charge thérapeutique dépend du grade de sévérité de la réaction d’hypersensibilité.

Toute réaction d’hypersensibilité (HS) doit conduire au dosage du taux des médiateurs de l’anaphylaxie dans les 30 minutes qui suivent l’injection du produit de contraste (PC) et à un bilan allergologique cutané avec l’ensemble des PC de la même famille. Nous n’aborderons pas ici les réactions d’HS retardées aux PC iodés : exanthème maculo-papuleux le plus souvent, dont la prise en charge est bien différente.   Diagnostic clinique de la réaction d’HSI La réaction d’HSI survient, selon la définition de Johansson(1) dans l’heure qui suit l’injection du médicament. En pratique, elle survient dans les minutes, voire dans la minute qui suit l’injection. Plus la réaction est grave, plus elle survient précocement. Ces réactions sont répertoriées en 4 grades de sévérité, selon la classification de Ring et Mesmer(2) : – le grade I correspond à une urticaire étendue ou un érythème généralisé – ce qui sous-entend que la sensation de chaleur ou 2-3 papules d’urticaire ne sont pas un grade I ; – le grade II associe les symptômes cutanés du grade I et une chute tensionnelle de faible gravité (moins de 30 % de la valeur de base) avec tachycardie le plus souvent et/ou des symptômes respiratoires à type de toux ou dyspnée ou respiration sifflante ; – la caractéristique du grade III est le collapsus cardiovasculaire (TA systolique < 60 mmHg) avec tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme, bronchospasme. Comparée au nombre d’injections de PCI en France par an – environ 5 000 000 –, l’incidence des réactions d’hypersensibilité immédiate est très faible, de l’ordre de 0,4 %. Les réactions d’HSI peuvent être graves, exceptionnellement mortelles. Lorsqu’une réaction d’HSI engage le pronostic vital, on parle de « réaction anaphylactique ». S’il y a présence d’un oedème du visage, on parle d’« angiœdème » et non plus d’« œdème de Quincke ». Cette classification clinique (tableau) est la préférée des cliniciens car elle guide la thérapeutique. Elle permet de préciser que les symptômes digestifs ne sont à prendre en compte que s’ils sont associés aux autres symptômes de l’anaphylaxie car isolés, ils ne sont pas une manifestation de réaction d’HSI. Le diagnostic biologique de la réaction d’HSI repose exclusivement sur le dosage des médiateurs de l’anaphylaxie, que sont les taux d’histaminémie et le taux de tryptase plasmatique. Seul le dosage de la tryptase est accessible au remboursement en exercice libéral. De plus, la tryptase est le seul marqueur de la dégranulation mastocytaire provoquée par une réaction IgE. L’élévation du taux de tryptase prouve que la réaction est IgE-dépendante alors que l’élévation du taux d’histamine n’est pas spécifique d’un mécanisme IgE-dépendant. Plus le taux de tryptase est élevé, plus la réaction clinique est grave : il existe une bonne corrélation clinico-biologique. Il faut recommander à nos confrères radiologues de réaliser ce précieux dosage entre 30 et 60 minutes après le début de la réaction. Plus tôt, le taux de tryptase n’est pas maximal, plus tard, la tryptase ne sera plus mesurable(3). Le diagnostic rétrospectif de la nature de la réaction ne pourra être établi qu’au décours du bilan cutané allergologique. Ce bilan, que l’on recommande de faire dans les 6 semaines qui suivent la réaction, est en réalité parfaitement interprétable plus tôt, à condition que le patient ne prenne pas d’antihistaminiques. Les autres médicaments ne modifient pas, pour la plupart, la réactivité cutanée (en dehors de certains neuroleptiques)(4). La lecture immédiate des tests n’est pas entravée par les ß-bloqueurs, les corticoïdes. En revanche, les patients gros fumeurs et consommateurs de café en excès ont, du fait de la vasoconstriction cutanée engendrée, une peau de lecture difficile. Nous sommes également confrontés à des peaux parfois très foncées sur lesquelles il est bien difficile d’interpréter les tests cutanés. Les personnes tatouées ne nous facilitent pas non plus la tâche.   Buts du bilan allergologique Le bilan allergologique permet de déterminer si la réaction provoquée par l’injection du PCI est d’origine allergique IgE-dépendante ou non (positivité du test cutané avec le PCI injecté), et de rechercher une sensibilité étendue aux autres PCI afin de proposer un autre PCI pour les procédures injectées ultérieures. Les tests peuvent être réalisés dans les jours qui suivent la réaction, après s’être assuré que la réactivité cutanée est de bonne qualité au moyen d’un prick-test à l’histamine. Si la réaction explorée était grave, il convient de réaliser un prick-test avec le PCI injecté, mais il faut savoir que la rentabilité des prick-tests avec les PCI est médiocre, probablement en raison de la faible pénétration cutanée de l’ensemble des PCI du fait de leur caractère très visqueux. L’intradermoréaction (IDR) est la meilleure technique pour les PCI : on débutera avec une concentration d’autant plus faible que la réaction a été grave. Il est rare de recourir à une dilution plus grande du 1/1 000, puis on progressera de 10 en 10 jusqu’à la concentration pure. Peu de publications relatent l’utilisation de la concentration pure, mais mon expérience personnelle des tests cutanés avec les PCI me permet d’affirmer que les PCI testés purs ne sont pas histaminolibérateurs, sauf iopromide (Ultravist®) qui génère une réaction érythémateuse pouvant perturber l’interprétation de l’IDR. Les PCI en IDR provoquent des papules à 20 minutes qui doublent en raison de sa diffusion dans le derme, mais la papule étendue reste blanche et dans ce cas, le doublement de la papule ne signifie pas un test cutané positif. Pour qu’une IDR soit positive  avec le PCI, il faut que le diamètre de la papule (en général de moins de 5 mm, sinon elle est irritante) double à 15 minutes, certes, mais qu’elle soit érythémateuse et s’entoure d’un halo d’érythème le plus souvent prurigineux. Le cas le plus fréquent dans l’exploration d’une réaction de grades II ou III est que l’IDR avec le PCI incriminé soit positive à la di lut ion de 1/10 ou à la concentration pure. Dans le même temps, on réalise une recherche de sensibilité croisée avec le maximum d’autres PCI afin de guider les prescriptions ultérieures : on peut débuter d’emblée à la concentration de 1/10, puis tester à la concentration pure. Chez près de 30 % des patients, il existe une sensibilité croisée avec au moins un autre PCI. Aucune connaissance épitopique de la structure des différents PCI ne permet d’établir, sans les tester, quels PCI vont croiser entre eux(9) (figures 1 et 2). Seul un bilan en IDR des différents PCI réalisé dans un centre où les médecins sont rompus aux tests médicamenteux doit être recommandé.   Faut-il recommander un test de réintroduction ? Dans le cadre du bilan des réactions d’HS immédiate, ces réintroductions ne sont pas utiles, sauf cas particuliers, car la valeur prédictive des IDR si les PCI sont testés jusqu’à la concentration pure est excellente(6,7). Il est donc préférable que la réintroduction d’un PCI soit suivie d’une exploration radiologique. Il paraît donc éthiquement défendable que les PCI non réactifs en IDR à la concentration pure soient proposés pour une nouvelle procédure injectée sans test de réintroduction préalable(6-8). La conclusion d’un bilan allergologique sera : – soit réaction d’HSI allergique IgE-dépendante : réaction clinique de grade I à IV selon la classification de Ring et Mesmer, élévation du taux de tryptase au décours de la réaction et positivité de l ’IDR avec le PCI injecté ; – soit réaction d’HSI non allergique, non IgE-dépendante : le plus souvent une réaction de faible gravité, grade I, sur terrain atopique (facilité à dégranuler les mastocytes), terrain histaminolibérateur ou anxiété majeure qui favorise l’histaminolibération non spécifique. De la conclusion du bilan allergologique va dépendre la nécessité ou non d’une prémédication.   Quelle prémédication pour quel patient ? Aucune prémédication ne peut empêcher la survenue d’une réaction d’HSI allergique IgE-dépendante : la prescription d’une prémédication peut se faire dans le but de réduire la réactivité cutanée non spécifique, mais ne peut prévenir la dégranulation IgE-dépendante. On ne prescrit donc pas dans un but antiallergique les médicaments antihistaminiques. Ces médicaments seront réservés au traitement du terrain, leur prescription la veille au soir et le matin de l’examen est recommandé. On évitera hydroxyzine, qui provoque somnolence et autres effets anticholinergiques pour les examens ambulatoires. Il n’y a aucune indication aux corticoïdes pour prévenir une réaction d’HSI. Une prémédication anxiolytique est parfois justifiée. Et la prémédication dans le cadre de l’urgence ? Retarder ou refuser un examen avec injection de PCI par ailleurs essentielle au diagnostic au motif que la prémédication doit être administrée ou n’a pas été administrée, n’est pas fondé(6). Ce type de décision arbitraire est opposable au médecin radiologue, car il s’agit d’une situation où, typiquement, une perte de chance peut être reconnue si un recours est déposé par le patient ou ses proches, à l’occasion d’un retard diagnostique par exemple.  L’injection d’un PCI est une agression médicale qui peut déstabiliser une maladie sous-jacente, ainsi un asthme non équilibré par la thérapeutique pourra être aggravé par l’injection d’un PCI. Il est donc fondamental de s’assurer que la maladie asthmatique est contrôlée par la thérapeutique. Si ce n’est pas le cas, une prémédication antiasthmatique associant ß2-mimétiques et corticoïdes inhalés sera nécessaire.   Traitement de la réaction d’HSI   Le traitement est guidé par la classification de Ring et Messmer Pour le grade I – érythème généralisé ou urticaire étendue, le traitement repose sur la prescription d’un antihistaminique simple. En cas d’angioedème associé, un corticoïde per os peut être associé, par exemple bétaméthasone à la posologie de 0,1 mg /kg ou prednisolone à 1 mg/kg. Pour le grade II avec symptômes respiratoires : anti-H1 + ß2-mimétiques en chambre d’inhalation + corticoïdes inhalés ou corticoïdes per os à la posologie indiquée pour le grade I. Pour le grade II avec chute TA et tachycardie en général, l’adrénaline n’est pas nécessaire, sauf si la situation s’aggrave : position allongée, MI surélevés, remplissage vasculaire et, si nécessaire, adrénaline titrée à 0,01 mg/ml. Pour le grade III caractérisé par le collapsus cardiovasculaire : position allongée, remplissage vasculaire sur une voie veineuse solide – de préférence avec Voluven®, meilleur exploseur volumique –, adrénaline titrée à 0,1 mg/ml en bol de 0,1 ml toutes les 2 minutes. Il faut appeler les médecins anesthésistes réanimateurs dès que la situation clinique le justifie. Des jeux de rôles pour enseigner la prise en charge de l’anaphylaxie per scannographique seraient des plus utiles. En effet, la probabilité d’être confronté à une réaction d’HSI de grades III ou IV est faible, il faut donc s’entraîner avant que la réaction survienne, de façon à savoir la prendre en charge. Dans tous les cas, il faut rester calme, rassurer le patient, appeler à l’aide et avoir à disposition une trousse d’urgence renfermant un anti-H1, de la Ventoline® et une chambre d’inhalation, du Celestene® ou Solupred® orodispersibles, de l ’adrénaline en une seule et unique présentation d’1 mg/ml afin de ne pas faire d’erreur au moment de la titration. La titration de l’adrénaline est indispensable pour éviter les effets secondaires : cardiomyopathie de stress ou Tako Tsubo, syndrome coronarien aigu, poussée hypertensive(10). Les facteurs de risque de survenue d’une réaction d’HSI avec un PCI sont représentés par : – pour les réactions de faible gravité d’HSL non allergique : un terrain atopique qui favorise la dégranulation mastocytaire, les urticariens chroniques, les anxieux, etc. Chez ces patients, une prémédication antihistaminique et/ou anxiolytique est recommandée(11) ; – pour les réactions d’HSL allergique : un antécédent de réaction d’HSI au cours d’un examen iodé (seul facteur de risque devant conduire à un bilan allergologique). Les antécédents d’allergies respiratoire, alimentaires quel les qu’elles soient, médicamenteuse autre que les PCI ne doivent pas conduire à un bilan allergologique. L’asthme non contrôlé par la thérapeutique expose à une crise d’asthme durant l’examen, l’existence d’un asthme doit conduire à une évaluation avant toute procédure injectée. En cas d’urgence, la mesure de la SAT O2 et une prémédication par ß2-mimétiques sont indiquées.   Conclusion Les réactions d’HSI aux PCI sont rares et exceptionnellement graves. Leur diagnostic repose sur un triptyque diagnostique-clinique-biologique et le résultat des tests cutanés. Seul le résultat des tests cutanés avec les différents PCI peut conduire à proposer un PCI négatif en IDR pour les procédures injectées suivantes. Aucune prémédication ne peut empêcher la survenue d’une réaction d’HSI allergique IgE-dépendante.

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