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ORL

Publié le 06 oct 2016Lecture 11 min

Céphalée primaire ou algie cranio-faciale ?

F. TIBERGHIEN-CHATELAIN, J.-L. LAJOIE, V. PICCAND, Centre d’évaluation et de traitement de la douleur, CHU Jean-Minjoz, Besançon

Devant une céphalée ou une algie cranio-faciale, une analyse de la sémiologie de la douleur permet le plus souvent d’établir un diagnostic. Cette analyse permet de distinguer 6 grands tableaux cliniques : la migraine, la céphalée de tension, l’algie vasculaire de la face, la névralgie du trijumeau, la névralgie d’Arnold et le syndrome algo-dysfonctionnel de l’articulation temporo-mandibulaire (Sadam). Les éléments clés de l’interrogatoire sont le mode de début, les caractéristiques de la douleur, sa localisation, son intensité, sa durée, ses signes d’accompagnement. L’objectif de cet article est de résumer la sémiologie de ces différentes céphalées et algies de la face afin d’obtenir dès la première consultation une orientation diagnostique et ainsi pouvoir proposer une prise en charge thérapeutique adaptée.

La névralgie d'Arnold La névralgie d’Arnold est une céphalée occipitale unilatérale, paroxystique le plus souvent à type d’élancements, de brûlures, de décharges électriques déclenchées par la flexion du rachis vers l’avant et le froid. Un antécédent de traumatisme cervical est fréquent. La douleur concerne le territoire de la branche postérieure de la seconde racine cervicale C2 nommée grand nerf occipital d’Arnold. Ce nerf est en rapport étroit avec les structures osseuses, musculaires, et tendineuses de la région cervicale haute et postérieure. La douleur débute dans la région occipitale, puis irradie jusqu’au vertex et dans un tiers des cas en frontal, en sus-orbitaire et vers la mâchoire du même côté. La douleur est déclenchée ou exacerbée par la palpation sur le trajet du nerf grand occipital au niveau de la ligne nucale. Le traitement fait appel à l’infiltration à l’émergence du nerf ou au site intermédiaire au niveau de la première boucle que décrit le nerf grand occipital en contournant le muscle oblique inférieur de la tête, à la rééducation du rachis cervical, à la cryothérapie. Les formes rebelles font appel à la neuro-stimulation du nerf d’Arnold dans la région nucale, soit par une électrode chirurgicale soit une électrode percutanée. La neurostimulation transcutanée préalablement essayée est un bon test prédictif positif.   Points forts : • Douleur occipitale puis irradiant vers le vertex unilatéral ; • Décharges, brûlures, élancements ; • Déclenchement traumatisme, froid, tête penchée en avant ; • Durée variable.     L'algie vasculaire de la face (AVF) et les céphalées trigémino-autosomiques L’algie vasculaire de la face se distingue de la migraine par son caractère excessivement sévère. Cette pathologie se rencontre plutôt chez l’homme jeune (2030 ans), tabagique, et est beaucoup plus rare que la migraine. Les céphalées sont souvent déclenchées par l’ingestion d’alcool et apparaissent très souvent à heures fixes « signe de l’horloge ». Il existe parfois une périodicité saisonnière, mais aussi circannuelle (le patient présentant des périodes de crises par exemple tous les 2 ou 3 ans ou encore tous les 10 ans). L’AVF est souvent épisodique. Il existe aussi des formes chroniques plus rares. Il s’agit de douleurs sévères unilatérales, orbito-frontales, le plus souvent d’une durée de 15 à 180 minutes si un traitement n’est pas instauré, à une fréquence de 1 à 8 fois par jour. Le patient décrit une douleur atroce comme une vrille, un fer rouge, un couteau dans l’œil, un broiement du globe oculaire. L’agitation est présente et la déambulation est un critère diagnostique. Ces douleurs s’accompagnent de signes végétatifs homolatéraux. L’examen clinique retrouve transitoirement des signes vasomoteurs tels une injection conjonctivale, un larmoiement, une congestion nasale, une rhinorrhée, une sudation du front et de la face, un myosis, un ptosis et un œdème de la paupière. Le traitement de la crise fait appel à l’oxygénothérapie 10 l/min pendant 15 minutes ou au sumatriptan injectable Imiject. Le traitement de fond comprend classiquement le Vérapamil, parfois le lithium dans les formes chroniques. L’infiltration et la stimulation du nerf d’Arnold offre une nouvelle voie thérapeutique. L’algie vasculaire de la face fait partie des céphalées trigéminales autonomiques. Il existe également trois autres formes de céphalées beaucoup plus rares : - l’hémicrânie paroxystique. Cette céphalée proche sémiologiquement d’une AVF, se rencontre plutôt chez la femme. Les crises sont cependant beaucoup plus courtes et plus fréquentes dans la journée. Le traitement fait appel à l’indométacine ; - le SUNCT (Short lasting Unilatéral Neuralgiform headache) est une céphalée caractérisée par des crises identiques à la névralgie du trijumeau mais associée à des signes vasomoteurs. Cette céphalée est le plus souvent symptomatique et doit conduire à la pratique d’une IRM ; - enfin, l’hémicrânie continua est une céphalée qui dure depuis plus de trois mois, unilatérale. Il existe un fond douloureux permanent associé à des accès douloureux identiques à l’algie vasculaire de la face. Par contre, l’intensité de la douleur est beaucoup plus modérée et le traitement fait également appel à l’indométacine.   Point forts : • Homme jeune ; • Douleur orbitaire extrêmement sévère ; • fréquence de 1 à 8 par jour ; • Durée de 15 à 180 minutes ; • signes vasomoteurs associés ; • signe de l’horloge ; • Périodicité. La céphalée de tension Les céphalées de tension sont des céphalées le plus souvent bilatérales ou occipitales en casque qui peuvent aussi intéresser la racine du nez. Le patient décrit une douleur à type de compression, ou en étau. La douleur est d’intensité légère à modérée. Il n’existe pas de signe digestif comme dans la migraine et peu de signes d’hyperesthésie sensorielle. Ces céphalées sont soit épisodiques, soit chroniques plusieurs heures par jour ou en continu au moins 15 jours par mois pendant trois mois. Il s’agit le plus souvent de céphalées en lien avec des états de stress qui nécessitent une prise en charge globale. Les comorbidités sont fréquentes dans les formes chroniques : syndrome anxio-dépressif, fibromyalgie… Le traitement de la céphalée de tension aiguë fait appel au paracétamol et surtout aux antiinflammatoires (AINS). Parmi les céphalées de tension, on distingue les céphalées chroniques quotidiennes (CCQ) par abus d’antalgiques, qui surviennent chez un patient présentant antérieurement une céphalée primaire sous-jacente. Elles sont secondaires à un abus médicamenteux, définies par la présence au moins 15 jours par mois depuis au moins trois mois par une prise d’antalgiques non opioïdes (paracétamol, aspirine, AINS), ou 10 jours par mois pour une prise d’opioïdes, d’ergotés de triptans et/ou en cas d’utilisation combinée de plusieurs médicaments par le patient.   Points forts : • Début avant 40 ans ; • Prépondérance féminine ; • Douleur unilatérale temporale ou frontale sévère ; • Caractère pulsatile, aggravé par les efforts ; • Durée de 3 heures à 3 jours ; • Photophobie phonophobie.   Le Syndrome algo-dysfonctionnel de l'articulation temporo-mandibulaire (Sadam) Enfin, il existe une douleur de la face à connaître, responsable de douleurs atypiques en lien avec un syndrome algo-dysfonctionnel de l’articulation temporomandibulaire, ou douleur de Sadam. La douleur est récurrente ou chronique, avec une prévalence féminine. Les algies concernent la région auriculotemporo-mandibulaire et irradient au front, vers la gorge, le cou, et l’occiput et s’associent à une limitation de l’ouverture buccale, un craquement articulaire des articulations temporomandibulaires, avec des épisodes de subluxation. Il existe un bruxisme nocturne, parfois une otalgie réflexe, et des acouphènes. Ces douleurs évoluent dans un contexte de stress et de bruxisme nocturne. Le traitement fait appel à une prise en charge globale conjointement avec le stomatologue.   Points forts : • Prépondérance féminine ; • Contexte de stress ; • Douleur localisée à l’articulation temporo-mandibulaire ; • irradiation front, gorge, cou, mâchoire ; • Limitation ouverture buccale ; • Bruxisme.   La névralgie du trijumeau La névralgie du trijumeau est une douleur de la face qui intéresse le plus souvent la femme de plus de 60 ans. Chez les patients plus jeunes, il convient d’éliminer une névralgie symptomatique par une IRM. Il s’agit de douleurs paroxystiques à type de décharges électriques, superficielles, brèves, fulgurantes ou en coups de poignard ou de chalumeau (brûlure), le plus souvent localisées dans le territoire de la deuxième branche et de la troisième branche du nerf trijumeau. Ces douleurs sont extrêmement violentes. Elles durent quelques secondes à quelques minutes, évoluant par salves avec une période réfractaire. Les crises sont soit spontanées soit déclenchées par une zone gâchette comme l’effleurement de la joue, de la commissure buccale, ou l’aile du nez, la mastication, le repas, la parole, la toilette, le rasage, et même un courant d’air… Le patient est crispé, son attitude est figée lors de l’accès (tic douloureux de Trousseau). L’indolence est totale entre les crises. Le patient développe une anxiété anticipatoire du prochain accès. Dans la forme essentielle, il n’y a pas de douleur nocturne, ni de fond douloureux permanent. L’examen neurologique est normal  : réflexe cornéen, sensibilité de la face, muscle masséter. Le traitement fait appel à la carbamazépine (Tegretol®) puis en cas d’échec à la thermocoagulation du ganglion de Gasser. La radiothérapie stéréotaxique par gamma knife est une option thérapeutique ainsi que la décompression neurovasculaire chez les patients jeunes. La stimulation magnétique transcrânienne répétitive est proposée en cas d’échec des autres techniques avec une possible implantation d’électrode corticale. Points forts : • femme d’âge > 60 ans ; • territoire du nerf trijumeau surtout territoire V2 V3 ; • Décharges électriques en salves ; • Zone gâchette ; • Pas de douleur nocturne.   La migraine La migraine est la plus fréquente de ces tableaux douloureux. Il s’agit d’une céphalée primaire à prédominance féminine (3/1) qui débute le plus souvent avant 40 ans. Les antécédents familiaux sont fréquents. Une altération de la qualité de vie est retrouvée chez un patient sur deux. Il existe des migraines avec ou sans aura. La durée de la crise varie entre 4 et 72 heures. Il s’agit d’une céphalée souvent unilatérale, pulsatile, d’intensité sévère, s’aggravant avec l’activité physique de routine comme la marche ou la montée d’escaliers. Elle s’associe le plus souvent à des nausées et des vomissements et s’accompagne de signes d’hypersensibilité sensorielle comme une phonophobie, une photophobie et une intolérance aux odeurs. Il n’existe pas de céphalée entre les crises. L’examen clinique est normal. En cas de migraine avec aura, l’aura est soit visuelle, soit cénesthésique, soit dysarthrique. L’aura précède la céphalée migraineuse et dure de 5 à 60 minutes. Les auras isolées sont rares. L’aura n’est pas attribuée à un autre désordre neurologique. Le traitement de la crise associe soit les AINS, soit les triptans, soit les deux dès le début de la crise. Il existe de nombreux traitements de fond si les crises se répètent de façon invalidante plus de 2 fois par mois.   Points forts : • Contexte de stress ; • Douleur peu sévère à type de pression de lourdeur, de tension en casque ; • Localisation région cervicale postérieure haute, vertex, frontale ; • Durée variable.   Conclusion Les algies de la face et les céphalées sont un bon exemple de l’importance de l’examen sémiologique lors du premier entretien. La description des douleurs, accompagnées de schémas réalisés avec le patient lors de la première consultation, permet le plus souvent de faire un diagnostic étiologique. Une IRM cérébrale et cervicale doit être réalisée en cas d’examen neurologique anormal ou de céphalée atypique d’apparition brutale ou inhabituelle ou ne cédant pas à la prise du traitement habituel, pour ne pas méconnaître une céphalée secondaire à une origine tumorale, vasculaire, infectieuse… nécessitant une prise en charge spécifique.

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